Vivre
D’abord, il y a l’image puis le son et l’odeur. Ensuite il y a la rencontre avec l’autre. Avec celles et ceux qui, malgré eux, se retrouvent dans un endroit surréaliste. Ceux qui sont venus donner de leur temps, ceux qui essayent de survivre au quotidien. Ceux qui s’opposent violemment à cet état de fait ou celles qui essayent de traduire l’histoire de ces grands voyageurs. En un mot, c’est la Jungle.
Ce lieu ne raconte pas que l’histoire des « migrants ». La vie dans la Jungle ne laisse personne tranquille. Je vois des humanitaires perdre leur bon sens. Je vois des hommes qui ne sont en vie que par miracle, depuis leur terre natale. Je vois une organisation humaine où les sourires n’ont pas disparu. Je vois des rencontres qui dépassent ce qu’on imagine de ces « migrants »
Et puis j’essaye de comprendre. Pourquoi cette situation? Qui est chargé de quoi ? Comment ces humains sont-ils arrivés jusque là ? Pourquoi vouloir à tout prix traverser ce bras de mer ? Et où aller après ça ? Pour combien de temps ?
Je découvre un monde d’une complexité incroyable. Je découvre un optimisme incroyable chez ces personnes. Je découvre que moi aussi, jeune étudiante parisienne, j’ai une volonté incroyable mais que, finalement, je me sens inutile.
Je m’insurge contre cette vie, cette organisation, ces fachos, l’Etat, les guerres et puis j’abdique. Je vis les derniers moments d’un endroit qui n’aurait jamais dû exister…
Ecrire
Ce texte n’a pas été écrit dans un but littéraire, ni politique. Il a une histoire particulière. Alors que j’étais à Calais en tant que bénévole auprès des migrants, il m’a semblé comme d’autres essentiel, vital, d’écrire.
Ecrire pour tenter d’exprimer ce que j’avais vu et ressenti, ce quotidien dense et pourtant au-delà de tout ce que je connaissais. Sans comparaison. Ecrire pour tenter de démêler les ressentis de la raison, tenter de réfléchir au-delà des images choquantes ou belles, bref mettre des mots.
Je l’ai fait d’abord pour moi et sans m’adresser à quiconque de particulier ; je n’avais pas pour but de le faire lire ni de le rendre public. Ecrire quelques lignes chaque soir me permettait d’évacuer la fatigue de la journée, comme on griffonne quelques notes sur du papier pour remettre la réflexion à plus tard. Comme on ressent qu’on vit quelque chose d’important sans vraiment en saisir les enjeux. Je jetais ces mots comme on s’en débarrasse.
Raconter
Lorsqu’on ne parle plus d’immigrés, ni d’émigrés, mais de « migrants » ; Lorsque le clandestin venu d’ailleurs n’est bienvenu nulle part, car étranger partout ;
Voici un témoigne de Calais et de la rage de vivre.Une jungle condamnée vivant ses dernières heures.
Fenêtre ouverte sur une réalité qui nous dépasse. Mise en lumière de l’envers du décor où tous les coups sont permis.
Alors ? Alors le doute grandit ... Où commence l’Absurde ?
Alors... Alors quoi ?
Dans l’urgence d’être « utile » et du secours imparfait d’une bénévole, il y a l’expérience de n’être pas grand-chose et tant à la fois. Entre incompréhension, stupeur, thé à la menthe, impuissance, indignation, éclats de rire, résignation, rancœur et air de guitare, nous rencontrons Calais.
« What a foolish way to achieve your dreams »
Ce témoignage, parmi des centaines d’autres, est ma contribution. Merci à toutes celles et ceux qui m’ont encouragé à rendre ce texte public.J’espère qu’il parlera à d’autres comme il vous a parlé.
Bisous, Cloé.
Lire le texte complet : fr.calameo.com/read/002979981c9aa0c40d2ef