La Berlinale bat son plein. Avant d'aller affronter la cohue aux points de vente de tickets de ciné, j'ai préféré me perdre une dernière fois dans la danse. Ce n'était pas moi qui dansais, je ne fus que spectatrice, mais Angela Schubot, de la compagnie à deux têtes Two Fish.
Je l'avais vue une première fois à Bordeaux lors du festival de danse Les Grandes Traversées en décembre dernier. Elle y a interprété un solo intitulé « Remake ». Sa performance a eu tout d'abord l'air de ressembler à ce qu'on imagine trivialement sous le terme de danse contemporaine : un hiéroglyphe frénétique; mais la mine hébétée d'Angela Schubot m'a interloquée. Son corps, se jouant de ses propres facultés, semblait narguer la jeune danseuse. C'était comme s'il n'y avait plus de maîtrise, seulement une sorte d'emprise.
Vendredi dernier, elle a présenté un autre solo : « Replugged », aux Sophiensaele de Berlin. Il y avait de la musique cette fois-ci, ce qui m'a semblé superflu puisque celle-ci a privilégié les associations : Angela Schubot paraît tour à tour ivre, insectoïde ou personnage dans un film pour la diffusion duquel on aurait appuyé sur la touche en accéléré. En fait, il n'y a pas de thème, pas de narration dans ses solos. Schubot cherche avant tout à révoquer tout mouvement avant qu'il ne s'accomplisse. Elle n'est que corps à corps. Ça donne vingt minutes d'une rare intensité.
Angela Schubot n'essaie pas particulièrement de plaire au public qui, soit dit en passant, était ce soir-là d'une laideur et d'un ennui proches de l'obscénité. La performance de son entêtement n'en fut que doublement libératrice.