À l'approche du vote du 3 juin, la Corée du Sud nous sert un spectacle électoral mêlant stratégie et règlements de comptes en direct sur les plateaux télé. Dernier épisode en date : un deuxième débat télévisé où les invectives ont largement éclipsé les questions sociales.
Mais qui sont les prétendants à la Maison Bleue ? Petit tour de table…
Lee Jae-myung (Parti Démocrate – DPK)
C’est le favori, un mélange de Mélenchon techno-compatible et de social-démocrate sud-coréen. Il veut une "société basique" : logement public, revenu universel (même s’il ne dit plus le mot), semaine de 4,5 jours, santé gratuite, aides aux zones rurales.
Mais derrière le programme généreux, une image controversée : plusieurs affaires judiciaires, une réputation de stratège rugueux, et une vie personnelle devenue arme de campagne.
Au dernier débat, il a tenté un hommage à Roh Moo-hyun (ancien président emblématique sud-coréen, mort en 2009), histoire de rappeler qu’il a lui aussi une fibre républicaine. Pas de chance, Kim Moon-soo l'attendait aux entournures.
Kim Moon-soo (Parti du Pouvoir au Peuple – PPP)
Lui, c’est un peu le Bayrou de droite, avec des ambitions gaulliennes : président modeste (trois ans de mandat), moralisation de la vie politique, réduction du nombre de députés, et grand nettoyage judiciaire.
Mais sous ses airs républicains, il cogne dur. Très dur. Reste à voir si la brutalité séduit encore les électeurs, surtout après des mois d'incertitudes politiques provoquées par un président issu de son propre camp.
Au débat, il a attaqué Lee non seulement sur ses affaires, mais aussi sur sa famille, évoquant une vieille histoire où Lee aurait tenté de faire interner son frère. Oui, on en est là…
Kim se rêve en homme de la restauration morale et économique … à condition que son électorat n’ait pas coupé le son pendant ses coups bas télévisés.
Lee Jun-seok (Parti de la Réforme – RP)
C’est un peu le Macron coréen, version libertarien jeune premier. Il veut tout déréguler, supprimer les taxes inutiles, transformer Séoul en Silicon Valley et attirer les sièges sociaux du monde entier.
Il refuse toute fusion avec Kim Moon-soo, malgré ses appels du pied, et joue la carte du "je suis jeune, propre, brillant et je fais les choses autrement".
Pendant que les deux autres s’écharpaient en direct, il est resté calme, technophile, stratège.
S’il ne l’emporte pas cette fois, il prépare clairement la suite.

Kwon Young-gook (Parti Démocratique du Travail de Corée)
Le Besancenot coréen. Ancien avocat des travailleurs, vétéran des manifs, toujours en première ligne des luttes sociales, il affiche une sincérité désarmante dans une société minée par l’individualisme.
Il propose de taxer les riches, d’imposer une loi antidiscrimination, d’écologiser l’économie, et de renforcer les services publics.
Il n’a pas percé dans les sondages (1 % à peine), mais ses interventions marquent : carton rouge à Trump, refus de serrer la main à Kim, plaidoyer pour l’unité populaire …
Le genre de candidat qu’on n’élit pas… mais qu’on écoute. Ou qu’on redoute, selon les cases qu’on coche dans l’isoloir.
Et maintenant ?
Les sondages restent serrés : Lee Jae-myung perd quelques points, Kim Moon-soo gagne du terrain, Lee Jun-seok stagne autour des 10 % mais pourrait bien jouer les faiseurs de roi… ou de chaos, et Kwon ne pèse que 1 % dans les sondages, mais il dérange. Et parfois, une voix dissonante suffit à réveiller les consciences.
Le débat de vendredi n’a pas éclairci les programmes, mais il a confirmé une chose : ici comme ailleurs, plus c’est clivant, plus ça fait de l’audience.
Verdict le 3 juin. Et comme toujours en politique, c’est le résultat qui compte.