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Billet de blog 30 juillet 2017

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Le rejet des élites financières est-il la forme réinventée de l'antisémitisme ?

Autrement dit, ceux qui rejettent les élites économiques, financières, et leurs fondés de pouvoir, qui en font des oligarchies toujours plus malfaisantes, le feraient non pas du fait d'un capitalisme très inégalitaire, mais parce que celui-ci serait organisé par des juifs ou acteurs cosmopolites qui en tireraient les profits au détriment des populations.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

C'est en substance ce que nombre de politistes semblent considérer. Parmi eux, Phillipe Marlière écrit à l'adresse des abstentionnistes quels qu'ils soient du second tour des présidentielles, sans doute majoritairement de gauche, mais pas que...: 

"Ce “ni ni” [Emmanuel Macron et Marine Lepen] ne peut être défendu qu’à la condition de considérer que Macron représente un danger aussi grand que Le Pen. Pour ce faire, il faut diaboliser l’ex-ministre de l’économie : les expressions “Macron l’oligarque” et “Macron le banquier” sont devenues des figures de style haineuses à l’endroit du candidat d’En Marche ! Le stéréotype du banquier cupide renvoie à la représentation du Juif cosmopolite de l’entre deux-guerres (on reproche d’ailleurs beaucoup à Macron son “cosmopolitisme”) (1).

Une autre proposition de Vincent Presumey déclare à propos d'une analyse de la France insoumise : "l'idéologie opposant le « peuple » à « l'oligarchie » et préconisant l'union des classes « productives » du peuple ne peut que favoriser la tendance à expliquer le capitalisme par un grand complot de gens méchants, profiteurs internationaux dont l'image traditionnelle est celle que fournit l'antisémitisme".(2)

 Philippe Marlière et Vincent Presumey se sont peut-être appuyés sur, inspirés de l'étude de la très libérale Fondation pour l’innovation politique sur l'antisémitisme en France en 2014. Dominique Reynié, directeur du Fondapol, affirme que les sympathisants du Front de gauche adhèrent beaucoup plus "que la moyenne à des préjugés qui relèvent de cet antisémitisme anticapitaliste et antiglobalisation. Cette idée que les juifs contrôlent l’économie, qu’il y a un capitalisme cosmopolite » (3).

Ne s'agissant pas de nier le racisme ou l'antisémitisme d'aujourd'hui, l'observation de notre temps apporte un éclairage sur le processus psychologique de la personne xénophobe, issue des masses populaires ou des élites socialistes, anarchistes, anticapitalistes.

De nos jours, la personne raciste confrontée à une lutte politique, socio-économique, quel que soit son environnement social, n'a pas idée de trouver subjectivité commune avec "l'autre", qu'il s'agisse du juif ou de l'étranger, pour combattre l'oppresseur capitaliste. Elle en fait au contraire rapidement son complice.

Tout comme les juifs étaient considérés dès le XIXe siècle, puis au cours de la première partie du XXe siècle et même après, comme de grands commandeurs et bénéficiaires sournois du capitalisme ravageur, les réfugiés africains et moyen-orientaux se voient dans certains écrits contemporains de gens qui se revendiquent de la gauche radicale, désignés comme une partie de la population privilégiée par le grand capital au détriment des autres, "de ceux qui étaient là avant". Ce dernier s'efforcerait de les faire venir en nombre, au point d'un "grand remplacement" des gens d'ici, afin de pouvoir trouver une main-d’œuvre conciliante, mais heureuse, avec les exigences professionnelles, sociales, toujours plus revues à la baisse afin d'assurer le taux de profit.

Devant une telle inadéquation entre ces représentations et la réalité de puissances capitalistes faisant leur maximum pour dissuader les réfugiés de venir chez elles et leur population de les aider, il est aisé de comprendre que, de la même façon que chez les antisémites des années 1930, la haine précède le fantasme du complot des élites et de l'étranger ou d'une catégorie particulière d'acteurs. Cette construction intellectuelle, artificielle, n'est qu'une mise en mots singulière d'une hostilité, trahissant une déformation délibérée de réalités (celle du capitalisme de l'époque, de l'implication d'acteurs juifs) ou une invention de faits.

Dès lors, si la haine de l'autre précède toute verbalisation, celle-ci répondant aux exigences de falsification ou d'imagination de choses, ceux qui avancent que les juifs sont maîtres du capitalisme mondial se manifestent non pas en tant qu'anticapitalistes, mais par antisémitisme.

Comment assimiler alors, comme Marlière et Présumey, la dénonciation des élites économiques, financières qu'on appellera anticapitalisme avec l’antisémitisme des années 30, quand bien même les deux phénomènes ne peuvent être confondus, nous venons de le voir, puisque le second  donne une représentation déformée de l'objet du rejet du premier, le capitalisme ?

Par l'analogie la plus grossière qui soit : comme parmi ceux qui, dans les années 30, conspuaient le capitalisme responsable d'une des plus graves crises systémiques, s'en trouvaient qui, antisémites, invectivaient en outre les juifs jugés complices, considérés comme les maîtres du monde, les personnes qui dénoncent aujourd'hui les élites économiques et financières et les définissent comme oligarchies sont, qui qu'elles soient, forcément mues elles aussi par des sentiments xénophobes.

Pour Dominique Reynié, l'"antisémitisme anticapitaliste" renvoie à "cette idée que les juifs contrôlent l'économie". Si dans cette dernière proposition l'intention antisémite est explicite, en quoi y adhérer est-il proprement anticapitaliste ?

Il y a à l'évidence des capitalistes non juifs, antisémites, arabophones, sinophobes....désireux de voir leurs civilisation aux commandes de toutes choses, qui ont ce genre d'idée....Qu'un anticapitaliste ou un capitaliste puissent avoir de la même manière "l'idée que les juifs contrôlent l'économie" montre une nouvelle fois qu'il n'est pas possible d'assimiler particulièrement antisémitisme et rejet des élites économiques et financières.


Au-delà, la convocation de l'antisémitisme dans les discours de Marlière, Présumey et Reynié, permet de déstabiliser de manière adéquate ceux qui dénoncent les élites économiques, financières, comme la sentence "l'antisionisme est la forme réinventée de l'antisémitisme" le fait pour les détracteurs de la politique d'Israël, par renvoi immédiat, culpabilisant, à la haine historique des juifs, plus précisément par la manipulation implicite et outrancière de la mémoire d'un génocide encore incandescente.

 En conclusion, l'anticapitalisme n'est pas xénophobie, c'est la haine de l'autre qui ainsi se nomme qui est inadmissible.

(1) https://blogs.mediapart.fr/philippe-marliere/blog/020517/diaboliser-macron-et-legitimer-le-pen

(2) https://blogs.mediapart.fr/vincent-presumey/blog/280717/quelques-reflexions-sur-la-france-insoumise-suite

(3) http://www.humanite.fr/reynie-accuse-le-front-de-gauche-dantisemitisme-565818 ; http://www.fondapol.org/wp-content/uploads/2014/11/CONF2press-Antisemitisme-DOC-6-web11h51.pdf

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