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Billet de blog 8 mars 2017

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L’indécent appel à voter Macron d’un notable communiste

Dans une tribune publié dans le Monde du 8 mars 2017, Patrick Braouezec, « Président (Front de gauche - sic) de l’établissement public territorial plaine Commune (Seine-Saint-Denis) » lance un appel à voter Emmanuel Macron. Mais, la position des notables communistes qui tomberaient dans l’escarcelle d’Emmanuel Macron sera politiquement très difficile.

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Dans une tribune publié - est-ce un hasard ? - dans le Monde du 8 mars 2017, Patrick Braouezec, « Président (Front de gauche - sic) de l’établissement public territorial plaine Commune (Seine-Saint-Denis) » lance un appel à voter Emmanuel Macron. Il le justifie par l’argument du vote utile et cite l’exemple de ce phare de la politologie moderne, de cet autoproclamé directeur de conscience un tantinet inquisiteur qu’est Daniel Cohn-Bendit. 

Certes, notre bon président prend la précaution d’expliquer que son vote n’est pas un ralliement au mouvement « En Marche », du fait de ses « manques », des « différences » - le texte ne dit pas avec quoi - voire des divergences, sur « l’écologie », les services publics, « la place des quartiers populaires et des retraites » - une paille. Mais, tout ceci est jugé soluble grâce à des « éclaircissements, débats et confrontations » menés au sein de la majorité macroniste. On en a vu l’efficacité au cours des cinq années de règne du maître d’Emmanuel Macron - François Hollande.

À la limite, il pourrait en rester là : si nous sommes effectivement quelques heures avant de basculer dans une nuit fasciste, tout politicien fera l’affaire pour barrer la route au Diable, du moment que ce n’est pas une ganache réactionnaire prête à lui vendre notre âme pour garder le pouvoir.

Toutefois, Patrick Braouezec ne veut pas que sa prise de position soit prise comme « un vote par défaut ». Il tient à en faire un acte positif d’adhésion. Aussi, nous explique-t-il que la candidature d’Emmanuel Macron aurait deux mérites immenses. D’une part, celui d’ « ouvrir un nouvel espace politique » et partant de préparer une « Vie République », qui est à construire « urgemment ». D’autre part, Emmanuel Macron « est aussi, avec Benoît Hamon, le seul à prendre résolument la dimension des mutations du monde contemporain, et notamment celles du monde du travail. » 

Là, le lecteur de gauche se dit que l’on se moque assez ouvertement de lui. Emmanuel Macron est un pur produit du système, que la brigue et l’aveuglement de ses parrains ont mis en position de griller les étapes du cursus honorum politique en ne s’exposant aux risques du suffrage populaire que juste avant de franchir la dernière marche. À part un peu plus de scrutin proportionnel pour les élections législatives, il ne propose rien de substantiel pour changer les institutions. La réflexion un peu approfondie sur une nouvelle république moins dépendante de la représentation et davantage de l’expansion directe de la volonté populaire est à rechercher du côté de la France Insoumise. Certainement pas du côté de cet assez inquiétant aventurier politique.

Par ailleurs, il est ahurissant que Patrick Braouezec tombe dans le panneau de  la propagande des libéraux qui veulent détruire la dimension collective du droit du travail au nom d’une vision totalement individualiste de la liberté (1). De ce point de vue, même si le discours se veut plus aimable, Emmanuel Macron partage la même philosophie que François Fillon. Celle-ci voit dans les livreurs précarisés qui parcourent nos rues la manifestation du « progrès » alors que nombre d’entre eux, par la lutte ou les tentatives de créer des coopératives, refont le chemin durement parcouru par nos aïeux employés et ouvriers pour sortir du précariat généralisé.

C’est pourquoi, on ne peut accueillir le retour de l’ascenseur attendu par Patrick Braouezec pour les législatives qu’avec le plus profond mépris. Chacun recevra in fine son dû et le sort des notables communistes qui tomberaient dans l’escarcelle d’Emmanuel Macron sera politiquement très difficile.

(1) Sur cette liberté négative, car contre tous les autres, par opposition à la liberté sociale cf. l’entretien avec le philosophe Axel Honneth publié dans l’Humanité des 3/4/5 mars 2017.

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