Ehtugdual (avatar)

Ehtugdual

Abonné·e de Mediapart

58 Billets

0 Édition

Billet de blog 22 avril 2017

Ehtugdual (avatar)

Ehtugdual

Abonné·e de Mediapart

Impressions de fin de campagne (suite) : une horrible indécision

A quelques heures du premier tour, tout se passe comme si l’élection présidentielle allait se dérouler à la roulette avec une probabilité de sortie de l’urne égale entre les quatre principaux candidats. Cela montre combien leurs forces et leurs faiblesses s’équilibrent, ce qui rend toute prévision impossible.

Ehtugdual (avatar)

Ehtugdual

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les différentes mesures de la répartition des intentions de vote font apparaître une convergence de quatre candidats autour d’un seuil de 20 %. L’ordre au sein de ce quatuor dépend des sources. 

Les estimations basées sur le dénombrement des interactions sur les réseaux sociaux (FILTERIS par exemple) mettent plutôt François Fillon et Marine Le Pen en tête. Toutefois, leur fiabilité repose sur leur capacité à séparer, dans la masse des signaux à exploiter, les favorables des défavorables, ce qui n’a rien d’évident : comment un algorithme peut-il comprendre l’humour ou la dérision ?

Les sondages auraient plutôt tendance à classer en premier Emmanuel Macron et Marine Le Pen. On sait néanmoins que les échantillons utilisés ne sont jamais représentatifs et que les résultats bruts font l’objet de divers redressements. Le classement des candidats repose donc sur les hypothèses faites pour établir les corrections et sur les informations disponibles pour étalonner les sondages. Or, par construction, pour Emmanuel Macron, nouveau venu dans l’arène, on ne dispose pas de la référence qu’apporteraient des scrutins équivalents passés.

En outre, il n’est pas même certain que les instituts conservent les mêmes méthodes de redressement au cours du temps. Cela se déduit de la convergence suspecte des résultats des sondages, notamment quand on se rapproche de la date de l’élection, alors qu’ils devraient diverger dans une proportion comparable à leur erreur de mesure. Il se pourrait donc que les sondeurs ajustent progressivement leur méthode de redressement pour se rapprocher des valeurs moyennes obtenues par la concurrence (1).

Bref, tout se passe comme si l’élection présidentielle allait se jouer à la roulette avec une probabilité de sortie de l’urne égale entre les candidats. Cela montre combien leurs forces et leurs faiblesses s’équilibrent, ce qui rend toute prévision impossible.

Porté par les victoires continuelles de la droite aux élections depuis 2012, son triomphe lors de la primaire en septembre 2016, le discrédit total du pouvoir actuel, François Fillon devrait tutoyer les 30 % dans les intentions de vote. Il doit cependant affronter un fort courant contraire qu’il a lui-même déclenché par ses mensonges sur ses frasques personnelles, son style méprisant et hautain vis-à-vis du vulgus pecum, ses accointances avec le catholicisme le plus rance et surtout l’extrémisme de son programme économique et social.

Marine Le Pen, au programme aussi antirépublicain que celui de François Fillon, a cru pouvoir bonifier tranquillement le capital électoral acquis en 2012 - soit près de 18 % des suffrages, en essayant de brouiller les cartes conformément à sa stratégie de « dédiabolisation » et en profitant des anxiétés actuelles vis-à-vis du terrorisme. Elle a sans doute sous-estimé l’impact des affaires sur sa crédibilité d’ « antisystème » et de la stratégie de François Fillon de mordre sur ses plates-bandes.

La  candidature d’Emmanuel Macron est le réceptacle des suffrages de tous les conservateurs qu’effarent les délires du candidat de la droite extrême et de la candidate de l’extrême droite. Il pâtit cependant des fragilités que la campagne a révélées sur les sujets non économiques et de son libéralisme échevelé, d’une toxicité sociale équivalente à celle de François Fillon.

Jean-Luc Mélenchon est le seul à offrir une solution allant dans le sens de l’émancipation. Il part cependant de loin, 11 % en 2012, et a dû ferrailler longtemps pour contourner l’opposition sourde de la majorité des intellectuels organiques et des militants de gauche non FDG. Ils auraient préféré que Benoît Hamon s’impose, car ils lui sont reconnaissants d’avoir défait Manuel Valls à la primaire du parti socialiste et ils partagent avec lui la même adhésion à un européisme à tendance eschatologique et une nette méfiance vis-à-vis du côté génie solitaire à la Hugo de JLM. Même si ce bloc tend à se fissurer et les ralliements à se multiplier à l’approche du premier tour, on ne sait pas s’ils seront suffisants pour le propulser au deuxième tour.

C’est pourtant la seule solution pour nous épargner une catastrophique confrontation entre Fillon et Le Pen, que nous nous refuserions pour notre part à trancher.  

(1) https://fivethirtyeight.com/features/the-french-election-is-way-too-close-to-call/

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.