Je suis doublement surpris par les propos de Mr Martin, président du Medef, qui a appelé à supprimer l'abattement pour « frais professionnels » des retraités. Il est indigné et évoque un abattement « contre nature » et « aberrant ».
Que le Medef se préoccupe de justice fiscale, c'est une évolution remarquable, que dis-je, une révolution ! Je félicite son président. Mais il propose une toute petite mesure qui en plus est injuste. Je vais l'aider en lui soumettant quelques idées qui pourraient avoir un impact beaucoup plus important.
Ma deuxième surprise concerne Mr Martin lui-même. Je suis très étonné qu'à ce poste de responsabilités, il soit aussi ignorant de l'histoire fiscale de notre pays. Cet abattement, qu'il critique avec tant de véhémence, n'a rien à voir avec des frais professionnels mais a été créé pour compenser les effets d'autres mesures fiscales qui avaient désavantagé les retraités (et profité à d'autres classes sociales…).
Mr Martin a également bataillé sur la CSG, trop favorable aux retraités d'après lui. Sus aux retraités, ces infâmes profiteurs qui mettent en danger les finances publiques !
Cela dit, on pourrait douter de la bonne foi de Mr Martin :
- il oublie (volontairement ?) de parler de la fraude fiscale, qui est considérable en France. Environ 100 milliards par an, estiment certains économistes, mais personne ne sait exactement combien, pas même les Ministres du Budget qui se sont succédé ces dernières décennies, qu'ils soient de gauche ou de droite, et qui n'ont pas fait pas d'efforts surhumains pour l'éradiquer. Qui sont les fraudeurs ? A mon avis, ce ne sont pas les pensionnés, car leurs revenus sont connus et même déclarés par des tiers. Alors qui ? Certains patrons ? (pas tous, naturellement mais je vous laisse juger…) Cela dit, je ne connais aucun retraité ayant travaillé qui possède un yacht, une grosse voiture, qui mène grand train ( à part peut être ceux ayant bénéficié d'une "retraite chapeau", mais pour moi, ce ne sont pas de véritables salariés retraités…) De même je ne connais aucun retraité qui ait tenté de se faire domicilier en Belgique et qui, pris la main dans le sac, a payé une grosse somme d'argent pour éviter une instance judiciaire… Pourtant, ce sont les pensionnés qui posent problème à Mr Martin . Ne devrait-il pas s'indigner plutôt du comportement de certains citoyens fortunés fraudeurs, qui se prétendent français, mais qui ne connaissent pas le sens du mot patriotisme et se font domicilier, pour des raisons fiscales, de l'autre côté de la frontière toute proche. Et ils n'ont même pas honte…
- puisque son intervention concerne la fiscalité, ne trouve-il pas "aberrant et contre nature", pour utiliser ses termes, l'existence de la flat tax, ce merveilleux impôt libératoire qui frappe les revenus financiers, institué par Mr Macron. Au lieu d'être soumis à l'impôt sur le revenu, ces produits financiers (ô miracle…) sont moins taxés que le travail : 12,8 %. Vous avez bien lu : 12,8% On fait croire partout que c'est 30%, mais c'est une tromperie .On ajoute les cotisations sociales pour arriver à 30% alors que tous les salariés et retraités payent aussi les mêmes cotisations sociales mais en plus de leur impôt sur le revenu. Et le barème qui leur est applicable est progressif En clair, plus vous gagnez de salaire ou de pension, plus le taux de votre impôt augmente. Par contre, vous pouvez encaisser des milliards de dividendes, (si, si, cela existe je vous assure), ils sont toujours taxés à 12,8%. La création de cette Flat tax, qui profite surtout aux citoyens très riches dont la fortune est essentiellement constituée par des d'actions, a entraîné des pertes fiscales considérables (de même que la suppression de l'impôt sur la fortune, merci Mr Macron). Le Medef a été un soutien actif de la mise en place de ce mécanisme honteux. Aujourd'hui, il l'a oublié et fustige des citoyens plutôt modestes, qui, eux, n'ont pas fraudé. Votre sens de la justice et de l'équité est très particulier, Mr Martin !!!
- pour clore ce très court chapitre sur la fiscalité, (très incomplet…) Mr Martin ferait bien de s'interroger sur quelques scandales qui minent également nos finances publiques mais à un niveau autre que l'abattement dont bénéficient les retraites. La fraude aux arbitrages de dividendes, par exemple (fraude fiscale appelée cumcum) dans laquelle nos grandes banques française sont impliquées et devraient, à mon sens, être condamnées pénalement pour escroquerie . Plus scandaleux encore, un texte a été voté au Parlement pour lutter contre cette fraude mais il a été vidé de son effectivité par le pouvoir exécutif. Certains disent que le gouvernement aurait cédé sous la pression des banques. Est-il possible que ce soit exact Mr Macron, Mr Bayrou, Mr Lombard? Le Sénat, peu soupçonnable de gauchisme, est furieux. Mr Martin, je peux vous assurer avec certitude que les salariés et retraités que vous fustigez ne sont pour rien dans ces affaires nauséabondes de dividendes, de prélèvement libératoire, de banques dévoyées au comportement honteux , de gouvernement qui contourne la loi votée par les représentants du peuple, alors qu'il est responsable de son exécution (ce qui est particulièrement grave...) Mr Martin, je trouve que ce serait bien que vous manifestiez votre indignation devant ces sommes considérables qui échappent à l'impôt grâce à la fraude . Vous retrouveriez un tout petit peu de crédibilité. Par contre votre silence pourrait apparaître comme de la complicité… Quant à votre acharnement sur les retraités ne le trouvez-vous pas injuste et mesquin ? Et pourquoi ne vous intéressez-vous pas à la fiscalité sur les yachts, qui ne rapporte quasiment rien ?
Pour ma part, depuis bien longtemps, je n'attends rien du patronat et le "conclave sur les retraites" (cela m'a fait rire quand il a été annoncé…) m'a paru d'une grande naïveté. Je m'étonne qu'un syndicat de salariés puisse y avoir cru. D'ailleurs, ce "conclave" vient de s'achever et le Medef, fidèle à son ADN, a été, comme d'habitude et comme prévu, intransigeant.
Depuis le début de l'industrialisation, les patrons (même s'ils ne s'appelaient pas Medef à l'époque) ont toujours manifesté la même cupidité et veillé à ce que leur main-d'œuvre soit la moins chère possible. Mr Martin répète aujourd'hui ce que disait le patronat au début du 20ème siècle : il ne faut pas augmenter le coût du travail, il faut travailler plus etc… Certains partis politiques nous vendent le même message. Vous savez pourquoi ? Tout simplement pour préserver les dividendes des privilégiés. Mais le patronat a fait pire (Mr Martin n'y est pour rien, naturellement, mais c'était sa « famille sociale »).
- A la fin du 19ème siècle, il a combattu vigoureusement le relèvement de l'âge minimum permettant de faire travailler les garçons et les filles dans les mines (qui étaient privées, à l'époque). Les enfants de 8, 10, 12 ans constituaient une main d'œuvre bon marché, recherchée par le patronat. Vous avez bien compris ? Des petits garçons et des petites filles d'une dizaine d'années… Les patrons de l'époque ont bataillé pour continuer à pouvoir les faire travailler… en agitant des arguments qu'aujourd'hui encore ils nous servent : entreprises écrasées par les charges, risques de déstabilisation, menaces de chômage…
- En 1906, lors de la grande catastrophe dans les mines de Courrières, qui a fait 1100 morts, les patrons-propriétaires ont été accusés d'avoir, malgré l'opposition des salariés, interrompu trop tôt les recherches des mineurs ensevelis. Le travail a donc repris. Mais 20 jours après la catastrophe, 13 mineurs ont refait surface ; ils avaient survécu , sans secours, après avoir connu l'enfer. Les patrons, aveuglés par leur cupidité, ont été insultés (à juste titre…) lors des obsèques, par les syndicats, le député-maire et le public : « vous vous êtes d'abord préoccupés des bénéfices et vous avez négligé la sécurité » ; « les criminels qu'on protège avec des soldats et des gendarmes »
Il faut dire que les actionnaires de la compagnie des mines de Courrière percevaient des dividendes énormes. Et le cours de l'action, à la veille de la catastrophe (1906), s'élevait, selon certains historiens, à 325 fois le capital versé en 1897.
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Que dire en conclusion, devant tant d'indignité, d'égoïsme, d'injustice de mensonges, de fraude ? Mr Martin cible les personnes modestes, honnêtes, qui ont travaillé durement toute leur vie. Il prend bien soin de protéger les classes sociales aisées qui, avec le soutien de certains partis politiques, trichent et déploient de grands efforts pour ne pas payer d'impôts.
Leur participation financière au fonctionnement de la démocratie, malgré un accroissement considérable de leur fortune ces dernières années, grâce à Mr Macron et les députés et sénateurs qui l'ont soutenu, est moindre que celle de modestes travailleurs. Au surplus, leur patriotisme est sujet à caution car s'exiler pour éviter l'impôt ne leur pose aucun problème d'éthique. Mr Martin, nous n'avons pas les mêmes valeurs…
Citoyens, n'accordez aucun crédit à ce que raconte le patronat français. Récemment encore, il a tout fait pour faire échouer le fameux conclave sur les retraites (je l'avais prévu dès le premier jour…) Après avoir été inflexible durant 3 mois, il a tenté de faire croire, juste avant la clôture, qu'il avait activement proposé de véritables avancées, ce qui ne correspondait pas à la vérité. J'appelle cela de l'hypocrisie.
Pour moi, le Medef s'est totalement décrédibilisé dans le passé et continue à se comporter avec le même esprit (et la même cupidité…) que les patrons à la naissance de l'ère industrielle. C'est la raison pour laquelle on a l'habitude de dire qu'en France, on n'arrive jamais à faire de compromis.
J'espère que le gouvernement jugera l'intervention de Mr Martin pour ce qu'elle vaut, c'est à dire sans aucun intérêt et qu'il ne se déshonorera pas en taxant les citoyens honnêtes, modestes, en préservant ceux qui trichent, ont déjà tout et n'ont besoin de rien.
Ce que je vous ai livré, c'est mon opinion d'honnête citoyen, indépendant, libre depuis toujours de toute attache politique. Je comprendrais très bien, et je ne vous en voudrais pas, que vous puissiez ne pas la partager.