C’était il y a 12 ans, mais pour lui, c’était hier. Olan (la plupart des prénoms ont été modifiés à la demande des personnes) a toujours en tête les longues marches nocturnes à travers ce qu’il appelle les « djangals » françaises, les forêts en persan, à suivre cet homme, un passeur, « froid, Kurde comme moi, mais avec qui je ne parlais jamais ».
Gravés dans sa mémoire, aussi, ces ordres auxquels « il faut obéir sans répondre » : « Silence », « Tourne ici », « Monte ». Surtout, ce réfugié iranien, actuellement au Royaume-Uni, se souvient « des territoires ». « Le premier jour, un chauffeur de camion nous a laissés, avec d’autres migrants, sur un parking à Dunkerque. Le passeur qui nous attendait a dit : “C’est mon territoire, ça m’appartient.” Entre Calais et Dunkerque, chacun avait “son territoire” et ce n’étaient jamais des Français. » ....