Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.
Du 21 mai au 15 juin, l’Africa Film Festival fait escale à Séoul, Busan et, pour la première fois cette année, Jeonju. Pour sa 7e édition, ce rendez-vous cinématographique orchestré par la Korea-Africa Foundation a pris de l’ampleur : quinze films venus de quinze pays africains, des invités de marque, des échanges avec les réalisateurs, et surtout une belle ambition, montrer l’Afrique autrement. Et ça, ici, ce n’est pas du luxe.
Parce que, soyons honnêtes : chaque fois que je tombe sur une émission parlant de l’Afrique à la télé coréenne, c’est pour voir un spot de type Oxfam — enfants faméliques, regards tristes, slogans tire-larmes. Ces images passent en alternance avec des publicités sur des chiens abandonnés, sauvés puis recueillis dans des refuges. Niveau considération, on a compris. Il y a encore du boulot.
C’est donc avec une vraie curiosité — et une pointe de méfiance — que je me suis rendue au Busan Cinema Center, le temple du très prestigieux BIFF (le Festival international du film de Busan, alias le Cannes coréen). Surprise agréable : les salles étaient plutôt bien remplies. Un public mature, attentif. Pas beaucoup de jeunes, dommage ! Le cinéma africain d’aujourd’hui a pourtant beaucoup à leur dire.
Clap de fin à Busan : le festival y a tiré sa révérence le 1er juin. Il se poursuit à Jeonju du 12 au 15 juin, et j’avoue que j’ai été ravie de découvrir ces films que je n’aurais sans doute jamais vus ailleurs. J’en ai vu quatre — très différents, mais tous porteurs d’émotion, d’humour, de profondeur.
Film d’ouverture à Busan. Quatre femmes de Dar es-Salaam liées par leur capacité à traverser l’adversité. La réalisatrice, présente pour échanger avec le public, a dit quelque chose qui m’est resté :
« Je voulais que mes personnages féminins trouvent la paix, plutôt que ce bonheur fuyant. » Elle évoque aussi les rapports de genre : des jeunes femmes conscientes de leur force, et des jeunes hommes de plus en plus conservateurs, comme s’ils avaient peur qu’on leur retire quelque chose.
Un retour sensible et visuellement somptueux dans le Tétouan des années 1950. Deux jeunes filles, entre modernité et tradition, musique andalouse et cinéma Avenida, font face aux règles et pressions sociales. Un film qui célèbre aussi l’architecture, les étoffes et les gestes oubliés. de ce Maroc d'antan.
Un vieux pêcheur confronté à la retraite, une aventure vers Accra avec… un poisson qui parle ! Drôle, décalé, profondément attachant. Et une belle ode à l’amitié, aux rêves et à l’adaptation au changement. Le film était sélectionné à la Biennale de Venise 2024, et ce n’est pas un hasard.
Une comédie douce-amère sur la vieillesse, la solitude, et cette envie tardive de donner du sens à sa vie. Mahmoud, retraité discret, décide d’ouvrir un magasin de photocopies et redécouvre la vie au contact d’une voisine. Peut-on encore croire à l’amour et au renouveau, même usé, veuf et malade ? Une tendre parabole.
Ce festival, lancé en 2019, poursuit une mission simple mais essentielle : briser les clichés et rendre visibles des récits africains riches, subtils, et profondément humains. Le programme, concocté en collaboration avec le Groupe des Ambassadeurs africains en Corée, explore des genres variés, documentaires, drames, thrillers, comédies, et témoigne de la vitalité du 7e art sur le continent.
Mais avant que vous ne pensiez que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes du dialogue Corée-Afrique, petit retour en arrière : l'année dernière, en marge du premier sommet Corée-Afrique, un ponte d’une organisation culturelle coréenne, bien connue pour ses événements africains, m’a déclaré sans détour, au cours d’un échange : C’est bien connu, les Africains aiment toujours se plaindre. Voilà. Décomplexé, condescendant, un tantinet raciste. Sur le moment, j’en suis restée bouche bée.
Et pourtant… je continue d’y croire. Parce que ce festival existe. Parce qu’il se développe. Parce qu’il donne à voir une Afrique vivante, complexe, rieuse, digne. Parce qu’il crée des ponts, ou tente de le faire. Et parce qu’il montre que l’Afrique n’est pas un décor humanitaire : c’est un continent de récits puissants.
Alors oui, longue vie à l’Africa Film Festival. Et espérons qu’un jour, les jeunes coréens viendront eux aussi voir ce que le continent africain a à raconter. Et qu’ils en ressortiront, pourquoi pas, un peu changés.
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