Billet de blog 20 avril 2018

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«Le stage a été compromis»

Par Schnuki, 30 ans, Professeur chargé d’échanges franco-allemands à Hambourg (Allemagne), en voyage à Bénodet (Finistère).

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

J’avais 30 ans au moment des événements de mai 1968.

J’étais à l’époque professeur chargé des échanges franco-allemands à l’Institut français de Hambourg.

Un voyage avec de jeunes Allemands avait été programmé pour leur apprendre à faire de la voile à Bénodet en Bretagne.

Nous sommes arrivés à Bénodet vers le 10 mai. Tout fonctionnait encore. Mais, à peine arrivés en Bretagne, le stage a été compromis.

Les jeunes moniteurs se sont associés à la grève étudiante et ont refusé de poursuivre le travail.

On est tous restés là-bas à ne rien faire, à jouer aux cartes, à bavarder. On nous annonçait régulièrement l’aggravation de la crise et la sensation qu’on allait vers on ne sait où.

Si pour ma part, la situation me désolait, les jeunes Allemands eux n’y comprenaient rien et attendaient un retour à l’activité.

On a patienté. On a mangé, bu et dormi. On s’est promené. Quelques idylles se sont nouées. Puis le stage s’est terminé au bout d’une quinzaine de jours et on est reparti vers Hambourg.

On n’avait pas su grand-chose des événements, sinon le sentiment d’un désordre absurde. Je ne se me sentais pas concerné, mais déçu pour les jeunes Allemands dont le séjour avait été complètement raté.

Pour ma part, j’avais le sentiment de quelque chose qui n’avait ni queue ni tête. Quelques moniteurs étaient partis, je ne sais où. Les autres étaient là à dire des trucs comme : « Nous nous associons au mouvement. »

Une fois rentrés en Allemagne, les choses se sont décantées. Moi qui n’avait pris aucun intérêt à l’affaire, car j’étais farouchement gaulliste, j’ai apprécié la fin de cette histoire, tout en prenant parfaitement conscience des dégâts provoqués. Effectivement vers le mois d’octobre une crise financière terrible a secoué la France. On est revenu au contrôle des changes. L’arrêt de travail et la situation de chaos total qu’avait donné la France à l’étranger brisait la monnaie française pourtant parfaitement solide depuis la création du « nouveau franc » en 1959.

En Allemagne, les gens demandaient  des conférences pour comprendre ce qui s’était passé chez le voisin. Ils approuvaient ces événements qui disqualifiaient de Gaulle. Ils lui reprochaient sa politique qu’ils jugeaient trop contraire à leurs intérêts.

Voilà ce j’ai retenu de ces événement de mai 1968. Pour moi, la France s’était bien rétablie depuis 1958 et la fin de la IVe République qui avait été, à mon avis, une période malheureuse de l’histoire nationale, avait été une bonne chose. La paix, après 20 ans de guerres coloniales, était rétablie. La France avait retrouvé une économie et des finances en bon état. Sur le plan international, la France de De Gaulle était respectée. La conférence de la paix sur le Vietnam se faisait à Paris, ce qui consacrait la justesse des positions de De Gaulle sur ce sujet.

En fait, à mon sens toujours, ce qu’il fallait comprendre de ces événements, c’était la colère et le rejet complet de la société française contre la personne de De Gaulle. C’était quelque chose qui « couvait » depuis plusieurs années avec une réélection difficile de De Gaulle en 1965. Les Français étaient très las de De Gaulle, il faut le dire et le répéter. Le slogan « Dix ans, ça suffit » me paraît bien convenir à la signification de cette affaire, comme l’a d’ailleurs confirmé le « Non » au référendum de De Gaulle, quelques mois plus tard.

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