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Billet de blog 28 juin 2024

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Du socialisme au macronisme, et retour

À deux jours des élections législatives, ancien soutien d'Emmanuel Macron, je livre un témoignage sur ma désillusion et mon retour à gauche. Face à la montée de l'extrême droite, j'appelle à un sursaut démocratique et propose un projet de concorde nationale. Une réflexion critique sur les erreurs du libéralisme centriste et un plaidoyer pour un renouveau de la social-démocratie en France.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

En 2017, après dix ans au Parti socialiste, j'ai fait le choix de soutenir Emmanuel Macron. Aujourd'hui, à l'aube d'élections législatives cruciales, je mesure l'ampleur de ma désillusion et du grand écart entre la promesse et la réalisation. Et surtout l'urgence d'un sursaut démocratique.

Mon ralliement au macronisme s'inscrivait dans l'espoir d'une politique plus consensuelle, d'un libéralisme bénéfique à ceux "bloqués dans l'ascenseur social". La réalité fut bien différente : une politique peu ambitieuse et trop centralisée, un "libéralisme total" tant économique et social que sociétal) devenu autoritaire sous la férule d'un seul.

Je ne pleurerai pas ma naïveté. J'étais, je reste un réformiste. Mais j'ai sous-estimé l'impossibilité pour des femmes et des hommes politiques libéraux de mener une politique équilibrée, prenant le meilleur de la droite modérée et de la social-démocratie. Cette dérive, au nom du "pragmatisme", a largement participé à conduire le pays aux portes de l'extrême droite.

La victoire du RN aux européennes et la dissolution de l'Assemblée sonnent comme un terrible avertissement. Et si tout n’est probablement pas à jeter de l’aventure libérale française, un état des lieux sérieux des échecs probants devra être mené. Et, en attendant, nous ne devons pas céder à la tentation d'une "révolution nationale" xénophobe et raciste, abandonnant les acquis sociaux au nom d'un autoritarisme illusoire.

Je vis au Royaume-Uni post-Brexit. J'y ai vu les conséquences directes du populisme sur les minorités, sans aucun gain pour les classes populaires anglaises qui avaient largement soutenu ce projet nationaliste. En France, la dégradation du climat politique, les attaques contre des parlementaires, sont des signaux alarmants. L'échec d'Emmanuel Macron à contenir l'extrême droite, tout en en faisant son cheval de bataille, est affligeant.

Nous assistons à une montée alarmante de l'antisémitisme depuis l'attaque terroriste du Hamas contre Israël le 7 octobre dernier et la guerre de riposte lancée contre la bande de Gaza. Cette résurgence d'une haine ancestrale ravive des blessures profondes et réactive une part sombre de notre histoire. Parallèlement, de nombreux citoyens musulmans se sentent injustement stigmatisés, craignant d'être les nouveaux boucs émissaires d'une société en quête de coupables.

Ces tensions communautaires sont le terreau fertile sur lequel prospère l'extrême droite. Nous devons être intransigeants face à toute forme d'antisémitisme, tout en luttant contre l'islamophobie et en reconnaissant la place légitime de nos concitoyens musulmans dans la République. L'urgence est de bloquer l'extrême droite, mais notre combat ne s'arrêtera pas là. Il nous faudra poursuivre sans relâche la lutte contre toutes les formes de haine et de discrimination.

Le populisme attise les haines, divise, ségrégue. Nous ne faisons plus nation. L'heure est à la mobilisation de toutes les bonnes volontés pour lutter contre ce risque majeur. Mais cela ne suffit pas. Nous devons construire un projet de concorde nationale, rassemblant campagnes et banlieues, juifs et musulmans, croyants et athées, majorités et minorités.

Ce projet doit être concret : retour de la police de proximité, soutien aux agriculteurs et aux enseignants, renforcement du système de santé. Il faut aussi inventer de nouvelles initiatives : cérémonies de citoyenneté inclusives, échanges entre jeunes de différents milieux, refonte des symboles républicains. Nous devons créer des espaces de dialogue intercommunautaire, favoriser la compréhension mutuelle et célébrer notre diversité comme une force.

Dans mon aller-retour en "pays centriste", j'ai compris que les plus belles aventures sont celles où nous travaillons pour tous, pas celles où tout le monde est d'accord. C'est pourquoi je retourne à mes racines politiques, la gauche social-démocrate, soutenant un programme de rassemblement et de construction collective.

L'heure est grave. La menace de l'extrême droite est réelle. Mais ensemble, en reconnaissant nos erreurs et en nous mobilisant autour d'un projet inclusif et solidaire, nous pouvons encore écrire une nouvelle page de notre histoire commune. Une page sur laquelle s’écrira un contrat social renouvelé, rassembleur et bénéfique pour tous ceux qui ont choisi notre pays. C'est notre responsabilité, notre devoir envers les générations actuelles et futures, dans le respect de nos ancêtres et de notre Histoire.
Jean ROMAN-SAMAKÉ

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