Billet de blog 29 juin 2018

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« Ce virus que j’ai attrapé à ce moment-là a continué à me poursuivre »

Par Patrice Coulon, 18 ans, étudiant-salarié, Orléans (Loiret)

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 En Mai 68, j’avais 18 ans et j’étais étudiant-salarié (pour des raisons économiques : ma famille vivait dans une cité dite « d’urgence », à Orléans). Je suivais donc, en plus de mon travail comme employé de bureau, un certain nombre de cours à la faculté de droit d’Orléans-La Source.

Les quelques souvenirs que j’ai de cette période sont les suivants.

Les 7 et 8 mai, ce sont traditionnellement les fêtes de Jeanne d’Arc à Orléans. J’ai souvenir d’avoir participé l’un de ces deux soirs à une manif qui descendait la rue de la République puis la rue Royale et j’ai été, avec d’autres, interpellé par la police. Je me suis retrouvé dans un car de police, pendant quelques temps, pour vérification d’identité puis j’ai été relâché.

Courant mai, je suis allé assisté à plusieurs conférences/meeting dans un amphi situé à La Source dont celle d’Alain Krivine qui m’a marqué. À l’époque, il avait créé la FER (Fédération des étudiants révolutionnaires) et à ce titre il venait nous expliquer ce que signifiait la révolution et pourquoi il fallait la faire. Bien que ne rejoignant pas ce mouvement, cela contribua à ma formation politique et me permit de prendre de la distance avec les opinions politiques de droite de mon père et de faire le choix des plus petites en penchant de plus en plus à gauche puis en rejoignant le PSU (Parti socialiste unifié).

Il existait un syndicat d’étudiants – implanté essentiellement dans la fac de droit – que je qualifierais de facho, dénommé « Occident » (un ancêtre du GUD). Ces étudiants voulaient, évidemment, « casser du gauchiste » et régulièrement, armés de barres de fer et autres instruments, ils faisaient des descentes où ils cassaient tout dans les facs et les annexes (résidence, restaurant, bibliothèque universitaire, etc.) et ils s’affrontaient avec ceux qui s’opposaient à eux. C’était vraiment très impressionnant et j’avoue avoir eu très peur à cette époque de me retrouver en face d’eux, moi qui était plutôt non-violent (en tout cas contre la violence).

Je suis allé plusieurs fois faire un tour à la bibliothèque universitaire de La Source qui était occupée par les étudiants et était remplie de nombreuses tables et panneaux vantant, avec de nombreux slogans, ici, la liberté d’expression, là, la liberté de l’avortement et de la contraception, etc., etc. Les étudiants invitaient à des débats et distribuaient des tracts. Je reconnais qu’au-delà de l’image donnée d’auberge espagnole, cela m’intéressait beaucoup car j’y ai puisé de nombreux sujets de réflexion.

Enfin, je m’intéressais – sans pouvoir y participer – à toutes les manifestations étudiantes puis ouvrières qui avaient lieu à Paris – mais aussi en province – avec notamment leurs leaders comme Jacques Sauvageot, Alain Geismar, Daniel Cohn-Bendit, puis Georges Séguy, etc. Et je reconnais avoir été très impressionné par toutes ces personnes, jeunes et moins jeunes, qui se réunissaient, se mettaient en grève, défilaient dans la rue et osaient remettre en question l’ordre établi et inventer une autre société plus soucieuse de la fraternité, de l’égalité, de la justice sociale, du respect de l’autre, des droits des femmes, des droits de la classe ouvrière, etc.

Il est clair que ces « évènements de mai 68 » m’ont ouvert les yeux sur de nombreux problèmes – injustices, inégalités, etc. – rencontrés dans notre société et cela m’a incité à m’engager d’abord dans le syndicalisme puis en politique et, enfin, dans diverses associations. Et ce virus que j’ai attrapé à ce moment-là a continué à me poursuivre jusqu’à aujourd’hui même si, pour des raisons de santé, j’ai dû réduire mon rythme d’engagements.

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