Quand j’étais enfant, de très jeune jusqu’à ma pré-adolescence, j’étais très souvent malade. De violentes crises d’asthme, de ces crises étouffantes, bruyantes, à répétition, qui m’obligeaient à être ventilé, sérieusement ventilé, qui m’éloignaient de l’école. A ces moments, j’étais assigné à résidence, pas facile d’aller faire les 400 coups dehors avec les copains alors qu’on éprouve des « difficultés » à respirer.
Je n’ai pas fait le calcul, mais j’ai manqué du temps scolaire, souvent. De longues journées immobiles, suspendues, sifflantes. A attendre, comme si j’étais à une frontière où jamais rien n’arrive, sauf la prise d’un médicament, la visite d’une infirmière ou du médecin, quand des variations de sifflements se produisaient… ma chambre était devenue un univers de très petite taille dont les parois parfois se rapprochaient dans un bruit de soufflet de forge.
Je garde en mémoire (oui, cette mémoire trompeuse) les nombreux retours en classe, où parfois des « camarades » de classe se moquaient de mes nombreuses absences, avec des propos qui m’assimilaient à un « feignant », déjà.
« Alors, t’as encore loupé l’école ? T’étais encore malade ? » et autres quolibets assez pénibles desquels il ressortait qu’en tant que malade, avec mes absences, j’étais en quelque sorte « coupable » de quelque chose que je ne comprenais pas, mais cela semblait être clair dans les esprits des ces « camarades » de classe.
Un instituteur, une fois, m’a dit que j’étais un « fumiste », j’avais été particulièrement malade à répétition au cours du troisième trimestre de cette année de mes 10 ans.
C’était en 1968. En mai, mon père était de piquet de grève à l’usine. Pas tout le jour, mais parfois de nuit aussi, car c’était une usine de la sidérurgie lorraine, et les usines produisaient sans s’arrêter, avec des équipes tournantes, les funestes postes de 3 fois 8h. Il fallait bloquer de nuit aussi. Je ne l'ai su que bien plus tard, mais il y avait eu des échauffourées, aux piquets.
Ma mère était très inquiète, j’arrivais à le percevoir, même si soufflant, sifflant, même si fatigué. Inquiète car mon père était de piquet de grève, inquiète car le fric allait manquer, inquiète car j’étais dans mon tunnel étouffant. A ramper.
Quand j’allais mieux, je retournais à l’école, en ce mai 1968, car l’instit ne faisait pas grève, lui. Et c’est là qu’il ma dit que j’étais un « fumiste ». Oh, je ne comprenais pas vraiment le sens de ce mot, mais j’ai compris la gifle orale que c’était.
Pourtant, j’avais de bons résultats scolaires. Au cours de cette année-là, celle du CM2, j’étais parmi les 3 premiers de la classe, parfois même 1er. C’était l’époque des bons points et des classements.
Mais voilà, j’étais un « fumiste ».
Presque un profiteur de la sécurité sociale, un assisté, alors que les autres, en si bonne santé, eux, vont à l’école sans manquer. Ne profitent pas de la sécurité sociale vu qu’ils n’ont pas besoin de soins.
Par la suite, j’ai appris que cet instituteur était un « pied-noir », même si je ne savais pas bien ce que ce terme voulait dire. Farouchement anti-gréviste. C’était le seul à faire la classe pendant ce mai 68 dans le petit groupe scolaire de l’école primaire.
Il était très violent, vraiment très violent, surtout avec des élèves qui vivaient dans un village SOS. Mais c’est une autre histoire.
Le reproche en fumiste de la part de cet instituteur m’a terriblement blessé. Je ne comprenais pas que cet instituteur puisse me reprocher de manquer l’école, en raison de mes crises d’asthme. En plus, il l’a fait en classe, devant tous les autres élèves, comme ça, à froid, à la première minute d’un matin où je revenais en classe.
Je n’étais pas allé au « Club Med »(C), non, je revenais de ma chambre. Après une énième crise et ses conséquences, cette fatigue immense.
Mais il y avait là, de la part de cet instituteur, ainsi que de la part de certains camarades de classe, avec leurs quolibets sur mes absences, une immense injustice, énorme, et je n’avais que 10 ans.
Fabien Roussel m’évoque cet instituteur qui voyait un fumiste en moi, alors que je manquais les cours car j’étais malade, à siffler dans mon tunnel, avec le poids d’une enclume sur la poitrine.
Fabien Roussel reprend la sémantique de l’ennemi, celui qui glorifie la « valeur » travail tout en détruisant les conditions de travail, en précarisant le plus possible, en ubérisant le travail.
Fabien Roussel reprend exactement la sémantique de l’extrême-droite, de la droite, quand ils stigmatisent les assistés, assistés à qui ils veulent ne pas verser les allocations de rentrée scolaire, car celles-ci doivent être versées à ceux qui font des « efforts », ceux qui acceptent des boulots ubérisés. Assistés qui vivent grassement de maigres aumônes.
Fabien Roussel nous met dans la têtes les mêmes mots que les droites, que les éditorialistes vendus et achetés par les milliardaires qui possèdent les médias.
Fabien Roussel se range aux côtés des chasseurs viandards, stigmatise la gauche quinoa, toujours à la recherche d’un « bon mot » bien gras, vulgaire, un mot de beauf qui soutient les boulots parmi les plus précaires, comme les droites les plus vulgaires.
Fabien Roussel dit des chômeur que ce sont des fumistes.
Le programme de Fabien Roussel est bien de soutenir les camps politiques des droites, à participer à la traque des précaires, des pauvres, des chômeurs…. les boucs émissaires des droites.
Demain, avec le même zèle, il va y ajouter les migrants.
Fabien Roussel a emprunté "Les Jours heureux" au CNR (le vrai) pour sa campagne électorale pour mieux trahir "les Jours Heureux" à stigmatiser les plus précaires aux côtés des ennemis des "Jours Heureux". Il est désormais sur la mauvaise rive du Rubicond.
Fabien Roussel a perdu toute décence commune.
EK, ancien asthmatique !
NB : quant à mes anciens camarades de classe de ces années de plomb sur la poitrine, peut-être sont-ils maintenant des retraités qui à leur tour stigmatisent les chômeurs comme avant ils voyaient en moi le « fumiste » désigné comme tel par cet instituteur....