À travers les œuvres de peintres comme Sin Yunbok et Kisan, l'exposition « Noli : jeux coréens » nous dévoile les plaisirs simples et les divertissements raffinés qui ont ponctué la vie des Coréens depuis des siècles. Partons à la découverte de l’univers de ces deux artistes majeurs de l’histoire de la peinture coréenne, qui ont brillamment illustré cet art de vivre unique.

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Sin Yunbok : le peintre de l'intimité
Sin Yunbok, ou Hyewon, figure parmi les plus grands maîtres de la peinture de genre de la période Joseon en Corée. Né vers 1758 au sein d'une famille aristocratique, il a hérité d'un talent artistique qu'il a patiemment cultivé. Son œuvre, riche et variée, témoigne d'une sensibilité aiguë et d'un regard acéré sur la société de son temps.
Un chroniqueur de la vie quotidienne
À travers ses peintures, souvent réunies dans l'Album de Hyewon, Sin Yunbok offre un aperçu intime de la vie des courtisanes, des aristocrates et des simples citoyens de Séoul. Ses compositions, d'une grande finesse, révèlent une maîtrise parfaite des techniques picturales. Il excelle dans la représentation des figures humaines, capturant avec justesse les expressions, les attitudes et les émotions de ses modèles. Les scènes qu'il dépeint sont souvent empreintes d'une sensualité subtile, voire d'un érotisme assumé, ce qui le distingue de ses contemporains.
Un style unique
Le style de Sin Yunbok se caractérise par une palette de couleurs vives et par un trait délicat. Il utilise fréquemment des techniques mixtes, combinant l'encre et l'aquarelle. Ses compositions sont souvent très denses, mais l'artiste parvient à créer une impression de légèreté et de fluidité. Son goût pour le détail est remarquable, et il ne néglige aucun élément du décor, qu'il s'agisse des vêtements, des objets ou des paysages.
Un héritage inestimable
L'Album de Hyewon est considéré comme un trésor national en Corée. Il constitue un document précieux pour l'étude de la vie quotidienne à la fin de la période Joseon. Grâce à Sin Yunbok, nous pouvons aujourd'hui revivre les plaisirs, les peines et les espoirs des Coréens du XVIIIe siècle. Son œuvre a exercé une influence considérable sur les générations suivantes de peintres coréens, et il est considéré comme l'un des grands maîtres de l'histoire de l'art coréen.

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Kim Jun-geun (Kisan) : le gardien des traditions
Kim Jun-geun, plus connu sous son pseudonyme artistique Kisan, est une figure marquante de la peinture coréenne de la fin du XIXe siècle. Vivant à une époque de profondes mutations, marquées par l'ouverture de la Corée au monde extérieur et l'industrialisation naissante, Kisan a choisi de se tourner vers le passé, célébrant dans ses œuvres les traditions et les coutumes d'une Corée qui disparaissait progressivement.
Un gardien de la mémoire
À travers ses peintures, souvent réalisées à l'encre et en couleurs, Kisan nous offre un précieux témoignage de la vie quotidienne des Coréens à la fin de la dynastie Joseon. Ses compositions, généralement de petite taille, représentent des scènes de genre variées : danses traditionnelles, jeux d'enfants, activités artisanales, paysages bucoliques... Ces tableaux, empreints d'une grande poésie, nous transportent dans un monde où le temps semble s'être arrêté.
Un artiste à contre-courant
Alors que la Corée se modernisait à grands pas, Kisan a choisi de résister à cette évolution. Plutôt que de représenter les nouvelles technologies et les modes de vie occidentaux, il a préféré s'attacher à préserver l'âme de la Corée traditionnelle. Ses œuvres, réalisées à une époque où les peintres occidentaux étaient de plus en plus sollicités pour représenter les pays exotiques, répondaient à une demande de "souvenirs" authentiques.
Un artiste méconnu
Malgré l'importance de son œuvre, on sait peu de choses sur la vie personnelle de Kisan. On sait cependant qu'il était actif dans les ports de Busan et de Wonsan, des lieux de passage privilégiés pour les étrangers. C'est là qu'il a vendu ses peintures à des marchands, des diplomates et des collectionneurs occidentaux. Ses œuvres sont aujourd'hui dispersées dans de nombreux musées et collections privées à travers le monde.
Une œuvre au service de l'identité coréenne
L'œuvre de Kisan est bien plus qu'une simple représentation de la vie quotidienne. C'est un véritable hymne à la Corée traditionnelle. En choisissant de peindre les scènes de la vie rurale et les coutumes ancestrales, Kisan a contribué à forger une identité nationale coréenne à un moment où le pays était confronté à de nombreux défis.

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Le Bangpaeyeon : un cerf-volant chargé d'histoire
Mais l'exposition "Noli" ne se limite pas à la peinture. Elle vous invite également à découvrir l'un des symboles les plus emblématiques de la culture coréenne : le Bangpaeyeon, le cerf-volant traditionnel. Ce rectangle de papier tendu sur une armature de bambou, percé d'un trou central pour mieux capter le vent, est bien plus qu'un simple jouet.
Le Bangpaeyeon est chargé d'histoire. Utilisé à l'origine à des fins militaires, il est devenu au fil des siècles un objet de loisir et un symbole de la culture coréenne. Chaque année, lors de la fête de Jungwoldaeboreum, les Coréens lancent leurs cerfs-volants dans le ciel, chargés de vœux et d'espoirs.
Rhee Kitai : un artisan d'exception au service du patrimoine
Parmi les artisans qui perpétuent la tradition du Bangpaeyeon, Rhee Kitai occupe une place à part. Ce maître-artisan, issu d'une longue lignée de fabricants de cerfs-volants, a consacré sa vie à préserver ce savoir-faire ancestral. Son atelier, l'un des derniers en son genre, est un véritable sanctuaire où le temps semble s'être arrêté.
En 2023, le projet "Bottega for Bottegas" de Bottega Veneta a reconnu l'exceptionnel savoir-faire de Rhee Kitai, mettant ainsi en lumière l'importance de préserver les métiers d'art traditionnels.
Une exposition interactive
« Noli : jeux coréens » ne se contente pas de présenter des œuvres d'art. Elle propose également de participer à des ateliers créatifs, de découvrir des jeux traditionnels et de vous immerger dans l'univers du e-sport, qui a fait de la Corée du Sud une véritable puissance mondiale du jeu vidéo.
C’est une exposition à ne pas manquer pour tous ceux qui s'intéressent à l'art, à la culture coréenne ou simplement à l'histoire des jeux.
Infos pratiques :
- Où ? Centre culturel coréen, 20 rue La Boétie, 75008 Paris
- Quand ? Jusqu'au 5 octobre 2024
- Entrée libre