Arto Lindsay, musicien et compositeur américain de renom, a grandi au Brésil et marqué la scène no wave à New York au début des années 1980.
Richard Siegal, chorégraphe et ancien danseur de William Forsythe, est le fondateur de The Bakery, organisation née en 2002, consacrée à la recherche et à la production en matière de danse et performance.
Dans le cadre du festival international de danse Tanz im August, les deux artistes se sont réunis sur la scène berlinoise des Sophiensäle dimanche soir pour un spectacle à l'intrigant titre de «Muscle».
Deux physiques en tout contraires - l'un robuste, danseur à la virtuosité jamais ostentatoire; l'autre mince, posture sensuelle et décontractée.
Il y a une table, deux micros, plusieurs amplis.
La voix de Lindsay est très proche, très intime. Le corps de Siegal lui répond pour mieux s'y confronter. Ça donne : un déhanché derrière la guitare, une détente de la jambe telle une corde en silicone, un sourire contre hystérie du corps, une pose raide comme un i pour des tonalités brésiliennes.
Mais le duel demeure ironique, et la complicité est évidente.
Soudain Siegal saute sur la table : c'est que celle-ci amplifie le danseur, elle le rend plus grand. Le corps se mesure à la voix, et peu à peu les frontières s'estompent : Qui danse? Qui joue de la musique?
L'ampli prend un coup de pied, le corps déraille. On ébauche un dialogue :
- « Bonnie and? »
- « Clyde », répond Siegal.
Puis le jeu des questions-réponses, successivement mots mais aussi mouvements du corps ou accords, s'amplifie, s'étire et se dissout en un palimpseste sonore.
Le duo verbal s'arrête sur «Rock'n'roll?», «Sex?», «Drugs.» Siegal récolte comme une sorte de dédain transmis sobrement par le regard de Lindsay, et qui semble dire «C'est un cliché, mec.»
Texte : Emilie Delugeau, Elise Graton
Photo : Emilie Delugeau