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Billet de blog 11 mai 2025

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Élection présidentielle en Corée du Sud : Rififi chez les conservateurs

À trois semaines de la présidentielle, le Parti conservateur sud-coréen (PPP) s’enlise dans un feuilleton absurde : tentative de renversement interne, éviction nocturne, putsch raté… La droite coréenne, plus divisée que jamais, affronte le favori Lee Jae-myung. Retour sur une semaine de chaos politique à Séoul.

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Illustration 1
Le candidat présidentiel du Parti du pouvoir du peuple (PPP), Kim Moon-soo (à dr.), et l'ancien Premier ministre, Han Duck-soo, se prennent dans les bras au QG de campagne du premier à Yeouido, à Séoul, le dimanche 11 mai 2025 © Yonhap News

Il y a des films qu’on regarde en se disant : « C’est trop gros, ça ne peut pas arriver dans la vraie vie. » Et pourtant… Le Parti conservateur Le Pouvoir au Peuple (PPP) de Corée du Sud vient de nous offrir un scénario digne d’une série politique dystopique. Intrigues de couloir, trahisons nocturnes, putsch avorté à 3 heures du matin… le tout à trois semaines de l’élection présidentielle du 3 juin.

Le décor est planté : après le psychodrame de la loi martiale imposée par l’ancien président conservateur Yoon Suk Yeol, puis sa destitution, la Corée du Sud s’apprête à élire un nouveau président. Mais du côté du PPP, la partie est tout sauf limpide.

Illustration 2
Former Labor Minister Kim Moon Soo won the nomination as the presidential election candidate during the People Power Party's convention in Goyang, South Korea © Ahn Young-joon/AP Photo

L’histoire commence avec Kim Moon-soo, ancien ministre, conservateur tendance « dure comme le roc », élu candidat officiel du PPP le 3 mai. Une victoire courte mais nette. On pense l’affaire pliée, la campagne peut commencer. Mais voilà, certains caciques du parti, nostalgiques de l’ordre et de la discipline à l’ancienne, ont décidé que Kim n’était peut-être pas… leur présidentiable idéal. On murmure que son image d’ultra-conservateur et ses sympathies à peine voilées pour l’ex-président déchu leur donnaient des sueurs froides.

Qu’à cela ne tienne ! Place à Han Duck-soo, ancien Premier ministre et technocrate respecté, mais dont la candidature, annoncée en solo après sa démission surprise le 1er mai, a été accueillie par les Coréens avec la même tendresse qu’on réserve à un bulgogi trop cuit : plus de 60 % d’opinions défavorables.

S’ensuit un ballet surréaliste : la direction du PPP tente une fusion express entre Kim et Han. Kim, stoïque, dénonce une « fusion forcée » et refuse de plier. Alors, dans la nuit du vendredi 9 mai au samedi 10 mai, les dirigeants décident de changer de candidat… entre 3 h et 4 h du matin ! Han s’empresse de s’inscrire, croyant avoir remporté la couronne en douce.

Coup de théâtre : les membres du parti votent et renvoient Han à ses pénates. Kim est rétabli candidat officiel. Han, bon joueur malgré la claque, se retire : « Je respecte la décision du parti », déclare-t-il, la dignité sauve mais l’aura sérieusement écornée.

Illustration 3
Le président par intérim sud-coréen Han Duck-soo s’exprime lors d’une conférence de presse au complexe gouvernemental de Séoul, en Corée du Sud, le 1er mai 2025 © Hong Hae-in/Yonhap via AP

Entre-temps, les observateurs internationaux s’arrachent les cheveux : comment un grand parti peut-il organiser un putsch aussi maladroit ? Même les voix internes s’indignent : Han Dong-hoon, ancien leader du PPP, ironise sur Facebook : « Même la Corée du Nord n’oserait pas une telle manœuvre antidémocratique… » Ambiance.

Le mal est fait. La droite coréenne, déjà fragilisée par la chute de Yoon Suk Yeol, sort de cette tragicomédie divisée, ridiculisée et privée de toute dynamique d’union face au favori des sondages, Lee Jae-myung, du Parti démocrate (DPK), qui lui aussi a du souci à se faire. Mais ce sera l’objet d’un prochain billet.

Pendant ce temps, Kim Moon-soo, seul rescapé de la débâcle, tente de rallier autour de lui une droite fracturée. Mais ses positions radicales et son absence de mea culpa sur l’épisode de la loi martiale de décembre dernier laissent peu d’espoir. Les centristes fuient, les modérés soupirent, et même les conservateurs purs et durs s’interrogent : est-ce vraiment cela, notre champion ?

En conclusion, une question s’impose. Guy Mollet affirmait jadis : « La droite française est la plus bête du monde. » Peut-être. Mais à la lumière de ce vaudeville politique version séoulienne, il serait peut-être temps de réévaluer le classement. La droite coréenne tient-elle une sérieuse candidate au titre ?

À suivre, le 3 juin, dans l’épisode final de cette farce présidentielle.

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