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Billet de blog 24 avril 2020

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Confinement, Hypocrisie et incompétence gouvernementale

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Une partie de la population suit avec zèle les règles de confinement que le gouvernement a adoptées, une autre partie semblant beaucoup moins encline à les respecter. Cette question clive la société, à tel point qu’on assiste à des pratiques qui n’ont pas été vues à cette échelle en France depuis la seconde guerre mondiale. Des voisins dénoncent des sorties plus fréquentes ou plus longues que ce qui est autorisé, un maire par-ci presse les habitants à dénoncer les manquements à la police, un prefet par-là publie un arrêté qui réquisitionne les chasseurs et garde-chasses un week-end afin de « prévenir et signaler aux représentants des forces de l’ordre » les infractions aux règles locales du confinement (Seine-et-Marne), la police passe de grosses commandes de drones et surveille par tous les moyens mis à leur disposition les “infractions” au réglement défini dans un cadre d’état d’urgence, des contrôles abusifs sur minorités sont filmés, des policiers abusent de leur pouvoir en jugeant par eux-mêmes du niveau de légitimité d’une sortie, certains jugements étant clairement abusifs. Et cerise sur le gâteau, le préfet Lallemant qui se permet de lâcher ces propos hypocrites, stupides et faux: «Ceux qu’on trouve dans les réanimations aujourd’hui, ce sont ceux qui, au début du confinement, ne l’ont pas respecté, c’est très simple, il y a une corrélation très simple. »
La multiplication de ces informations nauséabondes interpelle. Comment ne pas voir cette dérive autoritaire comme une nouvelle manifestation de l’Hypocrisie qui caractérise notre époque et nos gouvernants ? En pleine crise sanitaire mondiale, notre ministre de la santé quitte son poste pour aller secourir dans la capitale la représentation d’un parti politique (qui n’en est pas vraiment un) parce que le candidat désigné à été pris la main dans le caleçon en train de se masturber devant son téléphone. En pleine crise, un conseil des ministres au cours duquel devait se discuter la situation sanitaire finit par l’enterrement du débat parlementaire sur les retraites à coup de 49-3. Ces deux faits, à eux seuls, devraient dynamiter l’éventuelle crédibilité que ce gouvernement pourrait encore avoir aux yeux de ceux qui ont voté pour lui. On peut malheureusement en ajouter d’autres. Ce président a épousé pleinement la dérive néolibérale initiée depuis plus de 40 ans et a continué de détruire le système de santé en privilégiant une gestion comptable de la santé et un management néolibéral laissant plus de place aux administratifs et autres couches organisationnelles fumeuses qu’aux soignants (le nombre de lits de soin pour 100 000 habitants est passé de ~950 en 1979 à ~300 en 2017). Tous les jours, on se demande jusqu’où cette caste pourra aller dans la bêtise et l’ignominie. Entre un Luc Ferry (ancien ministre quand même) qui dit à la police en plein mouvement des gilets jaunes “qu’ils se servent de leurs armes une bonne fois, écoutez, ça suffit”, et un Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes Publics, qui en appelle aux dons pour soutenir les soignants en pleine crise, avouez qu’au delà du caractère ubuesque, on peut légitimement se demander jusqu’où ils peuvent aller ...
Nos dirigeants, Président de la République actuel en tête, sont incapables d’assumer leur politique. Le directeur général de l’Agence régionale de la santé Grand Est (Christophe Lannelongue) a été limogé pour avoir dit qu’il n’y avait « pas de raison de remettre en cause le Copermo pour le CHRU de Nancy » : « Le dossier devait être examiné début juin. Nous aurons quelques semaines de retard mais la trajectoire restera la même en faisant la part du développement de la chirurgie ambulatoire et de la rationalisation des installations en passant de sept sites à un seul … ». Le copermo est un plan d’investissement du gouvernement qui demande une importante contrepartie pour les hôpitaux de Nancy: la suppression de 179 lits et la réduction des effectifs à hauteur de 598 équivalents temps plein d’ici cinq ans. Pensée il y a quelques mois, cette stratégie n’est apparemment plus d’actualité, en tout cas immédiate ... Vous voudriez que nous vous fassions confiance dans votre gestion de crise et dans votre vision de la France de demain?
Les erreurs de stratégie ne s’arrêtent malheureusement pas là. Alors que les masques font partie de la stratégies des pays qui ont accusé le moins de morts dans le monde à travers la quadrature “masqué, testé, tracé, traité”, on apprend qu’une usine de fabrication de masque rentable de Bretagne a été abandonnée par l’état, achetée par une entreprise américaine qui a finalement délocalisé l’usine en Tunisie pour “rationaliser” la production et on l’imagine plaire aux actionnaires. Et en ce moment se joue le sort d’autres entreprises agissant dans le domaine de la santé dont Luxfer (bouteilles d’oxygène médicales), Famar (nivaquine) ou Peters Surgical (sondes). Mais pour le ministère de l’économie, ce ne sont pas des entreprises stratégiques, elles n’entrent pas dans le cadre des 20 milliards d’euros dégagés par le gouvernement pour renforcer les fonds propres. Si on regarde l’histoire et la situation de ces entreprises, on a quand même envie de se dire que ces choix s’inscrivent encore dans une idéologie néolibérale de “l’économie libre”. Encore une raison de vous faire confiance?
La mal-bouffe est orchestrée par les grands groupes agro-alimentaires et les chaînes de “junk food”qui produisent une alimentation industrielle qui nuit à la santé: obésité, hypertension, diabète, 3 maladies chroniques identifiées comme facteurs aggravants significativement la morbidité des malades infectés par le conoravirus (et par d’autres maladies). Ces produits sont vendus à grands coups de marketing en jouant sur les prédispositions de l’Homme pour le sucre, le sel et le gras. Quelle réponse concrète est apportée pour s’adapter à nos modes de vie sédentaire et favoriser la consommation de produits frais et pour faire en sorte que la consommation de produits industriels reste l’exception ? En période de confinement vous préférez fermer d’abord les marchés plutôt que les supermarchés. En signe de reconnaissance envers les agriculteurs, vous visitez le 22 avril une exploitation industrielle de tomates sous serre en Bretagne ...
La terre se réchauffe en faisant planer des menaces multiples sur les sociétés: augmentation des surfaces désertiques, vagues de chaleur à fort potentiel de morbidité, évènements extrêmes destructeurs, perturbations trop rapides des saisons et des écosystèmes, acidification et désoxygénation des océans, ... Vous réunissez les VIPs de toute la planète et vous en sortez en ayant défini des objectifs pour un futur plus viable. Vous surfez sur les effets d’annonce en promouvant le nucléaire (source d’énergie non émettrice de gaz effet de serre) mais vous êtes incapables d’infléchir l’augmentation de la consommation d’énergie, les énergies renouvelables ne venant que s’additionner aux autres sources d’énergie.

La pollution, c’est à dire la perturbation des cycles des éléments chimiques qui ont façonné la vie sur terre, présente de multiples facettes dont on ne maîtrise pas les conséquences. Les métaux lourds comme le plomb ou le mercure de nos appareils non-essentiels s’accumulent jusqu’au prédateurs supérieurs comme les thons que nous mangeons. On estime pour la seule année 2010 que 5 à 12 millions de tonnes de dérivés plastiques issus des résines et des fibres produites par l’industrie ont fini dans les océans alors qu’on commence à peine à étudier l’effet de ces plastiques sur le cycle de vie des organismes vivants. Lors de combats passés, vos prédécesseurs ont laissé les industriels abandonner le principe de consigne, impliquant un surcoût de production, en laissant le coût du recyclage du plastique aux collectivités locales (donc aux citoyens) et en laissant l’augmentation des marges aux actionnaires. Maudites régulations dirait les néolibéraux ...
En plein état d’urgence, vous réduisez les distances d’épandage de produits chimiques par rapport aux habitations. Le productivisme industriel agricole appauvrit les sols, diminue la biodiversité synonyme de résilience, diffuse des maladies inédites, et à force de gaver d’antibiotiques des animaux trop concentrés, des bactéries se sont adaptées et menacent les éleveurs et la population en rendant inefficace les antibiotiques, découverte pourtant majeure de ces deux derniers siècles. La pollution tue de l’ordre de 25 000 personnes par jour dans le monde, les espérances de vie pour les plus pauvres commencent à diminuer dans nos pays “développés”. Avez-vous pris des dispositions à la mesure de ces morts ?
Quels gages nous avez-vous donnés ces dernières années pour que nous vous fassions confiance par rapport à votre gestion de la pandémie actuelle ? Le confinement n’obéit qu’à votre incompétence passée. Face à l’engorgement des hôpitaux, aucune autre solution n’était possible pour sauver des vies. Vous n’êtes pas capable de dire si le port du masque est indispensable, parce que vous savez que vous portez la responsabilité du manque de masques. Vous venez maintenant dire du haut-parleur de votre drone que se promener sur la plage est interdit, que se promener au jardin public est interdit, Ménard démonte les bancs publics de “sa” ville, aller se promener dans les bois, le long de la mer, en montagne, aller surfer, aller grimper, … est interdit. Est-ce que vous ne prendriez pas les gens pour des cons !? Nous sommes des citoyens complexes, nous connaissons nos responsabilités, nos choix de vie s’inscrivent dans un questionnement permanent à choix multiples. Les gens ont compris comment se diffuse un virus, laisser leur une marge d’appréciation personnelle. Vous feriez mieux de faire de la pédagogie qu’à nouveau jouer le rôle du sauveur dans lequel vous n’êtes pas crédible, vos conseillers en communication sont-ils si mauvais qu’ils ne vous le suggèrent même pas?
Il faut tout de même vous remercier pour cette pause que nous offre ce confinement. Nous avons pu nous réapproprier ce temps si précieux l’espace de ces quelques semaines. Ce confinement nous a appris à quel point dédier autant de temps au travail est aberrant. Le vie vaut mieux que ça. Nous avons vécu avec nos proches peut-être comme jamais auparavant, des chaines de solidarité se sont mises en place pour s’occuper des gens absents de la carte de la solidarité étatique, nous avons cuisiné, nous avons bricolé, nous avons jardiné, nous avons dormi tout notre saoul, nous avons dessiné, nous avons écrit, nous avons joué de la musique, parfois ensemble, nous avons lu, nous avons joué, nous avons fouillé les sources d’information pour comprendre ce qui se passait, nous avons recontacté des gens à qui nous n’avions pas parlé depuis longtemps, nous avons essayé de faire de l’exercice et de ressentir nos corps, …
Nous avons compris à quel point nous avions besoin des autres, nous avons compris qu’une bonne partie du temps qu’on passait au travail servait à payer des services qu’il pouvait être gratifiant de faire soi-même, nous avons compris qu’on pouvait se satisfaire de pas grand chose, …
Pourquoi passe-t'on autant de temps au travail déjà? Si c’est pour la croissance, oubliez, on a trouvé autre chose, on va se partager le travail pour dégager du temps, on va fuire les boulots dénués de sens parce qu’on veut conserver notre humanité, on va moins produire et recycler parce que la terre n’en peut plus, on va gagner moins parce qu’on n’a en fait pas besoin de tout ça, et surtout on va niveler les revenus et les biens parce qu’aucune personne ne vaut des milliers, ni des centaines, ni des dizaines de fois une autre, l’actualité nous le montre tous les jours ...

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