Madame, Monsieur le candidat,
Un simple syndicaliste de terrain vous adresse cette lettre que vous lirez peut-être si vous avez le temps.
Malgré le rejet des partisans du progrès social qui ne comprennent pas et n’admettent pas la division des forces de progrès humain, social, démocratique et écologique qui garantit leur échec, vous persistez dans l’aveuglement.
Les raisonnements arithmétiques ou cartésiens ne semblent pas vous émouvoir.
Alors par cet après-midi d’automne, je viens parler à votre cœur l’espérant plus gros que votre égo.
Pendant 44 ans de syndicalisme de terrain, j’ai rencontré des milliers de salariés qui avaient eu besoin du code du travail pour faire valoir leur droit. Je pouvais l’opposer aux patrons devant les prud’hommes.
Pendant 44 ans j’ai rencontré des salariés, des familles, des enfants, des chômeurs, des retraités qui avaient besoin de la Sécurité Sociale pour ne pas mourir.
Pendant 44 ans je pouvais exiger l’application du code du travail, des salaires conventionnels nationaux, des temps de repos, des congés, des horaires de travail …, qui s’imposaient à tous les patrons.
Pendant 44 ans j’ai pu utiliser ce que nos parents ont gagné dans le combat de la Résistance et plus généralement dans l’action syndicale.
Dans le combat contre les régressions sociales de Sarkozy, Hollande-Macron, et pire Macron, vos représentants dans les Pyrénées-Orientales applaudissaient mes prises de paroles lors de ces manifs.
Aujourd’hui, hélas, mes successeurs disent à ces salariés: « Je ne peux rien faire, la loi a changé ».
Demain, à nos enfants et petits-enfants ils diront « on ne peut rien faire, la Sécu pour tous, la retraite solidaire, le code du travail, la durée hebdomadaire du travail, le CDI, c’était avant. Aujourd’hui c’est du passé parce que Mesdames et Messieurs les candidats de gauche à l’élection de 2022 ont préféré une candidature de témoignage à un compromis sur les moyens du progrès social. Ils ont choisi de maintenir leur candidature sachant qu’ils feraient élire un candidat réactionnaire qui imposerait à la France une régression sociale sans précédent ».
Non seulement vous allez pérenniser la loi antitravail et le ordonnances Macron mais vous allez porter la responsabilité de la promulgation de bien d’autres lois antisociales et antitravail, de Macron ou Pécresse voire, en plus, antihumaines de le Pen ou Zemmour.
Un grand cœur ne peut pas abandonner tous ces salariés, chômeurs, familles, retraités de demain.
Un combattant des droits sociaux ne doit pas devenir le fossoyeur de droits indispensables aux humains par une candidature de témoignage.
Un militant de la démocratie réelle ne peut pas favoriser une menace sans précédent sur la démocratie car, avec Le Pen ou Zemmour rapidement, avec Macron ou Pécresse à terme, la régression sociale entraînerait violences, replis identitaire, révoltes du désespoir. La démocratie n’y survivrait pas.
Vous êtes femmes et hommes de culture.
Dans les années 1930, avec la crise sociale qui avait détruit la vie de millions de travailleurs, comme aujourd’hui avec Zemmour en France, les ligues fascistes menaçaient dans toute l’Europe. Elles ont gagné en Allemagne, en Italie, en Espagne (difficilement) et ailleurs mais elles ont échoué en France car, avec le Front Populaire, l’union des forces de progrès a donné une espérance au peuple, l’espérance du progrès social, et cela a détourné les français des ligues fascistes.
Comment une femme ou un homme de culture, du combat social, du militantisme républicain, peut-elle (il) se laisser aveugler par une candidature à une présidence omnipotente que pourtant vous contestez ?
Si une nouvelle fois la division fait perdre la gauche vous devrez répondre devant l’histoire.
Pendant ce temps, dans nos cités et nos chaumières, nos usines et nos commerces, nos écoles et nos bureaux, des françaises et des français, des enfants et des vieillards pleureront sur leurs droits perdus.
Mon père, qui n’avait été à l’école que 4 ans, m’a appris ce poème de Victor Hugo qu’il récitait comme un cri d’espérance quand il était quasi esclave dans la ferme où l’avait placé l’Assistance Publique :
"L’arbre saint du Progrès, autrefois chimérique,
Croîtra, couvrant l’Europe et couvrant l’Amérique,
Sur le passé détruit.
Et laissant l’éther pur luire à travers ses branches.
Le jour, apparaîtra plein de colombes blanches,
Plein d’étoiles dans la nuit.
Et nous qui serons morts….
Sous ce grand arbre, amour des cieux qu’il avoisine,
Nous nous réveillerons pour baiser sa racine
Au fond de nos tombeaux."
Demain, je veux encore pouvoir l’apprendre à mes petits enfants sans leur mentir.
Après demain au fond de mon tombeau je ne voudrais pas regarder cet arbre du Progrès social mort par l’égo de femmes et d’hommes qui pourtant se disent grands arboriculteurs pour l’arbre du Progrès.
Demain, je ne veux pas que les ténèbres fascistes recouvrent de nouveau l’Europe, que mes parents et grands-parents regardent du tombeau renaître les horreurs qu’ils ont terrassées au risque de leur vie. J’espère encore dans votre clairvoyance, votre générosité, votre amour de l’humain et c’est pourquoi je suis convaincu que vous allez encore réfléchir et faire le bon choix, celui de l’unité pour le progrès social.
Respectueusement