Pourtant…
Pourtant nous savons tous les crimes, toute la misère orchestrée et toutes les larmes que personne ne veut voir.
Pourtant nous connaissons l’obscurantisme qui a pris la place de l’éducation et de l’instruction, l’intégrisme qui fait office de loi et la souffrance des femmes, premières victimes au sein d’idéologies fomentées par des hommes.
Pourtant nous voyons les guerres, les ruines, les massacres et les cadavres.
Pourtant nous mémorisons les noms des despotes, des tyrans et des dictateurs et nous sommes au courant de leurs liens complices avec nos gouvernants, nos transnationales et nos banquiers.
Pourtant nous avons vu les enfants au fond des mines de métaux rares, les gaz répandus sur les civils, les bombes raser des quartiers et les camps de réfugiés grands comme des villes.
Pourtant nous mesurons la corruption de nos élites et la lâcheté de nos politiques, le pragmatisme criminel du Grand Marché et les profits électoraux de charognards en embuscade.
Pourtant nous avons entendu les témoignages, les cris d’effroi et les chagrins inconsolables.
Mais…
Mais nous préférons nous en prendre aux victimes, aux plus faibles, aux miséreux, à ceux qui n’ont d’autres choix que de partir d’enfers où le hasard les a fait naître.
Mais nous transférons sur eux nos peurs et nos haines parce que c’est moins risqué que de demander des comptes aux milliardaires faiseurs de rois, possédant les médias, la puissance publique et la répression policière qui va avec.
Tranquillement installés dans une routine consumériste et rassurante, alimentée par les miettes tombées de festins que nous contemplons de loin alors que nous les avons financés, nous nous trompons systématiquement de cible.
Une cible qui se fait racketter, qui se fait violer, qui se noie, qui survit sous des ponts d’autoroutes et que la plupart d’entre nous méprise, sous les injonctions de ceux qui organisent le délabrement de nos vies.
Ce que fuient ces êtres humains, ce sont des pays en guerre, ce sont des pays mis en coupe réglée par des dynastie de dictateurs en meilleurs termes avec nos capitaines d'industrie et nos élus, ce sont des famines et des théocraties sanguinaires, c'est la misère endémique et des sécheresses stérilisatrices. C'est un esclavage 2.0 au service de nos technologies de pointe et un mortel déséquilibre au profit de nos pays riches et au détriment des pays pauvres.
Le malheur et la pauvreté ne sont pas un crime mais nous en sommes à traiter leurs victimes comme des criminels.
Pourtant...
Pourtant notre responsabilité est immense car nous avons laissé une poignée de psychopathes piller les ressources immenses de ces pays. Nous avons laissé de pauvres gens crever de faim et de soif sur un tas de richesses accaparées par d'autres, y compris par nous. Nous les avons abandonnés aux bombes, aux massacres, aux déplacements forcés par avidité économique et pragmatisme obscène.
Ils ne cherchent pas l'exotisme, ils ne cherchent pas un eldorado, ils ne cherchent pas à coloniser. Ils cherchent juste à fuir une vie qui ne vaut rien, l'insupportable quotidien, la peur et la misère.
Tous nos miradors, tous nos barbelés, tous nos murs n'y changeront rien...
