AVANT PROPOS
Durant ma longue vie militante, j’ai pu profiter de l’appui d’un Jacques-Yves Cousteau et d’un René Dumont, venus en Cotentin, et qui, dès les années 70, avaient alerté quant aux risques du nucléaire et de la crise climatique... J’ai pu bénéficier de l’aide des scientifiques d’Orsay, sans oublier la richesse de diverses rencontres, parmi lesquelles celles de Maruki, peintre du musée d’Hiroshima, et plus tard du dessinateur Cabu et de l’écrivain Georges Arnaud, venus en ce bout du Monde de la Hague et du Cotentin. Et bien sûr, de tant et tant d’autres, tout au long de ces dernières décennies, de tous ces militant-e-s engagè-e-s dans une lutte commune ; de bien belles rencontres au cours de mes déplacements de site en site, en France, mais aussi du Japon aux Etats-Unis, en passant par Tchernobyl en 1991, Kiev et Kharkov alors russe devenue Kharkiv l’ukrainienne. Sans oublier nos amis autrichiens et leur accueil si chaleureux à l’université de Salzbourg en 2018.
Aujourd’hui, je suis encore «personne ressource » pour des associations tels le GAMA (groupe antinucléaire Manche) et le Can-ouest (Comité antinucléaire ouest) qui regroupent des militant-e-s normands, bretons, du centre et du bord de Loire.
Dans les pages qui suivent, je n’ai nulle intention de faire oeuvre littéraire ; je reviens sur les choix des gouvernements successifs, en France, depuis 1945. Ces choix n’ont pas été seulement techniques, militaires, économiques, mais le plus souvent politiciens plus que politiques.
Thèmes privilégiés:
• Les débuts de l’industrie nucléaire ; un peu d’histoire, de de Gaulle à aujourd’hui.
• La politique giscardienne envers le tout électrique-tout nucléaire.
• L’entêtement d’une telle politique de la France dans un Monde plus incertain et
dangereux aujourd’hui.
• La nécessité pour les opposants d’abandonner la tactique qui a échoué de l’entrisme
dans les institutions mais d’établir une réelle stratégie de lutte à la base. A vous de construire vos propres luttes à venir
Rappel rapide des origines de l’industrie nucléaire en France...
Provoquant d’abord l’intérêt de la recherche scientifique avant 1945, et après les expériences d’Hiroshima et de Nagasaki, à l’initiative de l’industrie militaire : Le nucléaire... explose...
Peu après, la France abandonne le charbon puis le pétrole pour promouvoir l’électricité d’origine nucléaire et méprise les énergies renouvelables, pourtant moins coûteuses , moins dangereuses, plus faciles à gérer lors d’éventuelles tensions internationales.
Les décisions autoritaires et le bourrage de crâne ont alors sévi et servi.
La France a fini par abandonner les mines d’uranium sur son territoire (définitivement en 2001). Dans un premier temps, elle a fait appel aux États-Unis d’Amérique et à l’URSS (avant la chute du mur) puis au Niger. Arlit devient la seule source d’extraction de l’uranium servant de combustible pour les CNPE de France. L’uranium est arrivé en France pour être enrichi par les ports de Marseille et du Languedoc- Roussillon . Oserait-on dire aujourd’hui du pétrole raffiné pour et par la France que ce dernier lui donnerait son indépendance ? Pourtant, l’uranium d’Arlit au Niger est alors considéré comme... français !
À l’origine, de Gaulle, en tant que militaire, peu en sympathie avec les USA , avait fait appel, fin 1945, à un scientifique et communiste, Joliot-Curie, pour diriger le Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA) dans l’objectif d’une certaine indépendance face aux deux blocs américain et russe. La bombe française voit le jour, avec des essais dans le Sahara à l’air libre et en sub-surface (bien après la décolonisation) puis sous-marins dans le Pacifique (Mururoa). Il ne s’agissait pas alors de s’engager dans le nucléaire pour produire de l’électricité. Les rares centrales électriques (Chinon...) ne seront pas construites pour d’autres raisons principales que celles de récupérer les combustibles nucléaires usés pour en extraire du plutonium. Ce dernier n’existait que du fait d’un d’accident critique, produit naturellement, de manière très infime (Afrique de l’Ouest).
Après Nagasaki on a choisi le plutonium pour fabriquer la bombe et non l’uranium enrichi qui composait celle d’Hiroshima.
On construit alors une usine au sud, à Marcoule, dans la vallée du Rhône, pour extraire le plutonium représentant 1% du volume des combustibles usés à traiter (dit ensuite retraités), 4% de déchets à haute activité à vie longue (HAVL) pouvant atteindre quelques millénaires, et 95% de déchets dits de faible et moyenne activité ( « seulement » quelques siècles !).
Cette alliance entre Gaullistes et communistes surprend encore aujourd’hui. Celle-ci n’était pas envisagée avant juin 1941: en 1939 la Russie stalinienne ne s’était pas engagée contre l’Allemagne nazie d’Hitler. C’est la Pologne qui en a fait les frais. En France, des communistes entraient personnellement dans la résistance contre la collaboration pétiniste. Le parti communiste français, en tant que tel, soumis à Moscou pouvait être à la fois patriote français et patriote communiste, après juin 1941, une transposition de l’internationale.
Le rapprochement entre gaullistes et communistes, s’effectue alors difficilement entre De Gaulle (France) et Roosevelt (USA). C’est ainsi que l’État français s’est lancé dans le nucléaire à la sortie de la guerre. Plus tard, avec la création du monopole d’état EDF (Électricité de France) s’est développée une forme de monopole capitaliste d’état. De 1947 aux années 60, petitement ,le nucléaire fut envisagé comme combustible des centrales électriques, en utilisant une filière dite française.
Revenu au pouvoir en 1958, de Gaulle demandait à Robert Galley, ancien directeur du CEA devenu ministre, d’engager la construction d’une usine à La Hague afin de traiter les combustibles irradiés. Ce choix avait pour but de palier à un accident (incendie) qui pourrait se déclarer à Marcoule, dans la vallée du Rhône, le mistral pouvant alors étendre la contamination à de grandes métropoles (Marseille...). L’usine commença à fonctionner en essais en1967.
Parallèlement, de Gaulle avait aussi engagé le commerce international. avant de céder sa présidence en 1969. Bien que considéré comme attachée au pétrole arabe, la France avait aidé Israël à construire une usine de retraitement (ou d’extraction de plutonium). Les essais devaient s’effectuer dans l’Afrique du Sud de l’Apartheid. En même temps une centrale nucléaire du modèle français était construite à Vendelios (Catalogne espagnole et franquiste). Les déchets étaient retournés à Marcoule et «nationalisés» clandestinement.
La promotion du tout nucléaire par Giscard d’Estaing et ses proches.
Dans les années 70, après le départ du pouvoir de de Gaulle et l’arrivée de Giscard d’Estaing, d’abord comme ministre du budget et de l’économie (sous Pompidou et avec l’aide de Messmer, ancien militaire reconverti en ministre), la filière française est abandonnée. Sous sa présidence dès 1974, le nucléaire prend un nouvel essor mais au profit de la filière américaine PWR (eau pressurisée) de Westinghouse (concepteur de réacteurs).
Le commerce international de l’industrie nucléaire se développe avec son entourage. Le tout nucléaire est même envisagé. Et la France projetait la construction de 5 réacteurs par an sur son territoire. C’est ainsi, qu’ EDF dépassée par cet objectif, devenait « Electricité- Dette-France ». Le maire de Deauville (Michel d’Ornano) devenait ministre de l’industrie et de l’environnement. Giscard envisageait la construction de centrales dans toutes les régions, décision qu’il justifiait alors par une crise du pétrole, mais en Normandie, loin de Deauville, de préférence sur la côte ouest du Cotentin. Sans le soutien inconditionnel de l’État, EDF aurait été mise en faillite. D’Ornano en profitait pour nous envoyer l’un de ses directeurs du ministère, à Flamanville. Un peu chahuté au cours d’un débat, il nous affirmait, agressif: « on vous aura au fric... »
Les intérêts de la famille d’Estaing, non-dits mais évidents, étaient liés au groupe Schneider propriétaire alors de l’usine du Creusot , en charge de la construction des pièces maîtresses des centrales (cuves, réacteurs...).
Deux cousins de la famille étaient aussi intéressés : l’un au sein de la direction des mines d’Arlit au Niger, l’autre comme ministre du commerce extérieur promouvait le nucléaire, à l’étranger envisageant même la vente d’un surgénérateur à l’ IRAN. Le projet avortera plus tard par décision de Mitterrand , devenu Président. L’arrêt du projet fut à l’origine d’attentats.
Notons que Madame Giscard d’Estaing était issue de la famille Schneider.
Au 18 ème siècle , certains philosophes avaient dénoncé cette confusion entre les pouvoirs politiques, économiques, personnels, financiers . Au 20 ème, c’est le grand virage de l’État nucléaire français : la complicité entre le capitalisme d’État et le capitalisme privé.
Quant à COGEMA, (anciennement AREVA, aujourd’hui ORANO ), restant propriété de l’État, un statut privé est créé pour lui procurer les déchets nucléaires de la Suède, des Pays-Bas, de l’Allemagne, du Japon, de l’Italie et même de la Suisse qui se débarrassaient ainsi de leurs difficultés à gérer leurs « propres » déchets.
La décision de créer deux nouvelles usines de retraitement (deux fois mille tonnes par an) est lancée lors du changement de président en 1981, expédiée dans les affaires courantes par le premier ministre de l’époque (Raymond Barre).
L’exemple contemporain se reproduit avec l’EPR de Flamanville (au delà de 20 milliards contre les 3,3 milliards d’euros initialement prévus en 2005, et ce n’est pas fini !). Ceux de Chine, de Finlande, de Grande Bretagne en cours de construction n’offrent pas les retours d’expériences escomptés...Les difficultés financières s’accroissent pour la COGEMA mais aussi pour EDF.
François Mitterand, élu président, ne reviendra pas sur cette décision, malgré ses engagements de campagne.
Au cours de l’été 1981, le franc se dévalue, certains craignent que les communistes, pourtant minoritaires au sein du gouvernement de majorité socialiste, nationalisent les industries et collectivisent les fermes importantes. Ils passent alors leurs lingots en Suisse.
L’Allemagne de l’ouest possède un mark fort, mais ne sait que faire des déchets de ses centrales de double origine (Westinghouse et Général Electric). Leurs centrales ne peuvent être mise en marche : la loi allemande impose que ces déchets aient trouvé une solution.
Le ministre français Chevènement, ancien nationaliste, devenu socialiste, en profite pour négocier un marchandage : le soutien à la monnaie française contre l’accueil des déchets des centrales nucléaires allemandes. J’en suis averti alors par un journaliste allemand. C’est ainsi que Mitterrand valide la politique nucléaire de Giscard. La Hague va accueillir les déchets nucléaires allemands grâce à la construction des deux nouvelles usines envisagées par Giscard d’Estaing et Barre.
À partir de ce moment d’autres pays étrangers profitent de l’aubaine : Japonais, Suédois, Belges, Hollandais, Suisses, Italiens ( accueil arrêté pour ces derniers en 1988, puis repris plus tard). On dit même que le commerce international paiera la construction de l’une des deux usines planifiées dans La Hague. Et en partie de l’autre . En plus du commerce international, le nucléaire continue, avec l’accord de la droite et du PCF à Paluel et Penly, près de Dieppe dont le député-maire est un communiste.
Cependant, la relance du nucléaire est freinée, non par les socialistes, mais parce que le développement dû à l’équipe de Giscard a été considérable . De plus, la population française choquée par la catastrophe de Tchernobyl, en 1986, n’encourage pas à la reprise..
Chirac et Sarkozy, à la fin du 20ème siècle projettent la construction d’un nouveau modèle de réacteur : L’EPR,
Ce dernier plus puissant, dit européen, doit être en coordination entre COGEMA et SIEMENS, en laissant EDF sur la touche.
Rapidement, Siemens abandonnera la partie. Restait la France... L’EPR perdait alors son titre d’européen. Plus tard EDF remplacera la COGEMA pour la construction de «ce modèle» plus puissant mais qui devenait difficilement vendable. Seules, la Finlande et la Chine acceptaient le commerce malgré les difficultés techniques et financières. Le coût de la construction des EPR devenait énorme.
Il fallait un EPR en France pour relancer les ventes. Plus tard, la reprise se fera à Hinkley Point en Grande Bretagne : construction très coûteuse dès les premiers travaux, et nouveauté : entreprises chinoises sur le chantier.
La relance du nucléaire ne va reprendre alors que parce que l’on constate le vieillissement des centrales existantes.
Le choix de la construction de l’EPR de Flamanville
«Electricité-Dette-France» est revenue plus tard à la charge. Une manifestation antinucléaire de 25 à 30 000 personnes à Cherbourg ( du jamais vu ! ), sous une pluie battante, ne suffit pas à empêcher les travaux de construction de l’EPR à Flamanville, à l’emplacement de futurs réacteurs 3 et 4 prévus sur le terrain non occupé et déjà aplani du terre-plein creusé dans les falaises à la fin des années 70. C’est surtout pour cela que Flamanville est choisi pour les essais, en France. C’est aussi parce que le bord de mer permet plus facilement de procéder aux rejets des effluents liquides, chimiques et radioactifs, que les fleuves : le chlore servant aux nettoyages des canalisations de rejets mais aussi le tritium sont rejetés plus facilement en mer... Le tritium étant oublié volontairement par la France malgré l’accord international concernant l’océan Atlantique. (Traité international d’OSPAR , concernant l’Atlantique nord) )
C’est aussi parce que le climat en Normandie, en Cotentin notamment, permettait de profiter d’eau de refroidissement pour les réacteurs, si nécessaire. Les premières vagues de sécheresses en France avec le réchauffement climatique, avaient obligé certaines centrales construites le long des fleuves, à arrêter l’été ( Poitou et Rhin). Pas assez de débit fluvial et température de l’eau trop élevée même à Fessenheim où les pompiers ont dû refroidir les réacteurs avec l'eau du Rhin, certains étés.
Autre problème : des lignes très haute tension (THT)nécessaires à l’évacuation de l’électricité fournie par l’EPR devaient être construites vers la région nantaise. Des luttes avaient déjà eu lieu contre les lignes vers Rennes et vers Caen mais EDF n’envisageait pas de nouvelles difficultés. C’est alors qu’une entreprise de travaux publics de Cherbourg crée une association de promotion de l’EPR dans l’espoir de participer à sa construction, avec les soutiens du maire, puis député et plus tard, premier ministre Cazeneuve et du président de la FDSEA de la Manche puis de la région, Ferey, qui souhaitait acquérir la présidence de la FNSEA.
EDF pensait qu’il n’y aurait pas de difficultés pour établir le tracé vers Nantes. Erreur ! Une mobilisation très importante se développa au sud du département de la Manche. Des études au Canada et en Suède ont démontré des nuisances et des problèmes sanitaires à proximité des lignes THT notamment chez les plus jeunes enfants et également sur l’élevage de veaux et de porcins.
EDF sera obligée, plus tard pour démobiliser d’acheter aux ruraux plus d’une cinquantaine de maisons situées à moins de cent mètres du passage des couloirs de lignes. La résistance en Mayenne est très vive Cela vaudra au président Ferey de ne pas pouvoir se présenter à la présidence de la FNSEA ; dernièrement, celui-ci sera cependant honoré du titre de « commandeur du mérite agricole ».
Pendant ce temps Sarkozy entretenait de bonnes relations avec un certain Poutine. Son premier ministre Fillon après leur échec à la présidentielle française de 2012 espérait avoir l’aide de la Russie pour relancer du nucléaire. Il obtiendra même une entrée à la direction de Rosatom, entreprise énergétique d’état dont il démissionnera après l’agression russe contre l’Ukraine en 2022.
Après l’annonce de sa décision, je me suis souvenu des propos tenus par l’ancien directeur de l’usine du Creusot, en désuétude puis rafistolée par son nouveau propriétaire, l’affairiste... Bolloré. Ce dernier devait la revendre avec bénéfice, notoire évidemment, à l’état nucléaire français.
Un souvenir me revint sur les tentatives de relance du nucléaire national et à l’international à la manière du groupe de Giscard, mais en changeant de partenaire, les USA remplacés par la Russie. Un ancien directeur de l’usine du Creusot, au cours d’une conférence de presse à Paris, principalement au sujet de la construction de l’EPR de Flamanville, tenue avec Bernard Laponche, Stéphane L’homme et moi-même, nous déclarait: «avoir été invité par Bolloré à une réunion chez Fillon, avec l’Opus Deï et en présence de Madame Lauvergeon alors en charge d’AREVA.» Je ne sais si son compagnon monsieur Fric (ça ne s’invente pas !) avait aussi été invité. Lui-même avait revendu une mine d’uranium (canadienne) ... sans uranium. à l’état nucléaire français.
Quoiqu’allant à la messe le dimanche avec son patron, le directeur de l’usine du Creusot avait refusé de participer, connaissant « les exploits » de l’Opus Dei ̈ dans son soutien aux dictateurs d’Espagne et de quelques états d’Amérique du Sud. Il refusait de s’associer avec « ces modèles » de démocratie, tant vantés par la France, mais plutôt à un mélange de politiques autoritaires, d’affairistes, de chrétiens ultra-catholiques et orthodoxes.
Rappelons des rencontres entre Rosatom, entreprise capitaliste d’état russe avec ORANO, son équivalent français en Cotentin. Deux rencontres ont eu lieu : l’une, à L’usine de la Hague, en interne, l’autre à la Commission Locale d’Information (CLI) officielle, à laquelle étaient présents de façon minoritaire, évidemment, quelques environnementalistes et antinucléaires. Une délégation des membres de la CLI fut invitée par Rosatom à se rendre en Russie pour admirer les bonnes pratiques de cette dernière. (Invitation acceptée par une responsable d’association environnementale en compagnie d’une représentante des WIN (Women in nuclear de l’usine de Hague) Aveuglement ou intérêt ?
Comment s’empêcher de penser à la possibilité de connivences entre chrétiens ultras catholiques et chrétiens orthodoxes dont le chef est un oligarque, proche de Poutine, des chefs d’entreprises, des politiques... du fric. C’est à retardement que l’objectif est apparu à une partie de la population après l’agression de la Russie envers l’Ukraine. « Double jeu » entretenu par les gouvernements qui se sont succédés. Des contrats commerciaux ont continué avec la Russie , non seulement pour le nucléaire, mais encore pour le gaz (25%encore en avril 2024).Fillon s’est détaché, mais Sarkozy s’évertue encore actuellement à reconnaître ses bons rapports avec... Poutine.
Quant à la gauche, où en était-elle ?
Mitterrand n’avait pas appartenu à la SFIO et le parti socialiste n’était pas encre créé lorsqu’il se présentait pour la Gauche à la présidentielle de 1965, face à de Gaulle. Il s’était déclaré comme opposé à l’arme nucléaire. La SFIO s’était effondrée après 1968. Le PS essayait de sauver les meubles. Le PCF profitait de la situation pour devenir le leader d’une union de la gauche et espérait, en cas d’accession de cette dernière au pouvoir, devenir le parti dominant. Le tout nucléaire et le tout électrique , pour lui, pouvaient devenir utiles. Le capitalisme d’État se mettait en place aux côtés du capitalisme privé. N’oublions pas que déjà avec Colbert et sous le règne de Louis XIV, des entreprises d’Etat, appelées manufactures avaient été créées : l’économie d’Etat avait été inventée. Le capitalisme d’Etat n’était pas une nouveauté politique. Son annonce avait été l’oeuvre de Lénine, au parti bolchévique en 1921, après la répression de la révolte de Kronstadt (anciens activistes de 1917) et l’éviction de l’opposition ouvrière, autour d’Alexandra kollontaï (ex-membre de la direction du parti en 1917). Lénine qui déclarait « Nous ne construisons pas le socialisme, encore moins le communisme, mais le capitalisme d’état ».
Ceci ne l’empêchera pas de se contredire :«Le socialisme, c’est l’électricité et les Soviets.» Staline saura comment développer un capitalisme d’Etat, encore plus autoritaire et policier. La référence à ce type de capitalisme d’Etat a pu inspirer la direction des communistes français, en utilisant l’expression «nationalisation des entreprises ». Beaucoup pus tard, et dans des situations autres ou différentes dans les pays de l’est ou en Italie, les chefs du parti communiste se sont référés à leur histoire. C’est l’époque où dans les années 70, en Italie notamment, se proclamant communistes, ces chefs proposaient la possibilité d’une sorte d’unité avec la démocratie chrétienne. Ce fut un échec.
Problème en Cotentin: la CGT et le PCF ont d’abord participé aux luttes antinucléaires à Flamanville mais aussi à l’arrivée au port de Cherbourg de déchets nucléaires japonais. Georges Marchais de passage en Cotentin, exigeait alors des adhérents le choix entre leur appartenance au parti ou la lutte antinucléaire. La cellule locale de Flamanville devait choisir l’opposition à la centrale de Flamanville : elle fut dissoute. Le PCF de Cherbourg s’est... « civilisé ». ( Jeu de mots pour initiés...)
Dans la même période en France, le PS et la CFDT participaient à l’organisation d’une pétition avec les antinucléaires et les écologistes, pour stopper l’évolution de l’électro nucléaire : celle-ci obtenait plus d’un million de signataires.
Mitterrand utilise ce score encore jamais atteint dans sa stratégie d’accession au pouvoir en 1981. Il s’engage dans sa campagne électorale à stopper les projets de Plogoff et du Larzac, les plus fortes mobilisations d’alors. Et c’est tout.
Quant à l’arrêt de Superphénix, il faudra attendre 1997. Le président d’EDF lui même était très critique à propos du coût 4 fois plus important que celui de la construction d’un réacteur PWR et quant à sa mise en marche. C’est après le départ de la présidence de Mitterrand, sous la présidence de Jacques Chirac, que le gouvernement de Lionel Jospin et le ministère de l’environnement de Dominique Voynet, que l’arrêt de Superphénix et de la filière des surgénérateurs sont décidés. Il aura fallu une vingtaine d’années de luttes importantes des antinucléaires et écologistes face à la violence de l’Etat, du préfet de Grenoble et de milliers de CRS ( Un mort et des dizaines de blessés graves) pour obtenirsatisfaction. Le slogan «société nucléaire , société policière » scandé par les manifestants s’était encore une fois, malheureusement, révélé exact...
Ceci n’empêchera pas François Hollande après son élection à la présidence (2012) de débloquer des financements pour que le CEA relance la recherche sur le développement de plus petits surgénérateurs. Dans la même période des études ont été menées à l’Arsenal de Cherbourg et à celui de Lorient pour créer des centrales nucléaires sous la mer, près du littoral. Le projet sombra. Cependant, déjà les sous-marins français à propulsion nucléaire fonctionnaient comme des centrales, presque en surface sauf au moment du chargement du combustible à Brest, et au déchargement du combustible usé, momentanément en surface au nord-ouest du Port Militaire de Cherbourg. L’armée française considère comme infimes les risques en mer profonde.
Un pari !
Quant aux risques d’accidents, ou d’attentats et de guerre, ils sont... évacués... militairement.
Qu’en est-il de ce Hollande dit de gauche et de ce Macron qui se déclarera un peu plus tard « et de droite et de gauche » ?
Le second a été ministre du premier.
Pour récupérer des écologistes, François Hollande décidait d’annoncer le passage de la production d’électricité nucléaire de 75 à 50 %.Ce n’est qu’en pourcentage, seulement sur l’ensemble de la production. Jeu de mots et de chiffres, car dans ce même temps, le volume de la production nucléaire d’électricité est restée au même niveau.
Les besoins croissants d’électricité dus au développement de certaines technologies, voitures électriques, trottinettes , vélos, internet, etc devaient être produits par les énergies renouvelables. Ce développement s’est vu sérieusement ralenti. Qui plus est, les petits barrages de la Sélune dans le Sud Manche ont été détruits et l’installation d’hydroliennes dans le fort courant du Raz-Blanchard retardées. (Ces dernières le sont encore aujourd’hui malgré la visite d’un ingénieur de Flamanville, favorable au projet dès les années 80, pour en discuter... à mon domicile!)
L’arrêt et le démantèlement des réacteurs sont effectifs à Fessenheim. L’ensemble du démantèlement était évalué à 55 milliards d’euros par EDF et le double par la Cour des Comptes. Emmanuel Macron ne projette que la construction de nouveaux réacteurs, EPR2 ou plus petits (SMR en essais, développement, recherche) pour combler les arrêts des centrales nucléaires éventuellement victimes de leur vieillissement. Dès 1989, le professeur Tanguy responsable de la sécurité à EDF faisait état des imperfections des générateurs de vapeur. Il proposait de les changer. Ils ne le furent que ces dernières années, avec trente ans de retard. Il estimait les risques d’accident graves de 4 à 10%, alors qu’à l’origine, le risque était de un pour mille...
Un pari du pouvoir nucléaire : l’accident ne s’est pas produit, heureusement !
À Flamanville, se posa également la question de la perméabilité du dôme des réacteurs en fonction. Plus tard, l’affaire la plus connue a été celle de la cuve de l’ EPR fabriquée au Creusot dont l’acier a été estimé défectueux. Les interventions à ce propos devaient se dérouler seulement sur le couvercle, et pas sur le fond. Ce n’est toujours pas effectué. Pour l’EPR il était prévu d’intervenir en 2024 alors qu’il va être mis en fonctionnement auparavant. Mais ce n’est toujours pas fait. Rappelons au passage les problèmes des soudures...
On ne citera que ces quelques exemples en terme de sécurité. On a repoussé les limites des Plans Particuliers d’Intervention (PPI) de cinq à dix, puis à vingt kilomètres des CNPE. On ne prévient pas l’accident, on le gère, admettant que la résilience coûtera moins chère que l’arrêt des réacteurs accidentés.
La fusion entre l’ASN (dont le directeur est nommé par les présidents de la République, de l’Assemblée Nationale et du Sénat) et l’IRSN n’incite pas à croire que les choses vont changer. Pour des raisons financières, on méprise les risques d’accident. Le fric, le fric, le fric...
Quant aux énergies renouvelables, nous sommes bien loin du compte aujourd’hui. La France n’est pas dans le peloton de tête des états européens pour le développement du renouvelable, loin derrière les pays ibériques, scandinaves et même de... l’Allemagne (presque deux fois plus que la France).
L’acquisition du combustible EDF de base , l’uranium. a compliqué la situation de Macron et de son gouvernement .
Les mines d’Arlit du Niger ont commencé à s’épuiser et pis encore le groupe Wagner a beaucoup travaillé pour la Russie près et autour du Niger,
Le conflit entre la Russie et l’Ukraine, en cours depuis 2014, n’a pas amélioré la situation. Depuis peu, les Français et les Américains ont été invités à s’en aller du Niger. La Russie est très présente en Afrique. Dans un premier temps, après l’agression des Russes en Ukraine, Macron essayait d’amadouer Poutine(se rappeler les deux bouts de la longue table de discussions). Macron se permettait également d’inviter ce dernier à Versailles et à Brégançon. Il ne fallait pas « humilier la Russie », sous entendu... Poutine. Naïveté ont dit certains ou désir de pouvoir continuer à établir de bonnes relations... commerciales? L’état nucléaire français avait déjà contracté avec le Kazakhstan, et démarché avec d’autres anciennes régions de l’empire russe en Asie. Emmanuel Macron s’est même arrêté à Ulan Bator en Mongolie à son retour d’une réunion de discussions commerciales internationales au Japon. Mais il faudrait faire parvenir l’uranium depuis l’Asie en passant par la Mer Noire, la Méditerranée jusqu’au Languedoc-Roussillon pour l’enrichir à des fins de combustible pour les réacteurs dans l’usine qui servait à enrichir l’uranium du Niger..
N’oublions pas le projet de la Chine qui tente de rétablir la « route de la soie ». Problèmes avec Odessa en Ukraine et Sébastopol en Crimée occupée, pour faire passer l’uranium asiatique vers la France. Qui plus est, Orano avait imaginé de commercer avec l’Ukraine pour « retraiter » les combustibles usés de ses centrales et donc de récupérer encore du plutonium ! les transports ne seraient pas simples depuis Odessa et Sébastopol dans la situation actuelle entre Russie et Ukraine vers la mer Noire et la Méditerranée. Dernière info, la Russie a annoncé envoyer 1800 soldats en Lybie, depuis ses ports de bases en Syrie. Poutine avait déjà tenté de s’y rendre. Il avait été en difficulté avec la Turquie qui avait les mêmes intentions commerciales et coloniales. Il n’arrête pas de tenter d’étendre son pouvoir en Méditerranée. Ne vise-t-il pas également l’’amélioration de ses relations avec Algérie?
La Russie et la Chine sont-elles amies ou concurrentes en Afrique? Le président français cherche-t-il à amadouer le président Chinois comme il l’a fait avec le président russe en lui proposant une maillot jaune au col du Tourmalet ? Sera-t-il aussi efficace qu’il l’a été avec Poutine? Actuellement, la France, prétendument pour son indépendance, s’est tournée vers l’uranium canadien. Ces dépendances multiples sont-elles gage d’indépendance, comme on nous le serine ?
N’oublions pas plus que des déchets nucléaires partent du port du Havre (dont Édouard Philippe, ancien premier ministre de Macron est maire, est aussi ancien de la COGEMA) pour les acheminer en Sibérie via la mer de la Manche, celle du Nord et la Baltique, pour Rosatom. Le passage de la Baltique à la Russie n’est pas plus facile que celui de l’Ukraine à la Mer Noire. Orano évoque même l’éventualité d’obtenir le retour de l’uranium réenrichi.
Amadouer Poutine (et Rosatom) n’était qu’un fol espoir. Ce dernier estimait la Mer Noire comme la sienne. Raison pour lui de s’intéresser plus encore à la Crimée et à Odessa et aussi à l’accès à la Mer Baltique. C’est sûrement une des raisons de la radicalisation entre l’un et l’autre, d’autant que des avions et pilotes français sont dans les pays Baltes pour les aider et que des militaires français sont au sol en Roumanie. Ne pas évoquer ces situations est un mensonge par omission.
L’État nucléaire rencontre plus de difficultés que jamais.
La république (respublica, chose publique de César) n’est pas tout à fait la démocratie (le pouvoir du peuple). Jacques Prévert avait écrit dans l’un de ses poèmes «Le monde mental ment monumentalement ». On peut retoucher quelque peu « le gouvernement ment monumentalement ».
On ne tire pas les enseignements des erreurs passées et présentes engageant l’avenir des générations futures.
Comment peut-on encore croire qu’il n’y a pas d’autres solutions que la relance du nucléaire qui ,on vient de le voir, ne donne pas l’indépendance à la France.
Bourrage de crâne, pratique médiatique de certains intérêts privés et étatiques, à court terme.
Le ministre Bruno Le Maire, venu à Cherbourg en Cotentin, début mars 2024 pour affirmer que « le Cotentin est un modèle » a annoncé :
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La prolongation de la vie des centrales actuelles jusqu’en 2040 voire 2045...
La construction de deux nouvelles usines pour 2045 à La Hague (retraitement)...
La production du MOX à La Hague (s’agit-il de l’arrêt de l’usine MELOX à Marcoule et
de son remplacement ou d’une nouvelle unité de production de MOX ? »
La construction d’une nouvelle piscine de gestion temporaire des combustibles usés (refroidissement)malgré une opposition d’associations.
La relance globale de l’électronucléaire...
L’intérêt de 11 états européens envers le nucléaire face à la crise climatique...mais encore aucun nouveau contrat annoncé.
La construction future de l’EPR2 ( six, puis huit...) en France malgré les performances flamanvillaises. Penly est déjà programmé.
Pour la commercialisation de plusieurs centrales de petites dimensions (encore une étude de plus).
Dans la situation actuelle le troisième réacteur, l’EPR et ses défauts va être mis en marche ( essais depuis mai 2024 et fourniture de l’électricité programmée à partir de l’été ).
La lutte par rapport à La Hague avait été partiellement gagnée par notre action en Suède, en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne (Gorleben, Wackersdorf), en Suisse, en Italie et du Japon aux USA , sans oublier Tchernobyl (aujourd’hui en Ukraine qui en a hérité) où Bouygues, pour la seconde fois rafistole les restes de la catastrophe.
Qu’en est-il de la gestion des déchets, dits de haute activité, d’une part, et d’autre part, de ceux dits de faible et moyenne activité ? Qu’en est-il du stockage en souterrain( 25 à 30 mètres), sous la Hague, du plutonium plus vieux de cinq ans et refusé encore par EDF: évoluant entre 60 et 100 tonnes selon les sources. Le stockage est particulièrement dangereux puisque le plutonium est explosif au-delà d’une masse critique comprise entre 5 et 6 kg. Selon quelques informateurs, il nous a été dit que les petits containers de plutonium, plus lourd que le plomb, étaient stockés dans des alvéoles, comme dans une ruche pour faire plus nature !!! Mais nous a t-on rassurés, « c’est très contrôlé et surveillé militairement »...
Le nucléaire civil et le nucléaire militaire ont l’habitude d’agir ensemble : avec le nucléaire, pas de démocratie et peu d’information.
Les syndicats de l’usine de la Hague sont unanimes et se disent satisfaits. La situation, sur ce plan a beaucoup changé depuis 1976 et leur grève de plusieurs mois, organisée essentiellement par la CFDT, alors, critique du nucléaire. Fin 1976, un accord avait été passé entre le CRILAN de cette époque et l’Union Régionale de la CFDT. L’action notoire menée par l’un et l’autre s’était produite à Mézidon contre l’arrivée par le rail de déchets depuis la centrale de Biblis. Ce fut le seul convoi retourné en Allemagne au cours de l’été 1981. Avant toute extraction du plutonium.
Depuis, les choses ont évolué en France et dans le monde.
Il est même arrivé qu’un sous-marin et des bateaux de pêche russes soient venus dernièrement au large de La Hague ; quelques habitants du secteur s’en sont d’ailleurs inquiétés. Menace contre la France pour engendrer la peur ? Ou volonté de se documenter à proximité de l’usine de La Hague. Ou bien les deux à la fois (au cas où) ? En effet si d’autres sont « autruchiens » La Hague peut être un objectif de guerre réelle. Toujours difficile, avec Poutine d’évaluer ses rodomontades et celles de ses amis brandissant la menace nucléaire.
Le combat global pour les antinucléaire et les écologistes, malgré les difficultés de l’état nucléaire devient plus difficile. Nos luttes n’ont pas été inutiles : de 4 réacteurs prévus à Flamanville, deux seulement auront été construits grâce à l’occupation pendant un mois de l’accès au site (cf « la case déserte »), la création d’un groupement foncier agricole (GFA comme au Larzac) plus long à exproprier, et des recours juridiques aidés par les avocats d’alors, Christian Huglo et Corinne Lepage.
La dérive des syndicats avait commencé quelques mois après la grève, en 1976. La direction avait d’abord agi par la force : plus d’une vingtaine de militants actifs de la CFDT avaient été mutés fin juin, certains à Caen, au GANIL, à la recherche, éloignés de la production industrielle.
Des victimes de pollutions au travail firent appel à notre aide face à l’ANDRA, la COGEMA et leurs sous-traitants, à défaut du soutien syndical. Certains d’entre eux aidés par nos soins ont été admis en maladie professionnelle. Un employé qui nous avait contacté, contaminé au plutonium au début du démantèlement de la première usine, vieillie et arrêtée, fut même mis en quarantaine par ses... collègues.
Auparavant, en janvier 1999, le franco-allemand Daniel Cohn-Bendit, parlementaire européen, en possession d’études techniques faites en Allemagne, à propos de quatre méthodes possibles de gestion des déchets nucléaires, sans extraction de plutonium, avait demandé à la direction de l’usine de retraitement de la Hague l’autorisation de visite d’un groupe vert du Parlement.Il était accompagné du député belge Paul Lannoye et d’autres députés européens Verts. Ils avaient obtenu l’autorisation, par la direction, de la visite (partielle) de l’usine, et ce, un mois avant.
Un travailleur de La Hague, outré, nous avait communiqué un tract d’appel commun des syndicats et de la direction de l’usine indiquant qu’il serait possible au personnel de participer à une assemblée générale, sans retrait de salaire, afin de nous... « recevoir ». Dès l’arrivée devant l’usine, nous étions attendus par cette « assemblée générale », une manifestation officielle de la CGT et FO soutenus par des élus (le député Gatignol et le maire de Beaumont-Hague notamment) : violences verbales et physiques, menaces de mort scandées, jets de bouses de vache...La police avait laissé faire...
Le soir même, Cohn-Bendit devait repartir pour d’autres engagements. Il affirmait dans une conférence de presse, « Je suis inquiet, non pour moi qui dois repartir, mais pour ceux qui restent de façon permanente ici en Cotentin ». Devant ce déferlement de haine, le député belge Paul Lannoye était resté pour nous protéger.
Ce même soir, il avait été prévu par des syndicalistes d’EDF de couper l’électricité au centre de Cherbourg où devait se tenir une réunion publique. Elle dut être annulée Des chasseurs s’étaient associés aux syndicats qui manifestaient...
La presse internationale et nationale était choquée. En France, notamment des articles du Canard Enchaîné et de Libération . Le Monde titrait : «une bien vieille France». A l’intérieur, un long article de Philippe Sollers, intitulé : « La France moisie ».
Plus tard, environ 700 manifestants, à l’appel de FO et de la CGT, accompagnés par le nouveau maire socialiste de Cherbourg, Jean Pierre Godefroy , nous empêchaient, Michel Frémont, alors président du CRILAN et moi-même redevenu conseiller régional, d’accéder au tribunal : Celui-ci devait traiter d’une plainte que nous avions déposée concernant le non-respect des lois sur les déchets nucléaires ; les manifestants espéraient empêcher la justice de prendre sa décision en notre absence. Une fois n’est pas coutume, c’est dans un panier à salades de la Police locale, sous les cris et les projectiles que nous accédions par la cour intérieure de la prison au tribunal.
Une fois de plus avec le nucléaire, république et démocratie étaient bafouées. La boucle était bouclée : La lutte des classes peut se transformer en association capital-travail des régimes d’extrême droite non seulement franquistes mais également français.
La lutte n’a pas été abandonnée mais renforcée en tant que telle, elle est devenue technique, sanitaire et politique. Noël Mamère est venu nous porter aide.
Le troisième réacteur, à Flamanville, l’EPR et ses défauts va être mis en marche malgré une manifestation de 25 à 30 mille personnes à Cherbourg-Octeville avant le démarrage du chantier (2007). Pour un démarrage du réacteur initialement prévu en 2012, il devrait être opérationnel, aux dernières nouvelles en 2024.
Par ailleurs l’usine de La Hague n’a retraité que de 800 à 1000 tonnes de déchets par an, de France et de l’étranger, au lieu des 2x1000 tonnes envisagées: les différents pays contactés ont fini par abandonner peu à peu le retraitement du combustible usé.
Nos solutions étaient claires :
1- On arrête les centrales nucléaires, arrêts planifiés
2- On envisage le stockage direct, en sub-surface et non en grande profondeur, et contrôlé par ceux qui travaillent dans le nucléaire, les défenseurs de l’environnement et de la santé publique, les voisins des unités de production...
3- Abandon de l’extraction du plutonium
N’oublions pas en France la lutte contre la recherche de dizaines de sites projetés par l’état nucléaire pour stocker les déchets.
La mobilisation s’est faite d’abord près des mines d’uranium arrêtées dans le Massif Central, dans l’Aisne, l’Alsace, le Poitou, la Bretagne (Fougères et Guingamp), la Normandie (Athis de l’Orne, Barfleur) etc... mais ces sites n’ont pas été retenus en raison des oppositions locales animées par nos soins. Beaucoup d’entre nous pensaient que l’arrêt du nucléaire pouvait être obtenu par le blocage de la gestion de l’ensemble des déchets. Réussite presque partout grâce aux fortes mobilisations locales, à Parthenay (des milliers de personnes dans les Deux-Sèvres, chez Ségolène Royale candidate à la députation), à Segré, chez Roseline Bachelot près d’ Angers. Que ne ferait-on pas pour se faire élire...
En tant que vice-président de la commission énergie au Parlement Européen, j’ai tenu à Bure (en 1991), la première réunion d’information sur le projet du site d’enfouissement. Bure aura cédé momentanément , malgré nous et à cause des responsables de la FNSEA et des politiques régionaux (G. Longuet, ancien du GUD, extrême droite, ancien ministre sous Chirac)). Ces derniers se sont pressés d’intervenir près des ruraux pour les convaincre de vendre leurs terrains, pour ensuite les entourer de grillages et faire intervenir la police d’état et creuser en profondeur.
Néanmoins en 1991-1992, l’état nucléaire français a été obligé de décider du retour dans les états sous contrat de leur déchets définitifs. Il ne s’agissait pas pour nous de concentrer le stockage des déchets dans une seule région et dans une seule nation.
Nos luttes n’ont pas été inutiles : de 4 réacteurs prévus à Flamanville, deux seulement auront été construits grâce à l’occupation pendant un mois de l’accès au site («cf. la case déserte »), la création d’un groupement foncier agricole (GFA comme au Larzac) long à exproprier, et des recours juridiques.
Notre stratégie s’était alors diversifiée dans les pays étrangers sous contrat.Nos déplacements, notre aide furent utiles aux antinucléaires locaux. Un car allemand est même venu à Siouville pendant quelques jours s’informer. Il venait de Wackersdorf. Ceci a permis, avec Gorleben, d’arrêter le retraitement des combustibles usés allemands et donc, l’extraction de leur plutonium.
La lutte par rapport à La Hague a été en partie gagnée, plus par notre action en Suède, en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Suisse, en Italie et au Japon, aux USA sans oublier Tchernobyl (aujourd’hui en Ukraine).Tchernobyl, où l’industriel français du bâtiment, Bouygues, a été chargé de recouvrir de béton le sarcophage d’origine pour palier aux fuites radioactives. Celui-ci a participé à la construction de la première partie de l’EPR à Flamanville : il y eut même une affaire juridique pour l’emploi de travailleurs polonais ... qu’on avait oublié de déclarer.
Nous avons même essayé d’interrompre à nouveau les transports du plutonium vers le Japon depuis La Hague (1999). Nous occupions la nuit un rond-point à l’entrée d’Équeurdreville. Nous avons été repoussés par environ deux mille militaires et leurs véhicules anti-émeutes. Le ministre de l’industrie d’alors, socialiste, Dominique Strauss- Kahn était présent à Cherbourg dans le but de réussir cette opération commerciale de l’état nucléaire français avec celui du Japon. La COGEMA ( aujourd'hui ORANO) était très liée avec le Japon. Déjà dans les années 70, la France avait contribué à y construire une petite usine de retraitement.
Il m’est arrivé avec la Commission Locale d’Information de La Hague, en tant que minoritaire, de me rendre au Japon sur les zones d’impact de l’accident de Fukushima. Nous devions être reçus par l’ambassadeur de France . Nous l’avons été par son représentant que nous avons reconnu : il avait été responsable des transports entre la COGEMA et le Japon. Cela démontrait une fois de plus l’importance du nucléaire français dans ce pays : il a été entrepris à Rokkasho Mura par la COGEMA, la construction d’une usine importante de retraitement de combustibles usés, pour extraire du plutonium.
En 2017, l’ex-premier ministre japonais Naoto Khan est venu à Flamanville tenir meeting devant plusieurs centaines de personnes et visiter les installations nucléaires (de l’, l’extérieur) et les endroits sensibles. En aparté, je lui ai demandé ce que devenait le plutonium arrivé de France et celui devant sortir de Rokkasho-Mura. « Nous l’avons à « l’étagère » me répondit-il. « Le Japon profite de l’armement nucléaire américain pour se défendre face à la Chine. Mais les USA sont tentés parfois de nous demander d’organiser notre défense nous-mêmes. Leur position peut changer. Avec notre industrie, nous pourrions mettre en place notre propre défense nucléaire assez rapidement. »
Depuis, la situation s’est compliquée avec la Corée du Nord. La France, c’est clair, est prête à développer l’armement nucléaire dans le monde. Naoto-Khan a démissionné de son poste de premier ministre du Japon, il est devenu antinucléaire après Fukushima. Il s’est même fait réélire député sur ses nouvelles bases programmatiques. Affaire à suivre...
Les victoires partielles sont limitées...
Depuis, l’état nucléaire est plus autoritaire et personnel que jamais. Emmanuel Macron n’est pas Jupiter, c’est plutôt un nouveau «petit Bonaparte ». Ce dernier, président de la seconde République était devenu empereur. La cinquième république n’est pas le second empire mais a été mise en service par le général de Gaulle en 1958 dont la présidence est restée personnelle et autoritaire.Par ailleurs nous pouvons repenser au « on vous aura au fric... ». Celui-ci est redevenu dominant.
S’exilant à Guernesey au milieu du 19 ème siècle, Victor Hugo déclarait: «Ceux qui vivent ce sont ceux qui luttent ». Aujourd’hui, nous ne serions pas sauvés face à un accident nucléaire, à des attentats divers ou à la guerre. Les îles Anglo-Normandes ne seraient pas forcément un abri, compte-tenu des courants et des vents.
Une bonne partie des Français se comportent en «autruchiens », imitant l’autruche qui, dit-on, se met la tête dans le sable pour ne pas voir les chasseurs. Ils sont démobilisés par un gouvernement qui méprise résistances, actions, manifestations et grèves.
Mais le «petit Bonaparte», Napoléon III devait quitter le pouvoir en 1870. Victor Hugo a, lui, pu rentrer ! Et même prendre la défense des communards victimes de répression, de déportations (jusqu’en Nouvelle-Calédonie) par une république qui ne savait pas se situer.
Si l’état nucléaire est en situation très grave, l’unité populaire n’est efficace que dans les luttes de masse.
Les objectifs se doivent d’être plus audacieux.
L’unité n’est pas un objectif, elle n’est qu’un moyen.. Antinucléaires et écologistes se sont divisés. Certains ont choisi l’entrisme au sein des institutions, de la base au sommet. Les uns y ont trouvé des intérêts personnels : y faire carrière, y rechercher les honneurs, d’autres espéraient faire admettre leur conception par en-haut. La stratégie du pouvoir aujourd’hui est restée celle de Clémenceau qui déclarait au début du 20 ème siècle : « Vous avez un problème ? Et bien créez une commission et ce sera résolu ». Mais cela ne l’empêchait pas d’utiliser la répression policière et violente contre les oppositions diverses. Trop nombreux sont ceux qui ont cru pouvoir changer le cours des choses par en haut. Au mieux, ce fut rarement possible, grâce à des résistances et à des actions de masses à la base. Le plus souvent «l’entrisme», s’est révélé historiquement être un échec destructeur lors de crises diverses, aussi bien locales qu’internationales.
L’épidémie de la COVID, le confinement et l’isolement ont accentué le repli sur soi, ce n’est pas le «changer le monde » d’avant, proclamé par certains. Et cela a renforcé quelques autres dans leur volonté et intérêts d’entrisme. Ce dernier ne mène pas vers l’alternative sociétale et sociale mais profite au développement d’une situation évoluant vers le culte de la cheffe ou du chef sauveurs, l’autoritarisme, le nationalisme, le racisme et la peur des guerres autodestructrices.
Le «Ceux qui vivent ce sont ceux qui luttent » de Victor Hugo est intemporel.
Il faut choisir entre la soumission et l’action. Ici, comme ailleurs, pour éviter l’apocalypse nucléaire.
A suivre....
Didier ANGER, 15 mai 2024,
Les Pieux
Moins mobile, à 85 ans
Toujours militant, devenu personne ressource pour le GAMA (groupe antinucléaire Manche et le CAN-OUEST, collectif antinucléaire ouest)