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Billet de blog 15 juillet 2009

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Journal de campagne 2

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Mardi 7 juillet

Levée à 7h00 du matin, Nasir du Congrés National doit venir me rendre visite à 8h00. Il arrive à l’heure chargé de vivres, il m’apporte de l’eau minérale et des sodas. Il vient de la part de Latif qui veut savoir une fois de plus si tout va bien pour moi, si je me trouve bien ici et si je ne rencontre aucune difficulté.

Non décidement, tout va bien! Je veux seulement savoir ce qui va se passer pour moi dans les minutes, les heures et les jours à venir! Je commence à perdre patience et j’insiste à nouveau auprès de Nasir sur le fait que je voudrais commencer à suivre la campagne.

Nasir me fait savoir que peut être Latif partira demain pour commencer sa campagne dans la province de Kapisa…..

Pour l’instant il ne peut en aucun cas m’assurer une rencontre avec Latif.

Je lui propose alors en attendant de rencontrer leur chargé de communication Monsieur Ajmal Balouchzada.

Nous convenons le jour même d’un rendez vous.

Il est 13h00, Ajmal m’attends dans le jardin de la maison d’hôte, enfin je vais en savoir un peu plus quant au déroulement de cette campagne……

Ajmal est âgé d’une trentaine d’année, il est ingénieur de formation mais travaille en ce moment dans le milieu de la presse et de la communication, il m’explique que cela le passionne. Ajmal dénote complètement de ces compatriotes afghans que je connais à Paris. Grand et fin, il semble plutôt sortir d’une école européenne d’architecture ou de management. Il me propose d’aller rencontrer le membres de la Fondation “Armanshahr” ou Open Asia dont il est lui aussi un membre actif. C’est une association citoyenne oeuvrant en faveur d’une culture démocratique et des droits de l’homme.

Nous nous y rendons en taxi. La Fondation se trouve quelque part de l’autre côté de la ville. Ajmal me dit que nous n’allons pas loin du cimetière des anglais, celui qui héberge les soldats britanniques d’un autre siècle, d’une autre guerre. Je ne saurais donner une adresse exacte ni la situer étant donné qu’à Kaboul très peu de rue affiche un nom Il n’y a même pas de numéro à l’entrée des maisons. C’est donc difficile de se déplacer tout seul sans repère…..

Je rencontre les membres de la Fondation Armanshahr qui sont fort occupés La directrice , Shourangiz après avoir terminé d’écrire son mail m’explique les missions de la fondation qui fonctionne avec 7 permanents.

La plupart du temps la Fondation édite des ouvrage sur les droits de l’homme et la question épineuse de justice transitionnelle et les droits des victimes enfin tous ce qui touche à la citoyenneté, elle encourage et soutient les femmes dans leur revendications sociales et politiques et organisent tous les mois, 38 débats à ce jour, à Kabul et à Herat, des débats autours des questions contemporaine de société. Ces débats démocratiques rallient la jeunesse et les étudiants, les activistes de la société civile et les spécialistes.

Pendant cette période électorale Shourangiz m’explique qu’ils lancent avec d’autres groupes de femmes et d’associations un appel qui se nomme la Campagne de 50% afin de diffuser les revendications des femmes à destination du futur président et d’autres élus. Celles-ci représentent environ 42 % des inscrits sur les listes électorales.

Voici l’objet de ces revendications inscrites par un groupe de femmes activiste.

-l’Egalité des sexes, qui est la base d’un système démocratique reposant sur des droits bannissant la violence la pauvreté et l’injustice.

-La condamnation de toute négociation avec des groupes armés ou auteurs de crimes de guerre.

-Des propositions devront être apportés dans les programmes des candidats concernant-la mise en place de mesures visant à maintenir des solutions de paix durable.

-La garantie pour les femmes de pouvoir être protégées dans les domaines touchant l’emploi, le marriage et la justice.

-L’Abolition des lois favorisant la discrimination des femmes .

-Permettre aux femmes de jouer un rôle décisionnel et actif dans le monde politique au même titre que les hommes.

-Faciliter l’accès à l’emploi et mettre en place un système de protection pour les femmes veuves ou atteintes de problèmes de santé.

- Leur faciliter l’accès aux soins médicaux .

La Fondation ne manque pas d’idées et d’initiatives mais fonctionne avec trés peu de moyens.

Cet après midi par exemple Ajmal devra se rendre chez un certain nombre de candidats présidentiels afin de leur remettre en main propre l’invitation au

débat « Face à Face » que la Fondation organise qui aura lieu le lendemain entre trois candidats aux futurs élections présidentielles.

Kaboul ne possède pas de poste. La distribution du courrier est inexistante.

Je décide de suivre Ajmal dans son entreprise. Nous sillonneront la ville en voiture pendant 4 heures pour distribuer 6 invitations.

Chaque entrée des bureaux des candidats (lorsqu’ils en possèdent un) ou des demeures dans des ruelles étroites et non asphaltées de la ville, est soigneusement protégée par des gardes du corps en uniformes tous armés de kalachnikovs. Au début le dispositif fait impression, mais il suffit de passer le pas de la porte après une fouille au corps scrupuleusement opérée par un des gardes, pour se rendre compte du burlesque de la situation.

L’accueil est opéré selon des protocoles extrêmement précis. Tout réside dans les apparences

Un secrétaire ou un homme de main ou même selon le cas un membre de la famille nous accueille et nous convie à passer dans le salon destiné aux invitées. L’homme de maison nous fait asseoir sur des sofas confortables disposés en cercle tout le long de la pièce. Nous attendons avec Ajmal le candidat qui arrive en géneral au bout de 5 minutes.

Celui ci nous offre un thé et quelques fruits secs. Ajmal et le candidat échangent deux mots de courtoisie. Il lui remet ensuite en main propre l’invitation au meeting.

Un seul candidat nous accueillera simplement et nous parlera de son expérience en France à la Sorbonne dans les années 80.Aucun d’eux n’a cherché à établir le dialogue ou à demander des informations concernant le débat du lendemain. Le discours politique passe au second plan.

Une femme candidate ira jusqu’à me demander le numéro de téléphone personnel du ministre des affaires étrangère français!

Beaucoup d’entre eux travaillent leur image et prennent une attitude figée lors de nos visites. Ils s’affichent en homme modernes derrière un bureau muni d’un ordinateur portable ou au milieu de leur nombreux hôtes en signe de pouvoir et d’influence.

Ce mélange d’archaïsme et de modernité est détonnant! Il offre à voir les mécanismes et l’organisation d’une société afghane qui fonctionne encore et malgré tout selon des codes hiérarchique pyramidales.

Certains des personnes ainsi brièvement rencontré me semblent être davantage chef d’un clan ou des groupes bien définis qu’ils soient pachtounes, tadjikes ou hazaras. Certains ont visiblement beaucoup de moyens. Plus les moyens sont importants, plus les affiches électorales seront visibles dans la ville.

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