Lettre ouverte à Monsieur Macron, Président de la République, Grand maître de la Légion d'honneur, Palais de l'Elysée.
Monsieur le Président de la République,
Je vous ai écrit le 14 avril en vous faisant part de mon étonnement : 4 mois après sa condamnation définitive pour corruption, Mr Sarkozy n'avait pas été radié de l'ordre de la Légion d'honneur. Cette exclusion est pourtant prévue par le code de la Légion d'honneur et c'est à vous seul, en votre qualité de Grand maître de l'ordre, qu'il appartient de la prononcer.
Je n'ai pas reçu de réponse de votre part mais, lors d'un entretien récent avec des journalistes, vous vous êtes exprimé sur cette question. J'ai été consterné (et le mot est faible…) par votre intervention.
Vous ne prendrez aucune décision de retrait, avez-vous déclaré. Vous vous êtes donc délibérément affranchi du code de la Légion d'honneur, en vigueur depuis 1962. A mes yeux (et à ceux de nombreux Français je crois…) c'est particulièrement grave. Je considère que vous n'étiez pas autorisé à rester inactif et que, par votre attitude, vous déconsidérez totalement la fonction de Grand maître. Tous vos prédécesseurs, ont, quant à eux, toujours respecté le code de la Légion d'honneur.
Mais vous avez, au surplus, tenu des propos que je désapprouve totalement.
- vous soulignez « qu'il y un code », mais en même temps, vous l'ignorez en affirmant que « le grand chancelier est en train de regarder quelles sont ses marges de manœuvre » alors qu'il n'y en a aucune, sauf à faire dire au code ce qu'il ne dit pas. C'est une tromperie et, pour les esprits honnêtes, le code, qui s'impose à vous, est parfaitement clair. Au surplus, alors que c'est vous le responsable, mettre en cause le Grand chancelier qui, lui, s'est déjà exprimé avec dignité, je trouve ce comportement minable…
- « compte tenu du fait qu'il a été élu par le peuple souverain » Le peuple est bien souverain mais contrairement à vous, je suis persuadé qu'il a élu un homme honnête et non pas un individu condamné pour corruption, qui a gravement contrevenu à ses obligations de probité alors qu'il se devait d'être exemplaire.
- « je crois qu'il mérite le respect » C'est votre droit, naturellement de respecter qui vous voulez, mais je déplore que vous soyez si peu exigeant. Personnellement, je ne respecte que des personnes respectables. Vous comprendrez donc que je ne partage pas vos respects. J'ai la conviction, contrairement, à vous, que la majorité des citoyens honnêtes ne croient pas que Mr Sarkozy « a le respect du peuple français » A mon modeste avis, vous vous trompez sur ce point également.
- Après avoir souligné que « Mr Sarkozy a certes épuisé ses voix de recours en France » vous ajoutez qu'il avait déposé un « recours devant les autorités européennes ». Vous savez que cette saisine n'a aucune conséquence sur le caractère définitif de sa condamnation en France, mais vous vous gardez bien de l'indiquer…
En conclusion, je dirais que je regrette autant d'insuffisances, de manques de droiture dans le comportement du Grand maître de la Légion d'honneur, alors même qu'il est tenu de veiller à la probité, à l'honneur de l'ordre. La Légion d'honneur serait-elle devenue la Légion du déshonneur ? Verrons-nous, sous votre impulsion, un citoyen honoré par la plus élevée des distinctions françaises, porter son insigne en même temps que son bracelet électronique. C'est grotesque…
Pour ma part, toute ma vie, je me suis efforcé de bien me comporter. Appelé sous les drapeaux 27 mois, j'ai servi la République, bien élevé mes enfants en leur inculquant des principes de droiture, été un citoyen exemplaire. Je peux me tourner vers n'importe lequel des membres de ma famille (tous enfants de simples ouvriers, qui ont fait souche depuis leur immigration il y a 100 ans et dont j'ai écrit la vie), je peux aussi me tourner vers n'importe lequel de mes amis, vers n'importe laquelle des personnes que je fréquente, tous sont respectables (car je les choisis…). Vous n'avez pas cette chance, Monsieur le Président de la République.
Il me tient à cœur de souligner à quel point j'avais été fier et ému d'être nommé Chevalier de la Légion d'honneur, alors que je suis fils d'immigré, de pauvre, parti dans la vie sans aucun atout… J'étais reconnaissant envers mon pays (je le suis toujours…) alors que je n'ai pu acquérir la nationalité française qu'à l'âge de 16 ans, par déclaration.
Aujourd'hui, je ne tiens plus à rester dans un ordre qui perd son honneur, en compagnie de citoyens que, contrairement à vous, je ne saurais respecter.
Il m'en coûte beaucoup mais je vous restitue, Monsieur le Président, le diplôme que m'a remis la République il y a 25 ans et je demande à être radié de l'ordre de la Légion d'honneur. Je garde l'insigne qui m'appartient et que je ne porterai, naturellement, jamais plus.
Agréez, Monsieur le Président de la République, mes salutations qui, en d'autres circonstances, auraient pu être bonnes.
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Appendice
- Si j'évoque ma personne, dans cette lettre, c'est de manière incidente. C'est sur l'attitude du Président de la République que je souhaiterais attirer l'attention.
- Par ailleurs, le modeste citoyen que je suis, déplore que la France régresse encore, de façon alarmante, dans les classements internationaux sur la corruption, où elle figurait déjà à un rang non enviable, derrière les principaux pays européens.
- J'ai donc écrit cette lettre qui n'a aucun caractère politique. Je suis un homme libre et je l'ai été toute ma vie, n'ayant jamais adhéré à un quelconque parti
- Je n'évoquerai que pour mémoire les nombreux avantages que la République accorde généreusement et à vie aux anciens Présidents de la République. Prendrez-vous des dispositions pour les supprimer aux bénéficiaires condamnés pour corruption ?