L’extrême-droite possède une tactique vieille comme l’extrême-droite : l’injonction au débat. C’est une arme extrêmement puissante qui joue sur nos valeurs progressistes pour les retourner contre nous.
Si on accepte, on a perdu car on leur donne une tribune. Si on refuse, ils érigent le débat comme la valeur suprême de la démocratie (ou plutôt font semblant, comme on va le voir). La démocratie vient donc d’être mise en péril par ce refus de débattre. Ils crient à la censure, jusqu’à ce qu’on finisse par accepter.
Par exemple : Booba et Jean Messiha. Booba était venu faire la promotion de son album. Il a accepté une séquence de débat avec quatre personnes avec pour règle : si, à un moment, tu ne veux plus débattre, tu appuies sur un bouton et on passe à la personne suivante.
Vient donc le moment où il se retrouve face à Jean Messiha pour débattre du sujet suivant : le rap est-il dangereux pour la jeunesse ?
Jean Messiha est une figure de l’extrême-droite. Il faisait partie du Rassemblement National, jusqu’à ce qu’il claque la porte parce que Marine Le Pen est, selon lui, trop indulgente avec l’Islam.
Jean Messiha commence donc en accusant Booba de racisme antifrançais. Booba appuie sur le bouton, signifiant la fin du débat.
S’ensuit alors une phase de négociation qu’on peut résumer ainsi :
- Tu veux pas parler avec lui ?
- Avec le Front National ? Mais POUR QUOI FAIRE ?
- Il veut parler de rap avec toi…
- Mais il écoute pas de rap !
- T’es sûr que tu veux pas discuter ?
- Mais il est du Front National !
Le débat s’est donc arrêté et Jean Messiha a crié partout “c’est ça la démocratie” ?
Oui. C’est ça, la démocratie.
Avant, ça nous paraissait évident. Rappelle-toi, Chirac en 2002 qui refuse de débattre avec Jean-Marie Le Pen au second tour. À cette époque, personne ne trouvait à y redire.
Mais les choses ont changé. Aujourd’hui on a désormais énormément de personnes qui se plaignent en disant que c’est un manque de respect et qu’il aurait fallu accepter le débat.
On va donc voir ensemble pourquoi, il ne faut quand même jamais débattre avec l’extrême-droite. Pourquoi il faut la laisser se plaindre de la censure sans bouger une oreille.
Attention, avant de commencer, il faut qu’on se mette d’accord : à chaque fois que je vais parler de “débat”, je vais parler de débat public. Débattre en privé avec l’extrême-droite ne comporte pas les mêmes dangers. Car, les dangers qu’on va étudier viennent exclusivement du fait que l’on tienne ce débat devant un public.
Deuxième précision : je pars du principe que je ne suis pas lu par des têtes d’affiche de parti (sinon coucou Jean-Luc ? Marine ? Manu ?). Mon propos serait un brin différent dans cette situation.