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Billet de blog 4 septembre 2024

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Passages à travers le génocide

Nous recueillons, traduisons et publions des textes d'écrivains palestiniens confrontés au génocide à Gaza, afin d'élever leur parole. Nous vous invitons à partager, imprimer, publier et distribuer ces textes par tous les moyens possibles, en soutien à la libération de la Palestine.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Elles et ils ont des noms, des visages. Ecrivent, de la bande de Gaza, de chez eux... Lisez-les

"Toute tentative d’écrire de l’extérieur de Gaza quant à sa réalité et à son anéantissement est inacceptable, parce que rien ne peut décrire tout cela, personne ne peut le faire et personne ne le fera. C’est plus grand que ce que vous pouvez imaginer, plus grand que ce que vous voyez, plus grand que ce à quoi vous vous attendez. N’essayez pas."

"Regarde-nous un peu, la Mort 

Considère, ne serait-ce qu’un instant, notre situation 

Regarde nos yeux 

Peut-être étaient-ils bleus ou verts 

Ou teintés du soupçon 

D'une autre couleur 

Regarde un peu les cheveux de nos enfants sous les décombres 

Peut-être que sous la blancheur des missiles  

Se cache une touche de blond 

Peut-être sont-ils suffisamment soyeux 

Pour adoucir la rugosité du camp de réfugié.

Regarde un peu 

Le corps de nos femmes et de nos filles 

Leurs mensurations étaient peut-être d’une certaine façon moderne  

Peut-être que leurs cheveux  

Avaient été coiffés avant la tragédie 

Ou que leurs visages 

Avant les taches de sang

Étaient remplis d’ornements. 

Regarde, la Mort 

Inspecte nos chemises 

Peut-être qu’entre les éclats d’obus, on trouve 

Une pièce que nous avions acheté d’une marque internationale 

Prends ton temps 

Avant de plonger droit et de nous choisir comme proies 

Et si nous avions été suffisamment occidentaux pour que tu nous tournes le dos 

Et nous laisse poursuivre nos vies 

Même pour un court instant."

Jameel Meqdad Écrivain et chercheur en sciences politiques de Gaza, il a été déplacé à Rafah. Sa famille est restée dans le camp de réfugiés de Shati, au nord.

L’après-midi du 9 octobre, à 16h52 précises

Lors de toutes les guerres précédents, l’entité sioniste avait un schéma spécifique de cibles: une fois c'était les familles, une autre les mosquées, ou encore les rues, parfois elle visait plutôt les zones frontalières et à d'autres plus le centre, ou encore les immeubles. Il y avait un plan de tirs que nous, qui étions sous les balles, comprenions ; nous étions capables de lire les objectifs, les trajectoires des avions et la durée attendue de la guerre .

Cette fois-ci, il n'y a pas de schéma spécifique. Tout est bombardé, toutes les guerres précédentes se condensent dans celle-ci. Gaza, du nord au sud, est en proie à un feu nourri, aléatoire et dévastateur. C'est un massacre collectif et une boucherie arbitraire et totale. Seules notre patience et notre foi en Dieu nous permettent de garder notre sang-froid en regardant passer les avions avant de laisser la place aux larmes ou de pleurer une fois le calme revenu en disant : 'Mon Dieu, Seigneur, nous n’avons que toi!'

Hiba Abou Nada  Hiba Abou Nada, écrivaine de Gaza, née le 24 juin 1991. Elle publie son premier roman 'L'oxygène n'est pas pour les morts' en 2017. Au soir du 20 octobre, Hiba et sa famille ont été tués lors d'une frappe aérienne qui a touché leur maison.

Extrait de l'éloge funèbre de l'écrivaine à son amie Nada Al-Dahshan, étudiante en pharmacie, tuée avec ses parents par l’occupation.  

Elle me disait qu’elle ne laisserait pas l’année s’achever sans faire son pèlerinage de Omra, c’était son souhait le plus cher. Elle était sur le point de commencer à exercer son métier de pharmacienne, à se confronter au monde du travail, mais son amour profond pour les sciences l’a mise dans un état d'anxiété irrationnelle. Elle pensait à candidater à des bourses à l’extérieur, alors qu’elle entamait son dernier semestre à l’université. Nada n’a rien vécu, elle n’a jamais quitté Gaza, elle n’a pas connu le travail et le sentiment d’indépendance financière qui l’accompagne. Elle n’a pas vu Ahmad Manasra ailleurs que derrière des barreaux, elle n’aura pas de fille, et elle ne l’appellera pas Leila. Elle ne verra pas les frères Gibran en concert, elle ne me verra pas tomber amoureuse pour la première fois, après tout le mal qu’elle s’est donné à me convaincre que l’amour est le plus beau sentiment. 

Asil Yaghi Ecrivaine de Gaza, elle a été déplacée de son village d’Al-Masmeyya. Elle a étudié le droit et publie ses écrits sur le site internet ‘Gaza Stories’.

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