Des trésors de l’INA on a exhumé une vidéo, qui a beaucoup circulé en début de semaine sur les réseaux sociaux, de la grande manifestation du 1er mai 2002, dans laquelle un certain nombre de personnalités politiques font part de leur vote pour le deuxième tour de l’élection présidentielle opposant Jean-Marie Le Pen à Jacques Chirac. Arlette Laguiller y annonce qu’elle ne donnera son suffrage ni à l’un ni à l’autre. Puis, défile une série de recommandations de plus en plus forte pour le vote en faveur de Chirac de la part de personnalités du PS. En émerge, un dénommé Mélenchon Jean-Luc qui détonne par la gouaille avec laquelle il appelle à soutenir Chirac et surtout par l’étrange chapeau sombre qui le coiffe.
Je ne sais pas si le Jean-Luc Mélenchon d’aujourd’hui, la tête remise à l’endroit après sa rupture avec la rue de Solférino, regrette d’avoir appuyé de toute sa force le fameux front républicain. Son action d’alors s’inscrit en tout cas dans sa période dirigeante au sein du parti socialiste, où les injonctions morales, seul remède trouvé par l’appareil pour pallier la déconnexion croissante entre la politique du parti et les aspirations de son électorat, ont eu le même effet qu’un cautère qu’une jambe de bois. Il lui en est resté un malaise s’accentuant sans cesse entre 2002 et 2005, comme il l’a expliqué à Marion Lagardère dans son ouvrage « il est comment Mélenchon, pour de vrai » (page 62) :
« …Sur ma période passée au PS, je peux rendre des comptes et expliquer. Mais après, il y a aussi des choses que je ne veux pas nier, par exemple le choc que j’ai reçu en 2005….Quand je me suis retrouvé dans des meetings avec les gens en petites blouses, des ouvriers, classe populaire et que je me suis dit “bon sang, je fais partie des gens qui leur ont fait fermer leur gueule” ». Ça, ça été le déclic ».
Aujourd’hui, beaucoup d’insoumis sont dégoûtés que les institutions ne leur laissent une nouvelle fois que le choix entre la peste raciste et le choléra de la finance. Ils ont vu que, pour la première, le barrage de 2002 n’a servi qu’à faire monter l’eau et n’a en rien empêché la perpétuation sur un mode féodal de l’un des partis hélas majeur de notre vie politique. Quant au choléra, il s’incarne dans un inquiétant condottiere de la finance, au CV politique bien mince, dont ils ne savent au fond pas grand-chose à part les fadaises des médias dominants, sauf qu’il veut directement les atteindre dans leurs intérêts pour accroître la part des profits dans l’économie au détriment du travail.
Aussi, l’invocation de considérations morales ou idéologiques fumeuses, de références historiques sorties de leur contexte risque d’être de peu d’effets. La raison pratique, les sondages, la campagne d’entre les deux tours, d’ultimes provocations ethnicistes de Marine Le Pen ou antisociales d’Emmanuel Macron ou encore la référence aux décisions des autres électeurs seront bien plus opérants.
C'est pourquoi, l’absence de consigne de vote de leur porte-parole sinon celle de ne donner en aucun cas leur suffrage à l’extrême droite et l'organisation d'une consultation pourraient les satisfaire bien plus que d’éventuels commandements de l’homme au chapeau vu dans les rues de Paris en 2002. S’il était retombé dans ces errements, c’est à bon droit que l’on pourrait le qualifier d’« apprenti sorcier » « sectaire », « exclusif » voire « intolérant », comme une certaine légende noire voudrait qu’il fût.