Nichée au creux d'un tout petit village, se trouve une toute petite famille. C'est un de ces village de carte postale, un de ces village dont on rêve quand on vient des décors industriels... un endroit où la nature est maîtresse et où l'homme est petit... un lieu où les espaces sont emprunts de la puissance de la nature. De la rivière à la vallée en passant par les forêts, tout y est pour rappeler à l'homme sa place dans le monde...
Cette petite famille est arrivée au gré des hasards dans cette petite maison, illuminée par tout un tas de rêveries enchanteresses et de bonne volonté. du fantasme à la réalité il n'y a que la concrétisation à traverser...
En visitant la maison avant l'achat, elle demande à l'agent immobilier si l'opportunité de trouver un bout de terrain ou un bout de jardin sera possible. Il est évident que l'homme lui répondra que oui, que dans ce genre de petit village tout le monde à un petit bout de jardin qu'il prêtera ou louera pour une modique somme à une famille arrivante... qu'elle n'a pas à s'en faire pour ça... il est évident que dans ce genre d'endroit tout le monde est content de voir des enfants débarquer! les enfants c'est la vie...
Signons, signons...
elle signe
donc... la voici heureuse propriétaire d'une petite maison au creux de la vallée. Elle met ses deux enfants à l'abris du tourment du logis, du moins dans son esprit... elle se rassure d'avoir un crédit à rembourser beaucoup moins important que tous les loyers qu'on lui demandait... elle étouffait. Elle est maman solo et sa vie quotidienne comprend le comptage quotidien. Parfois au boulot, en réunion, elle monte des projets en parlant des "familles précaires" avec des QF à moins de 400... elle rougit à l'intérieur... elle en fait partie... elle en fait partie et pourtant elle est là à en parler comme si il s'agissait de "ces autres là"... ceux qui sont un peu "hors société'... elle est dans un bureau au conseil départemental, elle réfléchit et participe à la politique publique mais elle fait partie de "ces autres" qui ont un QF de moins de 400... parce que quand tu as des enfants solo, de surcroit en ruralité sans mode de garde, tu bosses pas à temps plein... et t'es mal payée... c'est un boulot où elle s'implique, elle ne compte pas ses heures... elle fait son job.
c'est sûr qu'elle sera un peu loin des services, un peu loin de son boulot, qu'il faudra faire les voyages pour les activités des enfants etc... mais peut être que la vie de village sera chaleureuse et enthousiasmante.
Bon, l'accueil n'est pas des plus avenant, elle sent les gens froids, distants, observateurs... son voisin la surveille, et vient sans cesse l'interpeller sur des détails de voiture garée sur "sa propriété"... il possède 2 metres en bout de parking mais s'offusque de tout véhicule qui stationne... il ne veut ni lui prêter ni lui louer un petit bout de terrain... c'est son droit... ce serait "sentimental"... Elle demande à la mairie sans succès, aucune réponse... Vivre au milieu de friches et ne pas pouvoir en utiliser une lui semble complètement incroyable... nombre de parcelles ne sont pas entretenues, pourquoi ils ne veulent pas lui louer? voilà globalement l'ambiance...
elle s'en fout un peu, elle fait sa vie, elle bosse ... s'occupe de ses enfants etc...
un jour elle rentre chez elle et elle trouve un monsieur un peu voûté, l'air un peu hagard, l'air qu'ont ces gens cachés derrière leur fenêtre... il est devant sa porte à attendre... elle l'invite à entrer et le monsieur lui explique que le village est mort... qu'il ne s'y passe rien et qu'il veut mettre de la vie dans sa commune... elle est touchée par son discours, elle ne se méfie pas...Comme c'est un peu son job elle propose de l'aider... et la voilà partie à réunir le peu d'habitants du village pour monter un collectif et créer des moments de vie dans ce village aux âmes invisibles.
Ca prend.
Des gens viennent..; Des gens originaires et des gens "néo"... ca discute... qu'est ce qu'on pourrait faire? qu'est ce qu'on voudrait faire? et puis une association du village voisin propose de faire venir un marché d'été... une petite animation...
tout se passe dans sa cuisine... la représentante de l'association est installée sur une chaise en bois au milieu de son chez elle. Et la voilà partie à mettre en vie un village mort. Elle pense que ça y'est, ça va se détendre, qu'une nouvelle énergie se met en place...
Chercher des contacts, des artistes, des spectacles, des marchands... chacun y met de son petit répertoire et de ses connaissances. Pour mettre en lumière le village, elle apporte l'idée du village en poésie, avec un parcours qui sera agrémenté de poésies accrochées aux arbres , découvrir le lieu, flaner, marcher.
Elle installera l'idée de la gratiferia, un stand de dons, chacun ira fouiller chez lui pour y mettre quelque chose. Ca prend doucement. Sur une petite centaine d'habitants , plus d'une vingtaine participe au projet. Elle espère impliquer le maximum de personne et créer de nouveaux projets... Elle est pleine d'idée, elle cherche chez chacun ses qualités, ses particularités à valoriser. Au fur et à mesure elle entend toutes ces vieilles histoires et ces vieilles rancoeurs qui habitent dans le coeur des gens. Mettre en place du collectif pour soigner l'histoire...
En accord avec l'ensemble du groupe, elle crée un projet d'association collégiale qu'elle soumet. Son tempérament positif et son énergie naturelle la pousse, elle s'investit réellement. le collectif reprend le comité des fêtes. Tout roule...
mais lors de la réunion de changement de statut, le vent tourne... une voix se fait entendre: "on préfère un système hiérarchique, pas de collégiale"... jusqu'ici personne ne lui avait parlé de cela... mais soit... elle pose la question à l'assemblée... des gênes, des non dits, des regards fuyants...
il semblerait que le choix de l'association traditionnelle trouve ses faveurs... elle accepte...
c'est son métier, elle sait comment ca va finir... dès à présent elle sait que le mouvement va mourir... qu'il va y avoir des querelles. Son idée de collégiale était de mettre tout le monde sur un pied d'égalité... un groupe finances, un groupe activités pour les personnes âgées, un groupe fêtes d'été etc... avec 2 ou 3 référents à chaque fois et des outils de communication et de partage d'informations.
Ils veulent la hiérarchie, le président d'asso du village... ou la présidente... la bataille des ego est lancée... dans un village de 100 habitants, on est quelqu'un quand on est président d'association ou trésorier... cette donnée lui avait complétement échappé... la dynamique de groupe et le travail sur les ego sont compliqués à concilier.
elle s'eclipse petit à petit... elle les laisse faire... elle fait les démarches administratives pour les lancer. Elle crée le facebook, le groupe whatsapp pour permettre la fluidité des échanges. Elle propose 3 affiches qu'elle a peinte à l'aquarelle au vote pour les marchés d'été et elle demande à tout le monde de faire de même. Ses seuls dessins sont présentés, un vote, un choix...
Les membres du bureau étant ses voisines, elle leur propose de réunir les bénévoles avant la saison autour d'une "fête des voisins"... l'idée est retenue ainsi que la date... elle prévient un peu les gens qui vivent autour... un problème... reporté ... l'une des personne du bureau n'est plus disponible... elle annule les voisins...
3 semaines plus tard un bénévole lui apporte un livre et lui lance un "à dimanche!"...
que se passe t il dimanche? il est gêné... "vous n'êtes pas au courant? elles ont organisé la fête des voisins"...
elles auraient "oublié" de l'inviter... elles sont voisines!
elles ont invité l'ensemble des bénévoles et des voisins sauf elle... bon ça arrive...
En se baladant une nouvelle affiche attire son attention, il y a du rouge dessus. elle se demande de quoi il s'agit... C'est l'affiche du marché, une photo de l'église avec des rosiers... fini le dessin aquarelle choisi par l'ensemble du collectif... on lui parlera d'un problème de clarté...
Elle comprend assez rapidement ce qu'il se passe et elle s'éclipse... elles feront leur association comme elles le souhaitent et c'est bien comme ça... elle est bien assez occupée, ses enfants, ses trajets, ses problèmes de santé et sa situation financière compliquée... c'est du jonglage de la vie...
Elle pensait que son implication susciterait une forme d'élan solidaire. Ce fut l'inverse. Etre sur le devant de la scène et apportant une nouvelle énergie a fait d'elle une cible.
Les choix fait par les membres du bureau de l'association on fait fuir quasiment tous les gens qui ne sont pas "des enfants du village".
les "extérieurs" sont utilisés pour certaines de leurs compétences qu'ils partagent volontiers mais dans son village on use les gens d'ailleurs...
dans ce village, on épie, on juge, on harcèle, on ragote, on met des bâtons dans les roues de manière sournoise, on divise pour mieux régner, on musèle etc... elle ignore si c'est parce qu'elle ne s'est jamais vraiment impliquée dans la vie d'un village ou si c'est propre à cet endroit...
Elle connait d'autres petits villages où les energies nouvelles sont accueillies à bras ouverts...
Après analyse, la vérité est que très peu de gens restent là... beaucoup partent... les comportements plombent... un fonctionnement d'entre soi qui étouffe...
on pourrait penser que c'est un village d'irréductibles qui rejettent "les envahisseurs"... on pourrait... on pourrait presque se dire qu'ils sont "résistants". Des résistants aux changements, aux évolutions, aux "autres". Elle vit dans un territoire reculé en 1950. Le temps qui passe et les évolutions de la société n'ont pas imprégné leur vie... ils sont "conservés".
On pourrait aussi se dire que c'est une commune qui se meure... la majorité des maisons sont secondaires, des héritiers du coin qui vivent loin... le peu de maisons habitées l'est par des néo en retraite, charmés par les paysages et l'accessibilité foncière, ou des "irreductibles"...
les neo ne se battent pas, les autochtones se battent contre...
c'est indéniable... tout est orchestré pour faire fuir les nouveaux venus... mais si tous les nouveaux venus fuient, que restera t il de leur village?
leurs enfants et leurs petits enfants sont loin... garder les jeunes qui choisissent de vivre dans leur village devrait être une occasion de partager, d'apprendre, de transmettre... Dans ce petit village niché au creux de la vallée, sachez que ramasser une chataigne, une noix ou une pomme, même sur le bord de la route est un vol. On préfère regarder les fruits pourrir que les donner à des étrangers... marcher quelque part sans regarder le cadastre avant est un risque de menace... vous avez fouler le sol de propriétés privées... ... les méfiances, les aigreurs, les replis sur soi, les lourds silences, l'obsession de la propriété privée et la politique des non dits est le point central...
Elle ne se fie plus au apparences...l'immensité des paysages et la puissance de la nature ne rappelle pas aux hommes leur petitesse en les incitant à la grandeur d'esprit