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                    Leila Hossein (interprétée par Arienne Mandi) et son entraîneuse Maryam (Zar Amir Ebrahimi, également coréalisatrice) débarquent aux Championnats du monde de judo avec un rêve brûlant : décrocher l’or pour l’Iran. Mais comme dans un jeu d’échecs où chaque coup compte, le régime iranien leur impose une contrainte insoutenable : abandonner face à une potentielle adversaire israélienne. Simuler une blessure, sauver les apparences, voilà l'ordre. Mais à quel prix ?
Un noir et blanc, sans compromis
Visuellement, Tatami nous plonge dans un univers en noir et blanc, rappelant les grands classiques. Ici, l’absence de couleur transcende le simple effet esthétique ; elle cristallise une lutte intemporelle, celle de la femme contre l’oppression. Le choix du noir et blanc s’impose comme une déclaration : ces combats, qu’ils soient physiques ou symboliques, ne sont ni nuancés ni estompés par les compromis. Le grain de l’image devient alors une métaphore des aspérités de cette bataille interne et externe.
Les scènes de judo, en particulier, se déploient avec une précision clinique, dynamisme et intensité. On est pris dans les chutes, les prises et les étranglements, jusqu’à ressentir chaque impact.
Des actrices qui crèvent l’écran
Le véritable atout du film, cependant, réside dans les performances magistrales des deux actrices. Arienne Mandi incarne une Leila déchirée, piégée dans un étau où sa liberté et celle de sa famille se heurtent à ses ambitions sportives. Mandi capte chaque nuance de cette tension intérieure, ce poids qui alourdit chacun de ses mouvements. Zar Amir Ebrahimi, quant à elle, apporte une profondeur à Maryam, l’entraîneuse pragmatique, elle-même victime et complice de ce système répressif. Ensemble, elles forment un duo dont la relation, empreinte de douleur et de tendresse, nous saisit dès les premières scènes.
Le piège du manichéisme
Pourtant, si le film brille dans sa forme, il trébuche parfois sur son fond. Tatami tombe, un peu trop facilement, dans un manichéisme simplificateur. Les bons, incarnés par l’Occident, et les méchants, ces Iraniens sous l’emprise du régime des mollahs. Ce schéma, bien qu’efficace pour certains moments de tension dramatique, finit par affaiblir la subtilité de l’ensemble. On regrette que la complexité de la situation iranienne ne soit pas davantage explorée.
Le contexte politique iranien actuel, avec les protestations du mouvement Femme, Vie, Liberté, rappelle à quel point la question des droits des femmes est brûlante en Iran, et le film s’inscrit parfaitement dans ce sillage. Depuis des décennies, la République islamique impose ses diktats sur la participation des sportives iraniennes aux compétitions internationales. On se souvient de l’athlète de taekwondo Kimia Alizadeh, première femme médaillée olympique iranienne, qui a quitté son pays en dénonçant les pressions insoutenables exercées sur elle par le régime. En 2022, l’Iran avait même failli être exclu des compétitions internationales en raison des restrictions imposées à ses athlètes féminines.
Tatami fait écho à toutes ces histoires de courage. C’est un film qui, sans le dire ouvertement, nous parle de ces femmes qui, par leur seule présence, défient les règles. Parce qu’au fond, la vraie rébellion, c’est d’oser exister, d’oser se battre, même quand tout semble perdu d’avance.
Un thriller captivant, mais déséquilibré
Ce que Tatami parvient à faire, c’est de capturer cette sensation d’étouffement, de claustrophobie, dans un huis clos oppressant. Le temps semble s’écouler au rythme des décisions impossibles que Leila doit prendre, et la caméra, nerveuse, capte chaque hésitation, chaque frisson de doute. On reste cependant sur notre faim en ce qui concerne les nuances géopolitiques : les auteurs semblent avoir troqué la complexité de la réalité pour une allégorie un peu trop tranchée.
 
                 
             
            