Je voulais me rappeler non pas seulement de l’actrice inoubliable, mais aussi de l’icône de mode : celle qui a réactualisé à sa manière le masculin/féminin, héritage de figures comme Katharine Hepburn ou Marlene Dietrich, et qui l’a fait traverser les générations avec une liberté aussi affirmée dans ses vêtements que dans son jeu.

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L’actrice qui a fait du doute un art
Diane Keaton, c’est Le Parrain (1972) qui nous la révèle, dans le rôle de Kay Adams, la femme de Michael Corleone, celle qui regarde le pouvoir et la corruption de l’intérieur, sans jamais y appartenir vraiment.
Mais c’est Annie Hall (1977), qui la propulse dans la légende. Ce rôle lui vaut l’Oscar de la meilleure actrice et crée une figure nouvelle : la femme intelligente, drôle, un peu perdue, mais farouchement libre.
Diane Keaton, c’est un peu l’anti Hollywoodienne par excellence : pas de glamour figé, pas de séduction calculée, juste une vérité désarmante, une manière d’être soi, avec ses hésitations, ses « giggling » (rires nerveux) et son regard pétillant.

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Le cinéma d’auteur “grand public” : un paradoxe délicieux
Diane Keaton appartient à une génération d’acteurs nés au cœur du Nouvel Hollywood, un mouvement nourri par l’esprit de la Nouvelle Vague française, en cette période des années 1960–70 où des réalisateurs comme Coppola, Scorsese, Altman ou Woody Allen redéfinissaient les codes hollywoodiens : moins de héros parfaits, plus d’âmes en bataille.
Mais là où d’autres choisissaient la violence, elle choisit le verbe.
Avec Woody Allen, elle devient la muse d’un cinéma d’auteur grand public, cette drôle d’hybridation entre la comédie romantique, la psychanalyse et le drame existentiel new-yorkais, la neurotic romantic film comme disent les Américains.
Ce n’est ni du divertissement pur, ni du film d’art et essai : c’est un cinéma où l’on rit, pense, doute et aime, souvent tout à la fois.
Elle en est la figure tutélaire, comme Meryl Streep, Goldie Hawn ou Sally Field à la même époque : des femmes qui ont imposé l’idée qu’on pouvait être belle, complexe, intelligente et populaire. Tout ça dans la même phrase.
L’icône de mode la plus “mal habillée” du monde
Ah, le style Keaton.
Tout le monde se souvient du look Annie Hall : pantalon large, chemise d’homme, cravate lâche, gilet trop grand et chapeau fedora.
Un désastre, disaient certains critiques de mode à l’époque. Une révélation, diront toutes les générations suivantes dont je suis.
Diane Keaton n’a jamais suivi les tendances, elle les a (re)créées par accident. Elle osait mélanger les genres : tailleurs d’homme, jupes longues, chemises blanches à poignets roulés, redingotes corsetées et ces chapeaux qu’elle ne quittait presque jamais.
Même sur les tapis rouges, elle restait elle-même : pas de robe moulante, pas de faux sourire, juste Diane, dans son armure de tweed et sa confiance tranquille.
Sa mode, c’était une attitude : celle de l’anti-pose, du refus du regard normatif. En un mot, une élégance sans séduction obligatoire.

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Ce qu’elle nous laisse
Le cinéma de Diane Keaton, c’est celui de la spontanéité et de la pensée légère, un art rare aujourd’hui, à l’heure où tout semble calibré, marketé, prévisible.
Il n’est pas anodin que son film préféré ait été Tout peut arriver (Something’s Gotta Give, 2003). Aux côtés de Jack Nicholson, elle formait un duo irrésistible : deux acteurs qui, par bien des aspects, se ressemblaient, drôles, désinvoltes, fantasques, un brin cabossés par la vie, mais profondément libres.
À l’heure du formatage tous azimuts, Diane Keaton restait une originale au sens vrai : une femme libre, drôle, sincère et follement créative.
Elle incarnait la preuve qu’on peut être iconique sans jamais chercher à l’être.