On a vu dans un billet récent comment le populisme de gauche entend créer une force collective en se basant fortement sur les affects liés à une situation réelle, délaissant à dessein la compréhension complexe de cette dernière (1). L'émotion légitime sert de liant, d'agent de cohésion, davantage que le consensus sur la reconnaissance pertinente, l'analyse fouillée des faits. La description de cette dernière en devient au contraire floue, imprécise, quelque peu manipulatoire et risque de dérouter encore plus.
Depuis que l'Etat ne cesse d'ouvrir largement le champ de la négociation collective en entreprise est apparue l'accusation "d'inversion de la hiérarchie des normes". Le processus de sollicitation des émotions joue ici à plein lorsqu'il s'agit de brandir le spectre d'un bouleversement ( changement radical, perturbation profonde, trouble violent ; confusion, désordre, désastre) dans la hiérarchie des normes sociales qui en vérité n'existe pas et qui occulte gravement la désignation précise des oppresseurs "du peuple".
La hiérarchie des normes place au sommet la loi ou Code du travail. Sont ensuite les accords de branche professionnelle ou territoriaux, puis les conventions d'entreprise. Lors de litiges renvoyés aux prud'hommes ou au tribunal, les jugements et jurisprudences, décisions non législatives, sont décisives pour départager sur l'interprétation, l'application des textes de loi ou conventionnels.
La loi ou Code du travail demeure la norme supérieure qui légalise les principes des accords de branche, territoriaux et d'entreprise. Les entreprises conforment leur règlement à la loi pour ce qui renvoie aux matières de l'ordre public absolu (2) et pour les dispositions non ouvertes à la négociation collective. Autrement, les entreprise peuvent déroger à, s'écarter de la loi en vertu de conventions de branche, territoriales ou locales, en un sens favorable ou défavorable. Si lors d'une négociation, aucun accord n'est conclu, c'est la loi, norme supérieure, qui s'applique. Elle est dite alors "supplétive".
Il y a une confusion entre la notion de "primauté" d'un accord de branche, territorial ou d'entreprise, sur la loi, lorsqu'il est appliqué après signature et validation et la place subordonnée que le principe même de ces conventions conserve dans le fonctionnement des articulations des normes entre elles.
En outre, quand bien même les matières ouvertes à l'accord collectif se font plus nombreuses, les négociations ne sont pas imposées par la loi, hormis celles annuelles ou triennales, obligatoires, destinées exclusivement à améliorer le sort des salariés, si concorde.
Affirmer qu'il y a "inversion de la hiérarchie des normes" avec l'ouverture de la négociation implique que la loi se conformerait ou dérogerait à un accord de branche ou local........Ce qui n'a aucun sens.
Pendant ce temps, le vrai danger n'est jamais précisément nommé par les détracteurs des lois travail, qui ont raison de l'être....car il est en partie ailleurs.
L'ouverture toujours plus large du champ de la négociation collective va naturellement être mise à profit par les directions et patronats qui, faisant pression sur les salariés avec comme chantage le licenciement, les plans de maintien de l'emploi, les décisions unilatérales, le harcèlement, etc......vont les contraindre à négocier, dans la précipitation, à armes inégales, notamment en terme de capacités de recours à un conseil juridique, avec des syndicats loin d'être toujours formés, expérimentés....et surtout, la peur du patron.......
(1) https://blogs.mediapart.fr/egalidad/blog/060717/populisme-de-gauche-une-proposition-de-definition
(2) L2253-3 du Code du travail : salaires minima, classifications, garanties collectives complémentaires mentionnées à l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale, de prévention de la pénibilité prévue au titre VI du livre Ier de la quatrième partie, égalité professionnelle entre les femmes et les hommes mentionnée à l'article L. 2241-3 , mutualisation des fonds de la formation professionnelle.