Jeune travailleuse dans la banlieue sud, mai m’a donnée la possibilité de rencontrer des étudiants qui m’ont fait changer de milieu.
J’ai très vite quitté mon travail de misère et je me suis retrouvée sur les barricades à Paris. J’ai changée d’apparence, j’ai troqué ma jupe petits talons pour un pantalon, ce qui à l’époque était révolutionnaire.
Avec une vingtaine de copains, suite aux brutalités faites sur les blessés à Beaujon[1], nous avons loué avec le CAL [Comité d’action lycéen] une ferme à Mennecy en Essonne et là, les blessés légers de notre connaissance s’y rendaient. Nos copines infirmières les soignaient. En fait, cela a très vite évolué en lieu de vie où l’amour et l’amitié ont changé ma vie.
J’ai 70 ans cette année, je fais partie de la CNT (Confédération national du travail) et ma vie a été faite de luttes.
J’ai rencontré mon futur mari en ce joli Mai 68 et nous avons fait un enfant dans cette ferme de Mennecy.
Drôlerie de la vie, mes petites-filles habitent Mennecy, à quelques mètres de notre ferme qui a été remplacée par des HLM horizontaux. Là, il y a une petite place où, extenuées par les nuits à Paris, nous nous trouvions, dormions collés les uns aux autres, ou faisions la fête devant les habitants du bled sidérés d’autant de bruit, de musique et d’alcool.
Lorsque nous revenions dans les lueurs du petit jour, nous prenions d’assaut la seule boulangerie du bled et achetions tous les croissants. Le boulanger nous connaissait et nous vendait magasin fermé directement dans le fournil.
À chaque fois que je vois cette petite place, les larmes me viennent.
Mai 68 a bouleversé à jamais ma vie jusqu’à y mettre de la confusion mais bon dieu que c’était fort !
[1] Ancien hôpital du 8e arrondissement de Paris transformé en dépôt de police.