Propositions pour un nouveau contrat social
L’audace politique est la meilleure stratégie si la gauche veut se rassembler pour gagner l’élection présidentielle. Il ne s’agit pas de rafistoler un système économique en échec mais de proposer un nouveau contrat social adapté à la société de la communication universelle instantanée, de la robotique et de l’intelligence dite artificielle. La stratégie est d’abord la proposition de ce nouveau contrat social qui ne peut plus être que français ni même qu’européen. Face à la mondialisation financière, il faut inventer un contrat social de progrès humain, social, démocratique et écologique pour l’humanité.
Pour cela, il faut bousculer les conservatismes et proposer une utopie réalisable pour les générations actuelles et à venir.
La construction de ce nouveau contrat social repose sur 3 socles, national, européen et international.
I- Un nouveau contrat social pour la France.
La crise sanitaire et le terrorisme révèlent avec encore plus d’acuité la crise globale que traversent la France et l’Europe.
1°- Garantir un droit égal à la santé pour tous
La COVID a montré les limites de notre système de santé, la faiblesse du service publique de santé et les inégalités sociales face à la maladie.
Cela conduit à proposer une Sécurité Sociale Maladie réellement universelle et un système de soins plus efficace.
Aujourd'hui, la grande majorité des français ne sont pas couverts à 100% par la Sécurité Sociale même avec une complémentaire santé.
La dualité du système avec concurrence oblige à une politique promotionnelle coûteuse et contraire aux valeurs mutualismes et à une valorisation de l’intérêt individuel face à l’intérêt collectif, alors que la Sécurité Sociale vise l’universalisme.
La dualité du système est inefficace socialement et coûteuse économiquement. Elle rompt la solidarité nationale et le principe d’égalité devant la maladie chacun étant couvert selon « son choix » de couverture réduit en fait au financièrement possible. Elle favorise le développement de soins optionnels et d’un système dual de soins avec développement du secteur 2 en médecine. Elle sert de prétexte aux gouvernements pour réduire la prise en charge solidaire et augmente la part non socialisée des dépenses de santé tout en réduisant de manière drastique la participation des employeurs.
Je propose donc une vraie Sécurité Sociale avec la suppression du « ticket modérateur » et des complémentaires « santé » avec l’objectif de généraliser à tous une couverture Sécurité Sociale de la santé, de l’invalidité et de la dépendance totale.
En transférant à la seule Assurance Maladie de la Sécu la totalité du système et tous les emplois des systèmes concurrentiels, dans le respect absolu des droits acquis, on garantirait l’égalité de tous face à la maladie et aux accidents de la vie. On pourrait aussi améliorer fortement la prise en charge médicale, la qualité des soins pour tous et la prise en charge administrative et sociale qui est souvent un complément indispensable à la prise en charge médicale. Cela permettrait aussi d’accorder les investissements et les moyens humains indispensables aux hôpitaux et aux EPHAD.
Cette Sécurité Sociale serait réellement universelle, socialement, médicalement et économiquement très avantageuse par rapport au dualisme actuel.
La socialisation totale de la garantie maladie-invalidité étendue à la dépendance s’accompagnera d’un retour à la socialisation de la gouvernance d’avant 1967 avec une nouvelle répartition faisant une place à l’ensemble des acteurs et bénéficiaires.
2°- Garantir le droit à une vie digne pour tous de la naissance à la mort
Avec l’Éducation Nationale et la Sécurité Sociale, la République Sociale a voulu garantir le droit à l’instruction, l’éducation des enfants souhaités, la santé de la naissance à la mort, la garantie d’un revenu en cas d’accident ou de maladie et les moyens d’une vieillesse heureuse. Jamais totalement atteints, ces objectifs sont aujourd’hui menacés et il est nécessaire de renforcer l’Éducation Nationale, les services publics de la santé, la protection sociale et les retraites, notamment celles des femmes et des travailleurs précaires.
De plus, la mondialisation financière et la mutation du travail, insécurisent fortement la vie sociale et le financement de la solidarité organique. La mondialisation financière tire les salaires vers le bas, organise les délocalisation antisociales et anti écologiques, augmentant les besoins de solidarité tout en réduisant les moyens.
Les robots remplacent les humains pour la production et ce sont les emplois créateurs de valeur qui disparaissent. Dans le même temps, apparaît la nécessité de développer de nouveaux métiers de soins à la personne, notamment avec le vieillissement de la population. Or ces emplois nécessitent des financements nouveaux.
L’heure est venue de réellement sécuriser la totalité de la vie des citoyens. Le revenu universel est le moyen de réaliser cette belle utopie : garantir à chacun sans condition, du seul fait de sa naissance ou de sa présence sur le territoire, les moyens de vivre dignement.
Face à cet objectif profondément humaniste, il faut aussi répondre à l’urgence sociale caractérisée par la montée de la pauvreté, notamment chez les jeunes de 18 à 25 ans. Dès aujourd’hui, il est possible, comme le demandent les associations, de garantir à tous un revenu inconditionnel et digne, d’au moins 800 euros par mois. C’est une question de choix budgétaire.
Cette réorientation politique au profit des plus défavorisée sera notamment déterminante pour les banlieues mais aussi pour les zones rurales défavorisée ou isolées.
Pour les banlieues, les mesures nationales vers plus d’égalité ne seront pas suffisantes. Un plan banlieue, construit en partant de la base, des besoins des habitants, est à négocier et rapidement financer. La requalification de l’habitat et un urbanisme renouvelé seront un élément important avec le développement de services publics disposants des moyens nécessaires. Il est ici, plus qu’ailleurs, indispensable de garantir à chaque jeune que demain, grâce à l’action collective, sa vie sera meilleure et qu’il trouvera, sans handicaps liés à ses origines ou à son lieu de vie, sa juste place dans la société.
3°- Une Éducation nationale renforcée et une formation continue réorientée
Les défis sociaux, culturels et technologiques à relever nécessitent que l’éducation et la formation soient une priorité nationale tout au long de la vie.
Pour améliorer le système scolaire, une concertation générale avec les syndicats des personnels, les associations de parents d’élèves, les conseils d’école, les élus locaux permettra de définir les besoins et notamment de recréer une véritable égalité de tous les jeunes de la maternelle à l’enseignement supérieur.
L’inégalité, présente dans le système scolaire est particulièrement prégnante dans l’orientation et dans l’enseignement supérieur.
Pour l’orientation, une mise à plat concertée des modes de sélection et d’orientation sera nécessaire.
Pour l’enseignement supérieur, les grandes écoles sont un vecteur déterminant de sélection sociale et d’inégalités tandis que l’Université manque de moyens. Outre le revenu garanti pour tous les étudiants, dispensant les moins favorisés de « petits boulots », la marche vers légalité sera l’œuvre de l’Université. Celle-ci devra concentrer les moyens publics pour assurer les formations à la fois culturelles, littéraires, sociales, scientifiques, technologiques et techniques de haut niveau dans une réelle gratuité.
4°- Une nouvelle donne politique
La société française est profondément divisée, menacées par la montée des extrémistes parfois les plus violents. Les citoyens désertent de plus en plus les élections. La démocratie est menacée car le néolibéralisme, avec les régressions sociales, a détruit ce qui permet l’adhésion populaire : garantir à chacun, notamment à ceux dont la vie est difficile, que demain, grâce à l’action collective, la vie sera plus facile et que celle de leurs enfants sera meilleure.
La profonde transformation de la donne sociale et économique du pays nécessite une adhésion de la population à ce nouveau contrat social.
La participation des citoyens à l’élaboration des politiques, le contrôle et la répartition des pouvoirs politiques nécessitent une mutation profonde de la constitution et des pratiques politiques. L’Assemblée sera aussi constituante. La nouvelle République devra répondre à ces exigences démocratiques.
Cette nouvelle République sera aussi accueillante pour ceux qui viennent y chercher une vie meilleure, victimes des crises sociales, politiques ou écologiques.
Réellement laïque, elle assurera l’égalité de tous ses habitants quelques soient leur statut social, leur lieu de vie, leur origine ou leur religion et mettra fin aux discriminations.
La participation citoyenne sera un élément déterminant de la nouvelle vie politique.
Les moyens juridiques et financiers de cette participation seront donnés aux habitants. Les associations de quartiers et les conseils de développement durable en seront les principaux acteurs. Ils seront associés à la définition des besoins et aux mesures qui devront y répondre de la conception à la réalisation et au fonctionnement. Les budgets participatifs, confiants aux habitants des quartiers la gestion d’une part des investissements de proximité, seront généralisés.
Cette nouvelle donne sociale, qui relève d’une volonté nationale, doit être aussi le fondement d’un nouveau contrat social européen.
II- Un contrat social pour une Europe du progrès au profit des humains.
L’Union Européenne est aujourd’hui en danger, menacée par la montée des nationalismes et le désintérêt voire le rejet des peuples résultats de la régression sociale qu’elle a organisée. Elle doit devenir un pôle de progrès humains, démocratiques, sociaux et écologiques et redonner aux peuples l’espérance de jours meilleurs si elle veut survivre et se renforcer.
Pour cela, elle doit substituer à la concurrence fiscale et antisociale une harmonisation par le haut des politiques sociales, budgétaires et fiscales.
Le nouveau contrat social de la France, avec les citoyens, sera aussi un objectif européen.
Il nécessite des moyens nouveaux.
Ceux-ci peuvent résulter de deux sources principales.
1°- La première est une refonte totale de la BCE finançant les politiques publiques sans passer par le système financier privé. La crise actuelle marque l’absurdité de politiques financées par la dette, créant un fardeau pour les générations futures et plaçant les États sous la dépendance des banques dans un système qui tend vers la ploutocratie.
La seconde est fiscale. Le financement public de la santé et de la solidarité est très insuffisant. Le financement de l’État, des Collectivités territoriales et de la solidarité est de moins en moins redistributif.
Les crises financières, la robotisation, l’éclatement du travail et toutes les incertitudes marquent aussi la nécessité de maintenir une diversité de ressources publiques.
2°- Une fiscalité européenne juste et efficace
L’objectif de la politique fiscale sera de détruire le premier des séparatismes, celui des plus riches, qui ont déserté la solidarité sociale avec la complicité des pouvoirs politiques.
Les prélèvements se regrouperont en 3 piliers :
- Les cotisations patronales et salariales sur les salaires et sur les dividendes, y compris ceux versés aux étrangers, et sur les robots
- Une fiscalité efficace pour le financement de l’État et des collectivités locales :
- Une taxe sur toutes les transactions financières remplaçant la TVA trop injuste
- Un impôt sur le revenu fortement progressif, jusqu’à 80% des tranches supérieure
- Un impôt sur la fortune
- Un impôt sur les bénéfices des entreprises
- Un impôt sur les grosses successions
- Hors outil de production servant à accorder un chèque d’entrée dans la vie autonome à tout jeune de 18 ou 20 ans (âge à définir)
- Sur l’outil de production MAIS le produit de cette taxe est confié aux salariés de l’entreprise, participation salariale non cessible et attachée à l’entreprise, pour une part de capital social de l’entreprise objet de la succession.
Cet impôt sur la succession des outils de production serait un élément de dépassement du capitalisme et un pas vers la démocratie économique et la régression progressive du poids du capital privé dans l’entreprise et l’activité économique.
3°- Un nouveau modèle économique et social : dépasser le capitalisme
Dépasser le capitalisme nécessite de retirer le monopole de la décision économique dans l’entreprise, et de plus en plus hors de l’entreprise, aux détenteurs du capital.
Vers une entreprise socialisée
Pour cela, il faut faire entrer la démocratie dans l’entreprise mais aussi confier aux salariés une part du capital.
La démocratie sociale s’organisera à travers l’augmentation des pouvoirs des institutions représentatives du personnel à tous les niveaux de l’entreprise.
La rupture du monopole de la possession de l’outil de travail par les capitalistes se fera par une attribution progressive d’une part du capital aux entreprises, capital attaché à l’entreprise et non cessible, confié à la gestion des salariés de l’entreprise. Il résultera notamment de deux sources :
- La taxation des successions concernant l’outil de travail, y compris les actions, parts sociales …
- L’attribution à l’entreprise, et non plus aux capitalistes, de tous les financements publics accordés aux entreprises (subventions, crédits de recherche et de réorientation des productions notamment pour la transition écologique, réductions d’impôts, aides conjoncturelles comme pour la COVID) et contrôlés par les salariés. Cela permettrait de garantir que les fonds publics servent effectivement à développer l’entreprise et l’emploi et non à verser des dividendes comme on l’a vu pour le CICE et les baisses de cotisations. Cela donnerait aussi un poids progressivement plus important aux salariés dans une marche vers une certaine autogestion tandis que le pouvoir du capitalisme financier diminuerait.
4°- Une nécessaire planification
La réorientation de la recherche et de la production vers la satisfaction des besoins des populations et vers une économique verte nécessite que le pouvoir politique, retrouve, à tous les niveaux, du local au niveau européen, le pouvoir d’orienter l’économie des transports, des énergies, les productions écologiques et la rénovation énergétique grâce à une planification à niveaux multiples : Europe, Nations, États et collectivités territoriales.
Au-delà du débat entre croissance et décroissance, il est nécessaire de développer des services et des productions utiles à la qualité de la vie, à la santé, à la culture et à l’éducation et de développer la recherche pour assurer des progrès technologiques vertueux pour les humains et la planète.
5°- Une économie écologique et sociale
La nécessaire protection de la planète sera favorisée par la nouvelle orientation des productions vers la satisfaction des besoins et non vers des productions spéculatives dont le but principal est d’enrichir les détenteurs de capitaux.
La volonté de produire au plus près des besoins se fera notamment par une mobilisation des acteurs à la base.
La participation citoyenne sera, ici aussi, déterminante tant par les choix de consommation, permis par le revenu universel, que par la proposition et la mise en œuvre de productions locales nouvelles.
La politique sociale devra favoriser la consommation de produits, notamment agricoles, de qualité et de proximité. Pour cela, des aides fléchés vers ces produits ou une monnaie locale à usage fléché sont des éléments qui seront proposés aux citoyens pour qu’ils se les approprient où en inventent de nouveaux, plus adaptés aux situations locales.
L’impression 3D offre aussi des opportunités de rapprocher les productions des consommateurs et donc de limiter les transports.
Cette réorientation des productions dans les lieux de consommation ou dans les lieux de production des matières premières mettra fin au scandale actuel d’une localisation des productions en fonction de la seule recherche du profit par une quête du moins disant social et écologique.
Mais la relocalisation ne doit pas être le vernis d’un repli nationaliste voire d’une xénophobie. Relocaliser en Europe peut être destructeur pour les populations des pays actuellement fournisseurs de nos besoins essentiels.
La France et l’Europe devront l’inscrire dans la volonté de favoriser l’émergence d’un contrat social pour l’humanité.
II- Vers un contrat social pour l ’humanité
La finance est mondialisée. La communication est devenue universelle et instantanée.
Face à la misère, à la peur du lendemain, à la détérioration de leurs conditions de vie, les individus ont tendance à se replier sur les traditions, le passé, le particularisme local et le nationalisme, à rechercher ce qui divise plus que ce qui rassemble et fait le vivre ensemble.
Les crises sociales, la faim, la misère, la crise écologique et le pillage des richesses qui nourrissent des guerres, dont la visée impérialiste est souvent masquée sous des aspects plus nobles, et génèrent des migrations forcées.
Le cloisonnement des politiques sociales permet aux capitalistes de mettre les humains et les territoires en concurrences pour optimiser leurs profits dans une exploitation des travailleurs, un pillage des ressources locales et une destruction de la nature et de la santé des habitants.
Avec les moyens de communication, les inégalités sont aujourd’hui connues par tous et deviennent encore plus inacceptables, ce qui est positif, à condition de donner l’espérance de plus de justice mondiale.
L’objectif est de faire de l’Union européenne le ferment d’un contrat social pour l’humanité, contrat de progrès humain, social, démocratique et écologique.
Le symbole étant souvent nécessaire, une mesure pourrait marquer la place que l’Europe tient à jouer dans le concert des nations : celle de leader de la construction d’un monde plus humain, pacifique, plus solidaire, plus respectueux de l’équilibre de la nature et donc du devenir de l’humanité. L’Europe pourrait organiser à Varna (Bulgarie) le Forum des Droits humains, pendant humaniste du Forum de Davos.
Pour favoriser l’émergence d’un contrat social mondial, la gauche française proposera à ses partenaires européens, soucieux de progrès humain, social, démocratique et écologique une réflexion sur les avancées possibles grâce à l’Europe. Parmi celles-ci 2 pistes sont soumises au débat.
1°- La première est de favoriser les relocalisations par des droits de douane ciblés inversement proportionnels aux coût sociaux de production et proportionnels aux coûts écologiques. L’originalité de la proposition est dans la destination de ces droits de douanes : ils seraient, pour une part importante, destinés à la mise en œuvre de politiques sociales et écologiques dans les pays d’origine des productions taxées. Cela y favoriserait la consommation locale et permettrait de substituer des productions pour les habitants aux productions exportées.
2°- La seconde est d’imposer aux multinationales de l’Occident, qui contrôlent aujourd’hui la production et la distribution, de respecter, dans tous les pays, les normes sociales qui s’appliquent dans le pays d’origine. Cette obligation serait aussi étendue aux fournisseurs de ces entreprises qui auraient une obligation de moyens et de résultats.
Pour la gauche, la seule stratégie qui vaille est la mise en débat de solutions pour une France, une Europe et un monde pacifiques, plus humains, plus justes, afin d’offrir une alternative aux politiques de régression sociale et humaine et de destruction de la planète. Il s’agit de redonner aux humains la confiance dans l’action politique et collective et l’espérance d’une vie meilleure, sur une planète protégée, conditions indispensables à la paix et à la démocratie.