L’une des manifestations des inégalités dans le monde du travail est que le salarié des PME est moins payé que celui des grandes entreprises.
D’après les statistiques publiées par l’INSEE (cf.http://www.insee.fr/fr/themes/detail.asp?reg_id=0&ref_id=ir-dads2010&page=irweb/dads2010/dd/dads2010_t20.htm), le salaire moyen en équivalent temps plein des salariés travaillant dans des établissements de 20 à 49 salariés est ainsi inférieur de 25 % à ceux des employés de la tranche des 500 à 999 salariés.
Le droit du travail entérine cette inégalité, notamment en proportionnant le minimum des indemnités de licenciement à la rémunération perçue. Les canons de l’économie de l’offre exigeaient cependant que l’on sacrifiât encore un peu plus les salariés des PME. Le projet de loi préparé par le sieur Macron, cyniquement intitulé « loi pour la croissance, l’activité et l’égalité (sic) des chances économiques », prévoyait ainsi de plafonner ces indemnités, lorsqu’elles sont accordés par les prudhommes, non seulement à raison de l’ancienneté de la victime d’un licenciement sans cause réelle ou sérieuse mais aussi à raison de la taille de l’entreprise, définie par les effectifs (moins de 20 salariés, de 20 à 299, 300 et plus).
Le 5 août 2015, le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition. Fidèle à sa jurisprudence qui fait une part belle à la défense conservatrice du droit de propriété, il n’a pas contesté le principe d’un tel plafonnement « pour un motif d’intérêt général ». Mais il a estimé que le critère à retenir pour l'établir doit avoir un lien avec le préjudice subi par le salarié. Sinon, il y aurait rupture de l’égalité entre les citoyens puisque deux employés mis à la porte de deux entreprises de taille différente dans les mêmes circonstances recevraient des indemnités de montants inégaux.
Un gouvernement disposant d’une trace de conscience sociale aurait compris la leçon et laissé les choses en l’état. C’était sans compter sans le zèle libéral du bon docteur Le Guen. Celui-ci a déclaré sur RMC que « Nous disons que l'économie de demain, c'est traiter différemment les PME et les entreprises du CAC40. S'il faut réformer la Constitution pour donner une priorité et un rôle particulier aux PME, nous le ferons ». Il a reçu naturellement le soutien de la CGPME : « La CGPME veut une Constitution française « PME compatible », écrit l'organisation patronale. « A-t-on jamais vu, à l'instar de ce que connaissent bien des PME/TPE, la survie d'un grand groupe mise en danger par une condamnation prud’homale? » (cf. http://www.boursorama.com/actualites/comme-le-guen-la-cgpme-veut-une-constitution-pme-compatible-b0c69a66eceb14c655c44b175435b17e).
Que la CGPME fasse de l’esbroufe voire se livre à une provocation quand il sous-entend que des PME seraient si peu compétitives qu’elles survivraient en fraudant la loi (cas théorique on espère) est dans l’ordre des choses.
Mais, on n’est pas certain que JM Le Guen ait bien compris vers quel égout il dirigerait sa galère s’il voulait mettre la Constitution au pas des PME.
Il ne suffirait pas en effet d’introduire dans le corps de la Constitution un article reprenant les voeux patronaux. Devrait être également mise hors d’état de nuire aux intérêts capitalistes toute la palanquée d’articles invoquant l’égalité dans la déclaration des droits de 1789 tout comme le préambule des constitutions de 1946 et de 1958.
Il faudrait tout d’abord y mentionner que les entreprises sont directement destinataires des déclarations de droits, qui ne s’adressent aujourd’hui qu’aux personnes physiques.
Il conviendrait ensuite, pour les neutraliser, que les droits des salariés soient subordonnés ou encapsulés dans ceux des entreprises quitte à ce qu’ils deviennent des citoyens à temps très partiel, comme au bon vieux temps libéral.
Bref, on nous engagerait dans une involution dont on ne connaît pas le terme. Quelques larrons ultra-réactionnaires pourraient même y voir l’occasion de nous faire revenir aux antiques partitions entre citoyens et esclaves, nobles et serfs, maîtres et esclaves.
Inutile d’espérer nous « rassembler » pour défendre cette cause-là.
Billet de blog 16 septembre 2015
Faut il passer la Constitution au laminoir au nom de la défense des PME ?
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