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Billet de blog 9 novembre 2022

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Elections de mi-mandat aux Etats-Unis : vague pro-Trump pour 2024 ?

Les résultats des élections de mi-mandat aux Etats-Unis autorisent l’ex-président à envisager un retour à la Maison Blanche. Les candidats républicains semblent bien être les grands gagnants de ce test électoral. Les candidats pro-Trump permettent à l’ex-président de renforcer non seulement son assise sur le parti Républicain mais aussi d’envisager une victoire en 2024.

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1. Les « mid-terms » ? Au revoir Cheney et Kinzinger

Alors que le parti démocrate s’attendait à subir une humiliation lors de ces élections de mi-mandat du 8 novembre 2022, elle n’aura finalement pas eu lieu. Rappelons-le, ces élections de mi-mandat sont des élections permettant aux citoyens américains de renouveler, au milieu du mandat de leur président, le Congrès américain (« US Congress »). Ce sont donc une partie des membres du parlement (« US House of Representatives) et du Sénat (« US Senate ») qui doivent faire campagne pour leur réélection. En effet, ces deux assemblées constituent, ensemble, le Congrès des États-Unis. L'ensemble des 435 sièges de la Chambre des représentants est renouvelé, ainsi qu’un tiers des 100 sièges du Sénat. La Chambre des représentants est entièrement renouvelée tous les deux ans — donc en même temps que l'élection présidentielle et lors des midterms — et le Sénat est, lui, renouvelé d'un tiers tous les deux ans, donc lors de l'élection présidentielle et lors des midterms.

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Edouard d'Espalungue, Midterms

Par ailleurs, dans de nombreux Etats, quasiment deux tiers des gouverneurs américains, investis du pouvoir exécutif de leur État et dont la fonction est de coordonner au niveau local les politiques décidés au niveau fédéral, sont élus.

Ces « mid-terms » ont une importance cruciale dans la vie politique américaine :

a. elles permettent aux citoyens américains d’exprimer leur contentement ou mécontentement vis-à-vis du président en exercice et des politiques économiques, sociales, migratoires et étrangère mis en oeuvre. Depuis l'installation d'un bipartisme démocrate-républicain dans les années 1910, le parti représenté à la Maison-Blanche a presque toujours perdu des élus au Congrès à mi-mandat. Elles sont donc un souffle démocratique permettant à l’opposition de travailler plus efficacement en bloquant ou en modifiant les politiques jugées inefficaces du président en place.

b. elles permettent à l’opposition de prendre le pouls du pays et, en fonction du nombre de sièges gagnés, de se prévaloir d’une « maigre victoire » ou d’une « victoire écrasante ». On peut ainsi considérer les « mid-terms » comme un indicateur solide de la popularité du parti d’opposition avec, en ligne de mire, les élections présidentielles ayant lieu deux années plus tard (2024).

c. Enfin elles permettent aux citoyens américains d’envoyer un message vis-à-vis du parti au pouvoir : si le parti ayant la majorité perd un grand nombre de sièges à la Chambre des représentants et au Sénat, alors, au-delà des particularismes locaux qui influent toujours sur les résultats, un changement des méthodes de campagne et des thèmes proposés s’avèrera nécessaire pour ne pas perdre la présidentielle

Alors que les résultats de ces élections sont toujours en cours au moment de l’écriture de cet article, une tendance se dessine déjà. Au démarrage de la dernière session du Congrès (3 janvier 2021), le parti démocrate avait pas de facto au Sénat avec 48 sièges sur 50 au Sénat, et 220 sur 435 à la Chambre des représentants, les résultats actuels (à 10 a.m. NY Time, 11/09/2022) indiquent qu’ils n’ont acquis que 48 sièges au Sénat et 174 à la Chambre. Les républicains comptent pour l’instant 47 sièges et 199 respectivement dans les deux chambres, soit, -1 au Sénat et +25 à la Chambre comparé aux démocrates.

Quid alors des candidats américains ayant gagné ?  Qui sont-ils ? Pourquoi ont-ils été élu ? Le parti républicain est toujours très influencé par les prises de position du 45e président des Etats-Unis, Donald Trump.

Même si certaines personnalités au sein du parti remettent en question son leadership et le désignent comme un danger pour la démocratie, ils sont cependant minoritaires et ont été durement critiqués par la base du parti. C'est le cas de Liz Cheney et Adam Kinzinger qui font partie de la commission d’enquête anti-Trump du 6 janvier 2021. Ces derniers ont d’ailleurs vu leur carrière politique s’arrêter net : ils ont été censurés par leur propre parti. Surtout, Cheney a perdu lamentablement sa bataille de sa primaire républicaine dans le Wyoming le 16 août 2022 face à la candidate pro-Trump candidate Harriet Hageman (66.9%), avec seulement 28.9% des voix. Quant à Kinzinger, il a annoncé plus tôt cette année ne même pas vouloir faire campagne pour ces mid-terms de 2022, de peur d’être à nouveau la cible de Trump et de ses alliés. Il abandonne donc son poste de député de l'Illinois.

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2. Du côté de chez Trump : une allégeance assurait déjà d’être vainqueur lors des primaires républicaines

L’ex-président a été omniprésent dans les médias depuis les dernières élections, donnant des interviews et répondant sur son réseau social Truth Social aux accusations portées contre lui par les démocrates à propos de son rôle lors de ce qu’on peut appeler la manifestation joyeuse du 6 janvier 2021. Surtout, il a lui-même, par ses prises de paroles, validé ou au contraire rejeté les candidatures de certains candidats républicains lors de la campagne pour les primaires qui ont eu lieu en août et septembre 2022. Pour rappel, être désigné par les membres du parti républicain dans sa circonscription permet ensuite de se présenter à l’élection officielle et de prétendre à un mandat de député (« Representative »), ou de sénateur (« Senator »).

En 2022, Donald Trump avait donné son soutien à plus de 200 candidats républicains lui ayant fait allégeance. NPR a fait le décompte et démontre que la plupart d’entre eux ont gagné, suite au soutien de Trump, la nomination du parti Républicain en amassant une majorité de voix. La quasi-totalité des candidats qui étaient déjà en place à leur poste de député ou de sénateur ont gagné leur primaire. À l’exception du député Madison Cawthorn qui avait été cloué au pilori par ses collègues pour avoir parlé « d’orgies » se déroulant à Washington. Peu de temps après ses déclarations au vitriol, une vidéo de lui en train de mimer un acte sexuel avec un ami avait émergé sur internet, comme une réponse à ses dénonciations visant à galvaniser sa base contre les « politicards pourris de Washington » (« The Swamp »). Les attaques assez viles des médias « mainstream » à son encontre avec la propagation de cette vidéo privée, et la réaction très dure des leaders républicains, avaient enrayé la carrière politique de celui qu’on désignait un temps comme un espoir du parti Républicain.

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Au total, c’est donc un plébiscite pour Donald Trump qui s’est réalisé en septembre 2022 avec 91% des candidats républicains ayant été victorieux dans leur primaire ; 99% pour ceux qui étaient déjà élus et 40% pour ceux qui souhaitaient remplacer l’actuel député ou sénateur. Un résultat que la presse « mainstream » américaine n’a pas encore digéré, avec des articles peu flatteurs comme celui d’Axios.

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Source : NPR

 3. Des candidats 300% pro-Trump à la Chambre des représentants ; Oz, out

Ce sont donc presque 200 candidats qui se sont présentés devant les électeurs pour être élus avec, comme argument massue, l’approbation, la validation de l’ex-Président. Chiffre très elevé puisque, comme le fait remarquer Charles Coughlin, un membre du parti républicain, « c’est assez extraordinaire comme situation, parce que la plupart des ex-présidents choisissent de se tenir à l’écart et de ne pas donner leurs avis sur les élections après leur mandat. Et ce n’est pas du tout ce que fait Donald Trump ». Choisis avec soin en raison de leur positionnement 300% pro-Trump sur la question du rôle du président lors des élections contestées de 2021, la plupart d’entre eux a réussi, le 8 novembre 2022, à se faire élire.

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La nouvelle terre Trump ? La Floride. Dans cet Etat qui comporte une très forte population d’origine hispanique et où il n’est pas rare d’entendre parler l’espagnol, le sénateur d’origine cubaine Marco Rubio (57,7%) a facilement défait son opposant Val Demings. Le truculent gouverneur, Ron DeSantis (59,4%), d’origine italienne, a également gagné contre son prédécesseur, Charlie Crist. Mieux, Matt Gaetz (67,8%), récemment dans le viseur du ministère de la justice américaine pour avoir soi-disant eu une relation sexuelle avec une mineure – aujourd’hui actrice porno – a été réélu à la chambre des représentants face à Rebekah Jones. L’ancienne porte-parole de Donald Trump, Sarah Huckabee Sanders (63,1%), a été élue gourveneure de l’Arkansas et Kirsti Noem (62%) également dans le Dakota du Sud. Des candidats encore plus connus et habitués des médias comme Brian Kemp (53,4%), la très populaire Marjorie Taylor Green (65.9%) en Géorgie, ou encore JD Vance (53,3%) dans l’Ohio ont été victorieux.

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Si effectivement certains journaux « mainstream »  comme The Independant présentent de façon beaucoup plus négative les résultats des candidats pro-Trump en soulignant les défaites de Mehmet Oz en Pennsylvanie face au Lieutenant-Gouverneur John Fetterman (50,2%) ou de Blake Masters en Arizona, rien n’est pourtant plus éloigné de la réalité.

D’abord, dans le cas d’Oz, ce chirurgien qui a toujours passé plus de temps à la télévision que dans des salles d’opération avait toujours eu une réputation similaire aux stars de la téléréalité. Une réputation qui s’est confirmé avec opération de communication ratée, dans laquelle on le voit au supermarché acheter des légumes un par un au lieu d’acheter le fameux « veggie tray » (pack de crudités) que l’américain moyen prend pour l’apéro ou pour le tailgate les jours de matchs. Très vite, il s'est montré incapable de construire une campagne au plus près des électeurs, classé comme éloigné des préoccupations locales et rapidement désigné comme n’étant pas un vrai pennsylvanien après que des photos de lui aient été diffusés et montrant qu’il vivait en fait dans le nord du New Jersey.

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Ensuite, comprendre la défaite de Blake Masters face à Mark Edward Kelly (52%), c’est d’abord apprendre que son opposant démocrate n’est rien de moins qu’un héros moderne. Mark Edward Kelly, actuel sénateur junior de l'Arizona a été astronaute et capitaine de la marine américaine, reconverti en homme d'affaires jusqu’à son élection en décembre 2020 au Sénat.

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Dans ces conditions, il faut voir ces deux défaites souvent rapportés dans les médias comme des preuves d’une perte de l’influence de Trump au sein du parti républicain comme nulles. Oz n’a jamais fait partie des supporteurs de la première heure de Donald Trump et était resté mutique lorsqu’il a fallu défendre l’ancien président publiquement, alors que le FBI était entré de force dans sa résidence de Mar-A-Lago, l’accusant de ne pas avoir rendu toutes les archives présidentielles.                    

4. La commission d’enquête du Sénat prend l’eau ; le précédent Bill Clinton (1998)

La candidate démocrate Elaine Luria (52%) a perdu en Virginie contre son opposante républicaine Jen Kiggans qui devient ainsi la nouvelle députée pour le 2e district. Pourtant, pour cette étoile montante du parti démocrate, la commission d’enquête anti-Trump du 6 janvier 2021 avait été un piédestal : en y siégeant, elle s’était assuré à peu de frais une large couverture médiatique au cours des derniers mois. L’Etat de Virginie, généralement considéré comme un premier vrai test grandeur nature étant donné les résultats, parmi les premiers à être annoncés à chaque élection, n’a donc pas porté au Sénat celle qui détestait Trump. La sanction des électeurs est sans appel pour cette vétéran de l’US Navy, qui, lors d'une assemblée publique en octobre 2019 à Virginia Beach, avait accusé l’ex-président Trump d'avoir « utilisé l'aide d'un dirigeant étranger pour influencer et calomnier un adversaire politique potentiel [Joe Biden] afin d’infléchir le résultat de notre prochaine élection sous prétexte d’essayer de lutter contre la corruption ».

De même Stephanie Murphy, membre démocrate de la commission et élue de Floride n’a pas souhaité faire campagne en 2022 pour les mid-terms. Elle abandonne donc son poste de député du 7e district de Floride, l’Etat devenu pro-Trump. Ajouté aux déconvenues électorales Liz Cheney et Adam Kinzinger, force est de constater que sur les 9 membres qui président la commission d’enquête, 4 sont « out », moins de deux ans après sa création.

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Loin de faire l’unanimité, cette commission d’enquête a essuyé de nombreuses critiques en raison de son biais anti-Trump. Elle est même devenue une sorte d’épouvantail, un bogeyman, utilisée par les candidats républicains pour démontrer que l’ex-président Trump est la victime d’un règlement de compte politique orchestré par les démocrates, téléguidé par Joe Biden.

Déjà, en 1998, Newt Gingrich, le leader de l’opposition républicaine, avait dû démissionner de son poste après que des attaques infondées et répétées contre Bill Clinton dans le cadre de sa procédure de destitution avaient, pour la première fois depuis 1934, provoqué une perte d’influence des Républicains lors des élections de mi-mandat. Les électeurs avaient en effet sanctionné ceux qui s’étaient attaché à faire tomber, sans succès, le président Bill Clinton. Ils ont permis aux démocrates de gagner 4 sièges à la Chambre des représentants - alors qu’ils étaient censés en perdre.

C’est donc, comme en 1998 pour les Républicains, le problème de la stratégie "anti-Trump" qui émerge pour les démocrates. Ils n’ont pu capitaliser sur cette commission d’enquête, censé révéler le pire de l’ex-président. Au contraire, alors que ses membres semblent devoir partir de l’arène politique les uns après les autres, ce sont bien les Républicains qui profitent au maximum de « l’injustice » perçu à l’égard de Donald Trump.

5. Trump assuré d’être le candidat des Républicains, va-t-il gagner en 2024 ?

Le gouverneur de Floride, Ron DeSantis, fraichement réélu, est pressenti pour tenir un rôle de plus en plus important au sein des Républicains, et même être un potentiel candidat pour la présidentielle de 2024. Pourtant, l’aura de Donald Trump semble aujourd’hui inébranlable. Avec l’élection de ses fidèles au sein de la Chambre des Représentants et du Sénat, son retour probable sur Twitter, et les investigations du FBI qui s’étiolent, la bonne santé politique de l’ex-président est incontestable. Pourra-t-il pour autant devenir le 47e président des Etats-Unis ? Qui pour remplacer Biden s’il décide de ne pas se représenter ? DeSantis acceptera-t-il son rôle de simple dauphin ou cherchera-t-il à tuer le père ? Trump est pour l’instant en bonne posture pour gagner l’élection présidentielle de 2024, mais, en politique, l’incertitude est la meilleure des certitudes.

Edouard d'Espalungue

Edouard d'Espalungue analyse chaque semaine sur Mediapart la politique économique et pénale américaine et fournit aux lecteurs et lectrices francophones des clés de lecture pour décrypter les causes et conséquences des décisions majeures prises par les juges, hommes politiques, chefs d'entreprise et fonctionnaires américains.

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Edouard d'Espalungue. Analyste.

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