1 J’ai présumé de la bonne foi de Mediapart et de ses journalistes ; j’attends le même présupposé de leur part.
2 J’ai pensé à Tartuffe, car la pièce vise la fausse dévotion, celle des apparences, et non pas la vraie (que je n’ai pas, mais qui est parfaitement respectable).
3 Les insinuations déplaisantes et les qualificatifs méprisants signalent le manque de sérénité de leur auteur. Ils ne peuvent être pris que comme une tentative pour brouiller les pistes et ne pas répondre à la question posée dans le billet précité à savoir pourquoi Médiapart n’a pas publié l’information sur Tariq Ramadan.
4 D’autres que moi se la posent, comme Daniel Schneidermann : http://tempsreel.nouvelobs.com/rue89/notre-epoque/20171108.OBS7093/ramadan-que-savait-mediapart.html. Celui-ci conclut son article comme suit : « Dans une logique en noir et blanc, le site, qui a construit son légitime succès sur une investigation sans concession, est apparemment coincé. Soit, ils savaient, et ils ont couvert. Soit-ils n'avaient que le bout du fil de cette "vie sexuelle, disons, remplie", et pour des investigateurs, ils se sont montrés bien peu empressés à tirer le fil, à une époque (avril 2016) où Mediapart, par ailleurs, était en pleine enquête sur l'affaire Baupin, donc sensibilisée à la question…. On ne trouve que ce qu'on cherche vraiment. »
5 Cette question est au fond celle de la prise de décision en situation d’incertitude, situation dans laquelle se trouvent placés les journalistes comme les juges, les prêteurs, les investisseurs, les banquiers centraux, les entrepreneurs, etc. Il est clair que l’on ne gagne pas à tout coup à ce jeu-là. De temps en temps, une mauvaise décision est prise et la collectivité en paie le prix : une information cruciale sur un personnage public est tue, un innocent se trouve en prison, un fraudeur reçoit un crédit, un banquier central ne relève pas à temps ses taux, un investisseur brûle les fonds qui lui ont été confiés dans de mauvais placements.
6 La mauvaise décision peut provenir d’une appréciation erronée ex post soit de la probabilité d’occurrence de l’événement sur lequel la décision est fondée (véracité de l’information, solvabilité de l’emprunteur, état de la conjoncture) soit des risques que l’on veut minimiser. Au cas d’espèce, on peut supposer soit que Médiapart n’était pas au courant (ou qu’il tenait l’information pour totalement fausse, ce qui revient au même pour la prise de décision) soit que la probabilité que l’information soit vraie a été évaluée comme très inférieure au coût possible d’une fausse révélation, déterminé en fonction des dommages et intérêts à payer à l’issue d’une procédure perdue en diffamation et/ou en fonction de la ligne éditoriale du journal. Or, Mediapart affiche très clairement ses choix en matière de « désutilité » (cf. les mots très forts utilisés hier par le directeur du journal qui évoque l’existence de « campagne générale de guerre contre les musulmans » : cf.
http://www.francetvinfo.fr/societe/justice/tariq-ramadan/pour-edwy-plenel-la-une-de-charlie-hebdo-sur-mediapart-est-une-guerre-aux-musulmans-menee-par-une-gauche-egaree_2457924.html).
7 Il est de bonne pratique de tirer les leçons de ces échecs, ne serait-ce que pour éviter de reproduire l’erreur qui en est à l’origine. Le journalisme ne saurait échapper à cette remise en cause permanente ou à tout le moins fréquente dans la plupart des professions.