Le vendredi 3 mai 1968, en fin d’après-midi nous étions en réunion de la cellule Eugène Varlin de l’UJCml (Union des jeunesses communistes marxistes-léninistes), qui groupait les étudiants en histoire de la Sorbonne. Nous étions environ une demi-douzaine. Nous savions que l’Unef organisait à peu près à la même heure un meeting dans la cour de la Sorbonne en protestation contre les sanctions menaçant des militants de Nanterre, mais nous n’y avions pas accordé beaucoup d’intérêt, pas assez pour décaler notre réunion et aller y participer. Soudain, vers 19 heures, un ou une camarade arriva tout essoufflé-e dans le petit studio, près de la rue Saint-André-des-Arts, de la camarade chez qui nous nous réunissions. Il nous annonça que le Quartier latin était en proie à des violences policières et à de vives manifestations de protestation des étudiants. Il nous enjoignit d’aller dare-dare à l’ENS 45 rue d’Ulm où des militants de notre organisation rameutaient les manifestants étudiants échappant aux violences et arrestations. Rue d’Ulm, dans une grande salle (celle du théâtre ?) qui me semble avoir été pleine, je me rappelle l’intervention de Robert Linhart dénonçant la répression policière et appelant à s’organiser en CDR (Comités de défense contre la répression). Je me rappelle un intervenant dans la salle qui voyait dans les universitaires les complices de la police ; Linhart l’interrompit et le traita de « provocateur ». Il me semble que la réunion fut ensuite levée et nous sommes rassemblés en petits groupes pour constituer avec les étudiants présents les futurs CDR. J’ai été frappé d’y trouver des étudiants et étudiantes nullement politisés, mais ayant manifesté spontanément contre les brutalités policières; en particulier une étudiante à qui je proposai une réunion le lendemain samedi et qui me répondit que c’était impossible car elle partait en week-end à Deauville, mais que nous pourrions nous retrouver le lundi suivant. Je ne me rappelle pas que lesdits CDR aient vu le jour.
Billet de blog 22 juin 2018
« Un ou une camarade arriva tout essoufflé-e dans le petit studio »
Par Alain Monchablon, étudiant en histoire à la Sorbonne, Paris (5e).
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