LA CHIENNE DU MONDE
Elle rampe, elle couche sous les ponts.
Elle a les yeux jaunes et chassieux,
Elle grimpe des escaliers, elle fait des bonds.
Silencieuse, elle coule ses flancs creux
Dans toutes les maisons, les berceaux
Où l’air passe sous les portes.
Les griffes obstinées elle emporte
Les joues et la joie des enfants,
Les bras, la force et le courage des gens.
Elle les oblige à compter sans cesse
Les jours et leur argent
Tous les jours leur vie baisse.
La chienne montre ses dents
Elle court le monde, n’a pas de limite
Griffe la peau des jeunes, des vieux, lèche le sang
De tous, noirs ou blancs.
Elle a le temps, elle traîne ses acolytes,
La faim qui rend fou,
La maladie qu’on ne soigne pas,
L’école qu’on abîme pas à pas,
Les clous dans les chaussures, la boue
Qu’elle répand sous ses pattes.
Elle avance, elle n’a pas de hâte,
Elle n’achète jamais, elle joue
A cache-cache avec la mort.
C’est la chienne du monde
Qui tue les faibles et les forts,
La chienne à la gueule immonde.
« Cette éducation nous préparait heureusement à la vie de bête de somme que menaient nos parents. Elle nous accoutumait à supporter sans plaintes, sinon sans douleur, les injustices qui seraient notre lot ; à les supporter, surtout, sans révolte, car c’est bien là, de toutes les manières de se plaindre, la plus détestable.
L’école des Frères fournissait ainsi à la bourgeoisie locale une ample provision d’adolescents préparés à leur rôle d’ouvriers et de métayers sans exigence, silencieux, soumis, craintifs. Les coups administrés à tout propos et hors de propos, imposaient à l’enfant une sorte de fatalisme sombre qui, joint à tout un système d’humiliations dégradantes, en faisait peu à peu un être veule et lâche. » Ambert 1900 Ecole des frères
Antoine SYLVERE TOINOU le cri d’un enfant auvergnat