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Billet de blog 2 février 2022

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Je suis invisible

Depuis maintenant 2 mois, les travailleurs sociaux sont mobilisés pour exprimer leurs difficultés et leur ras-le-bol d'être considérés comme une variable d'ajustement. Cette mobilisation, pour nos conditions de travail est unique dans l'histoire de notre profession. Si le titre de cette note de blog est « Je suis invisible », c'est du fait de l'absence quasi totale de couverture de notre mouvement par les médias, y compris Mediapart.

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Depuis maintenant 2 mois, les travailleurs sociaux sont mobilisés pour exprimer leur difficultés, leur ras-le-bol d'être considérés comme une variable d'ajustement. Cette mobilisation unitaire, pour nos conditions de travail est unique dans l'histoire de notre profession. La seule fois ou nous nous étions soulevés, c'était en 2007 contre l'avant-projet de loi de prévention de la délinquance. Jamais pour nous-mêmes, et toujours pour nos valeurs... Et si le titre de cette note de blog est « Je suis invisible », c'est du fait de l'absence quasi totale de couverture de notre mouvement par les médias, y compris Mediapart...

Les origines du mouvement actuel ne sont pas seulement liées à la non-prise en compte de nos professions dans les négociations du Ségur. Elles sont liés à la précarisation croissantes de nos métiers. Non seulement les débuts de carrières sont de plus en plus précaires dans leurs formes, mais les non revalorisations des conventions et du points d'indice depuis plus de 10 ans, nous ramènes de plus en plus vers la précarité.

De plus, le secteur est impacté depuis des années par des économies, des mesures de performances des politiques publiques qui ne prennent pas en compte que les être humains que nous accompagnons ne sont pas des objets que nous pouvons upgradés à la chaîne, refontes de conventions au moins disant. Les structures ferment, voient leurs crédits réduits drastiquement. Un conseiller général du PS de Seine Maritime me disait, assez cyniquement, en 2014, quand je l'interrogeais sur les mesures d'économies décidées par le département (PS à l'époque) sur la protection de l'enfance: « vous vous occupez d'un public invisible pour nous, il ne vote pas... ». Et ce discours, ces économies, cette non reconnaissance, il a des répercussions très concrètes sur le terrain, puisqu'il nous rend moins à-même de répondre aux défis quotidiens qu’est l'accompagnement de personnes en difficulté (ce qui est notre lot quotidien).

Concomitamment à cela s'ajoutent les effets des différentes crises qui n'ont eu de cesse de fragiliser nos publics (le covid n'étant que la cerise sur le gâteau, finalement...), une individualisation croissante de la société mais aussi des nouvelles formes de communication (souvent violente) qui participent à cela. 

Mais finalement, mon sujet n'est pas là. 

JE SUIS INVISIBLE !

Notre mouvement a commencé à bas bruit sur les réseaux sociaux, dans nos institutions, et nous avons finalement décidé que trop, c'est trop, quand nous avons constaté que nous étions mis à l'écart des revalorisations promises au secteur, quand nous avons constaté que dans un même établissement, pour un même emploi, nous pouvions avoir un salaire différent... Quand nous avons constaté que la discussion nous concernant seraient reportée à février 2022, que nous avons constaté que malgré notre engagement en 2020, nous n'avions pas de reconnaissance de la part de notre commanditaire, la puissance publique : l'Etat.

Alors le 7 décembre, nous sommes massivement descendus dans la rue. Je ne saurais pas dire les chiffres de notre mouvement ce jour-là, mais sur mon établissement, nous étions plus du tiers de personnel gréviste... Et nous faisions ce constat partout. Alors, vu que c'était une première, que nous avions indiqué, communiqué notre action, on s'attendait à une forme de médiatisation et force est de constater que finalement, pas grand-chose. Un article du Monde, seul média national ayant décidé d'en parler et quelques médias locaux (pas en nombre - en Normandie, juste le paris normandie - ). J'avais alors écrit à plusieurs journaux, dont Mediapart (même pas une brève), et à chaque fois. Soit pas de réponse, soit des réponses alambiquées.

Le 11 janvier, on remet cela avec des collègues soignants et de nouveau, à peu près rien.

Et de nouveau, hier 1er février ! on est forcément moins nombreux qu'au début, puisque notre mouvement fait pshitt dans les médias et que cela revient à montrer à ceux, désabusés, qui n'y croyaient pas trop, qu'ils doivent se résigner. Donc hier, exemple à Rouen, notre cortège de près de 400 personnes fait un parcours dans la ville, passe devant une caméra de France 3 Normandie qui couvrait une manifestation d'un vingtaine d'aide-soignantes de réa ne pouvant prétendre à la NBI. Alors benoîtement, on s'est dit que notre cortège serait couvert, et qu'on allait enfin parler de nous. Bon ben non, et sauf erreur de ma part, rien nulle part et même ici, encore une fois pas une brève.

Alors c'est avec amertume que je revendique : JE SUIS INVISIBLE, au même titre que les personnes que j'accompagne finalement... 

Merci à vous pour cette lecture

Erratum, un média national a produit un article

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