Il n'aura pas fallu longtemps à la France insoumise entrée avec éclat à l'Assemblée nationale pour être digérée par les travers de la politique française, de la politique politicienne........
Voilà que Mélenchon s'oppose sur une question cruciale à Macron pour le seul principe d'être contradicteur, sans aucune réflexion pertinente, se contredisant, s’emmêlant les notions, aux risque d'imprécisions fâcheuses.
Lorsqu'en avril dernier, Marie Lepen ressortait son éternel couplet sur la rafle du Vel d'Hiv non perpétrée par l'Etat français ou "la France", mais par certains français, devenant une disciple inattendue du général de Gaulle, Mélenchon réagissait, fustigeant son attitude et affirmait : "La République n'est pas coupable, mais la France l'est"..........Sans préciser ce qu'il entendait par République et par "la France"..
A l'occasion de la commémoration du Veld'Hiv par Macron, l'insoumis s'exprime différemment, avec curieusement des concepts mieux définis :
"Après cela, déclarer que la France est responsable de la rafle du Vel’ d’Hiv’ est là encore un franchissement de seuil d’une intensité maximale. En effet, nul ne peut contester que des Français ont été personnellement responsables du crime comme ce fut le cas, notamment, dans la police qui opéra la rafle sans exprimer la moindre protestation ni acte de résistance, mais aussi de la part de toutes les autorités de tous ordres qui se rendirent complices, soit activement, soit par leur silence, soit parce qu’elles avaient renoncé à s’y opposer de quelque façon que ce soit. Mais dire que la France, en tant que peuple, en tant que nation est responsable de ce crime c’est admettre une définition essentialiste de notre pays totalement inacceptable
La France n’est rien d’autre que sa République. À cette époque, la République avait été abolie par la révolution nationale du maréchal Pétain. Dans cette vision de l’Histoire, la France, à cette époque, était à Londres avec le général De Gaulle et partout des Français combattaient l’occupant nazi. Sur le territoire national, il n’y avait rien d’autre qu’une nation dirigée par un régime de fait dans un pays dont la moitié était occupée par les armées nazies et l’autre moitié dirigée par des gens qui avaient imposé de force une idéologie jumelle. Jamais, à aucun moment, les Français n’ont fait le choix du meurtre et du crime antisémite ! Ceux qui ne sont pas juifs ne sont pas tous, globalement et en tant que Français, coupables du crime qui a été commis à ce moment-là ! Tout au contraire, par sa résistance, ses combats contre l’envahisseur et par le rétablissement de la République dès que celui-ci a été chassé du territoire, le peuple français a prouvé de quel côté il était réellement. Il n’est pas au pouvoir de Monsieur Macron d’assigner tous les Français à une identité de bourreau qui n’est pas la leur ! Non, non, Vichy ce n’est pas la France !"".
Dans sa déclaration d'avril, Mélenchon déclare "La République n'est pas coupable". Ce qui est cohérent avec son texte de juillet où il dit qu'il n'est pas possible de rendre responsable du Veld'Hiv la France, qui n'est "rien d’autre que sa République", "Non, non, Vichy ce n’est pas la France", non Vichy n'est pas la République.
Qu'entend Mélenchon par "la République" ? : une "société humaine, l'ensemble de personnes ayant entre elles quelque chose en commun" ou "système politique dans lequel la souveraineté appartient au peuple qui exerce le pouvoir politique directement ou par l'intermédiaire de représentants élus".........ou la IIIe République ?
Mélenchon paraît privilégier l'idée transcendante du régime auquel la France s'est attaché, et oublier les rouages et acteurs de cette organisation en 1940.
Ainsi, lorsqu'il affirme par cette formule très idéologique "la France n'est que sa République", il signifie que cette France n'est que lorsqu'elle est sous le régime républicain, qu'elle n'était pas lors de son long passé royaliste ni, aux XIXe et XXe siècles, lors des épisodes impériaux, des restaurations monarchiques, et de Vichy.
Mais au-delà, tout imprégné de sa philosophie populiste qui ne reconnaît que des ensembles ou rouages strictement homogènes, insécables (les oligarques, le peuple, la République, la Nation....), Mélenchon ne raisonne-t-il pas aussi sans discerner les différents acteurs de cette organisation politique (la présidence, le gouvernement, le parlement, l'Etat, les électeurs, le peuple)......afin de ne pas avoir à reconnaître que certains acteurs de la République ont dévié de leur engagement républicain et se sont rendus fautifs de complicités dans l’avènement de Pétain ? (1)
A ce titre, l'ensemble des corps de pouvoir de la IIIe République, la présidence d'Albert Lebrun, le parlement, a de lourdes responsabilités. Nul n'ignore que c'est le parlement qui le 10 juillet 1940, sous couvert de rénover le socle constitutionnel, remet son destin entre les mains de Pétain, connaissant ses intentions. Ce dernier, sensé renouveler les chambres dans le futur, affirme le 11 juillet la "subsistance" du parlement de la IIIe République, tout en ayant décidé de l'ajourner en vérité définitivement, accédant de fait au pouvoir personnel, dictatorial, totalitaire, collaborationniste.
La loi stipule que la nouvelle constitution rédigée sous l'autorité et le paraphe de Pétain, devra défendre le travail, la famille, la patrie, annonçant par là-même ce qui sera la devise du régime à venir, en sus de créer de nouvelles assemblées qui la ratifieront.....Mais ces dispositions, ce nouveau parlement ratifiant automatiquement la nouvelle constitution, n'assurent en rien la nature républicaine et démocratique du régime à venir. Entre autre, le vote, composante essentielle de la république démocratique, n'est pas porté au nombre des nécessités....C'est éloquent. Nul n'ignore non plus que les réactions parlementaires au premier acte de Pétain s'arrogeant les pleins pouvoir furent nulles.
En avril, Mélenchon dit : "La France l'est" (coupable). Que désigne-t-il alors, par opposition à la République innocente ?
Dans la première partie du texte de juillet, Mélenchon reconnaît la culpabilité "de toutes les autorités de tous ordres qui se rendirent complices".
Donc, la France coupable est celle de "toutes les autorités de tous ordres qui se rendirent complices" ; c'est-à-dire Vichy.....
Pourtant, en juillet, Mélenchon affirme : "Non, non, Vichy ce n’est pas la France !
Or, on voit bien que la loi du 10 juillet 1940 constitue bien une transition légale entre la IIIe République et le régime de Vichy, entre l'Etat d'avant cette date et celui qui en est né ce jour...Vichy aura contrevenu à la seule disposition de la loi prévoyant la création d'un nouveau parlement. Au lieu de cela, Vichy a, le 11 juillet 1940, maintenu les chambres de la IIIe République et décidé de les ajourner.
Aujourd'hui, Mélenchon entend la France comme "peuple" et Nation". Celle-ci n'est coupable de rien : "Mais dire que la France, en tant que peuple, en tant que nation est responsable de ce crime c’est admettre une définition essentialiste de notre pays totalement inacceptable"
Mais Chirac, Macron, et tous les français qui savent reconnaître les indicibles erreurs de leur histoire, accusent-ils le "peuple", conspuent-ils la "Nation" ? Certes non et c'est bien l'Etat français, celui de Vichy qui est à juste raison et impérieusement interpellé.
Macron et surtout les historiens montrent cependant que le terreau indispensable de la Shoa fut aussi les préjugés d'une violence terrestre de maintes personnes, qui parfois aussi dénoncèrent et livrèrent à la mort, qu'elles soient des autorités, de l'appareil d'Etat ou de la masse des gens du "peuple", des gouvernés.
Certains gens du "peuple" s'engagèrent notamment dans la milice, une organisation paramilitaire, supplétive de la Gestapo, et qui traqua également les juifs.
Ainsi, lorsque Mélenchon écarte de toutes fautes "le peuple", à savoir "tous les éléments de la population" qu'il s'évertue sanctifier par opposition aux autorités décisionnaires et exécutives, criminelles, il se rend coupable d'approximations pouvant faire songer à un grave déni des vérités historiques.
En effet, la stratégie du discours, digne de son populisme de gauche, tente une nouvelle fois de convaincre de cette mystification qui fait la base de son regroupement : l'homogénéité du "peuple", la collectivité gouvernée face à l'autorité dont elle se distingue en tout.......innocente de tout.
Et c'est bien pour cela qu'il ne reconnaît des coupables éventuels qu'au sein des rouages de pouvoir :
"En effet, nul ne peut contester que des Français ont été personnellement responsables du crime comme ce fut le cas, notamment, dans la police qui opéra la rafle sans exprimer la moindre protestation ni acte de résistance, mais aussi de la part de toutes les autorités de tous ordres qui se rendirent complices, soit activement, soit par leur silence, soit parce qu’elles avaient renoncé à s’y opposer de quelque façon que ce soit.
(1) De nos jours par exemple, la France ne compte-t-elle pas en son sein des organes qui en réalité ne sont pas républicains, c'est-à-dire qui confisquent la souveraineté populaire alors que l'article 2 de la Constitution de 1958 stipule "Liberté, Egalité, Fraternité" et que le principe de la République est "gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple".