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Billet de blog 17 mars 2023

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L’enfance en danger

1/5: c’est la proportion d’enfants qui subit la pédocriminalité. Je regarde cette information avec émotion, choc et révulsion. Pourtant, je l’avais déjà vue, entendue et lue, il y a quelques années. J’ai préféré l’oublier, vivre dans le déni, de ce nombre indécent d’enfants agressés.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

1/5: c’est la proportion d’enfants qui subit la pédocriminalité. Je regarde cette information avec émotion, choc et révulsion. Pourtant, je l’avais déjà vue, entendue et lue, il y a quelques années. J’ai préféré l’oublier, vivre dans le déni, de ce nombre indécent d’enfants agressés. 
Je m’assois donc dans ma classe, et devant moi, j’ai un peu plus de 25 élèves. Le calcul est rapidement fait, je connais à force de les enseigner, bien mes tables. Si la moyenne est vraie dans ma classe, 5 enfants ont été ou sont encore victimes de pédocriminalité. Mais j’ai préféré l’oublier et croire, comme pour éviter la réalité sombre et glaçante d’une société qui opprime les innocents, que cela ne pouvait pas avoir lieu dans ma classe.

Alors, devant ces enfants de 9 à 11 ans, je fais croire et essaye aussi de m’en persuader, que la justice les aidera toujours face aux agresseurs. Je brandis la Convention internationale des droits de l’enfant, nous l’étudions et nous faisons comme si, dans notre pays, elle était respectée. Au diable les pays qui ne l’ont pas ratifiée - contrairement à la France, cette nation si parfaite, qu’elle protège tous ses enfants. Et pourtant - en rentrant le soir, et lorsque la porte se ferme - des enfants perdent leur innocence, sous la forme de coups, d’attouchements et de manipulation.

Alors, que fait-on contre cela? Nous fermons les yeux pour ne pas le voir. Et nous supprimons les psychologues scolaires. Et aussi les médecins. Et nous réduisons les formations des professeurs. Il est plus facile de faire taire les enfants, ou du moins de ne pas les écouter, que de s’engager contre les violences, de manière forte, vindicative et honnête. 
Il aura fallu quelques coups d’éclats, ces derniers jours, pour me faire revenir à la réalité sombre et cruelle, celle qui fait plier sous le poids des pédocriminels, les enfants en quête de paix. Il y a ce ministre qui fait des bras d’honneur à l’Assemblée nationale au nom, dit-il, de la présomption d'innocence, celui-là même qui a fait du procès d’Outreau son gagne-pain. On en aurait presque oublié que 12 enfants dans cette affaire ont été reconnus victimes de viols et qu’ils n’ont obtenu de leur procès pas grand-chose, sinon que la triste impunité de leurs agresseurs, qui n’ont jamais été arrêtés. Au moins 12 enfants ont donc été prostitués, et ils ne retrouveront sans doute pas la justice qu’ils recherchaient. Et l’ancien avocat, devenu ministre, aura accusé avec ses collègues de mythomanie un bon nombre d’enfants, des heures durant, poussant l’humiliation et l’indécence à leur paroxysme. Et quelques années plus tard, il défendra l'inceste entre un enfant de 17 ans et une tante de 18 ans, devant l’Assemblée nationale. Et il sera le Garde des Sceaux, celui qui fera des bras d’honneur et lèvera les yeux au ciel lorsque des simples règles de décence lui seront rappelées par la présidente de séance. Bien sûr, il ne sera pas ordonné de démissionner. Un autre événement me mit à nouveau face à la réalité de cette enfance abîmée, cet éclatant débat sur « C ce soir » , lors duquel une artiste engagée contre les violences sexuelles, Andrea Bescond, affirmait avec son habituelle honnêteté que son interlocutrice, ancienne ministre de l’égalité femmes-hommes et toujours aujourd’hui membre du gouvernement, était d’une incompétence qui méritait démission. Face à cette artiste engagée, honnête, victime elle-même de pédocriminalité durant son enfance, la Secrétaire d’Etat a osé frapper un poingt sur la table, brandissant le féminicide ayant eu lieu dans sa famille, comme gage de sa bonne foi et de ses actions. Et de demander bien sûr à l’animateur de couper la scène au montage. L’inaction requiert bien d’être cachée, parfois.
Et en attendant, pendant que des adultes crachent sur leurs droits, 18 enfants se font violés chaque heure, par des individus bien heureux que les autres adultes couvrent leurs yeux et se retrouvent ainsi complices de ces immondices.

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