Juillet 2019 :
Verdict : cancer du sein. Très agressif. Le traitement devrait durer environ 1 an : chimiothérapie, suivie d’une opération du sein et de la chaîne ganglionnaires atteints puis radiothérapie, plus immunothérapie. Professeure des écoles, je préviens immédiatement ma directrice d’école que je ne ferai pas la rentrée et ne pourrai probablement pas travailler de l’année scolaire.
Août 2019 :
Après des investigations pour s’assurer que le cancer n’a pas tenté de s’installer dans d’autres parties du corps, le traitement démarre dès le début du mois avec une première chimiothérapie d’attaque en trois séances, une toutes les trois semaines.
Au niveau de l’administration, j’attends la reprise des services pour envoyer mon premier « congé de maladie ordinaire » le 22 août 2019. Secret médical oblige, je ne nomme pas mon affection, mais je signale à la secrétaire de mon Inspecteur de l’Éducation Nationale, mon supérieur hiérarchique, que je serai arrêtée longtemps et que je vais effectuer les démarches nécessaires pour une demande de « Congé de Longue Maladie » (CLM) pour un an.
Je ne ferai pas la rentrée. Pendant les vacances scolaires, je rencontre les collègues avec lesquelles j’aurais dû travailler pour leur transmettre des documents pédagogiques qui pourraient leur être utiles. Je me sens coupable de mon absence à venir : je m’étais engagée à travailler avec ces personnes et de façon générale je suis très investie auprès des élèves et dans mon travail .
Septembre 2019 :
Je constitue un dossier pour saisir le Comité Médical Départemental afin d’être placée en congé de longue maladie (CLM). Le cancer, fait partie de la « liste » des affections pour lesquelles le CLM devrait être une formalité. Dès la fin du mois de septembre mon administration, accuse réception de ma demande, la transmet au Comité Médical Départemental. Celui-ci devra me communiquer le nom d’un médecin expert avec lequel je devrais prendre au plus vite un rendez-vous : son expertise permettra au Comité Médical de m’accorder le CLM quand il se réunira.
Je contacte mon centre de sécurité sociale et mutuelle pour faire le point des aides disponibles et mobilisables au cours du long parcours de soins qui se profile. J’interroge la possibilité d’une aide à domicile pour la période post-opération du sein où je serai certainement en difficulté. En effet, l’opération touchera la partie du sein atteinte par le cancer, mais aussi les ganglions au niveau de l’aisselle et je ne sais pas quelle pourra être la mobilité de mon bras.
La première chimiothérapie est toujours en cours. Mon traitement se poursuivra le mois suivant avec une seconde chimiothérapie de neuf séances : une par semaine. Les effets secondaires annoncés pour cette seconde chimio m’incitent à faire d’ores et déjà une demande d’aide à domicile auprès de ma mutuelle.
Octobre 2019 :
Pas de nouvelle de ma demande de CLM. Je vais donc voir mon médecin tous les mois, depuis fin août, pour renouveler mon congé maladie dit « ordinaire ».
La chimiothérapie affecte ma mémoire, je dois tout noter. J’ai un agenda spécial cancer qui me permet de me rappeler les dates des différents traitements et examens : prises de sang toutes les trois semaines, rendez-vous avec l’oncologue, échographie cardiaque trimestrielle pendant toute la durée des traitements, scanner, IRM, échographie de contrôle en vue de l’opération… Mais j’y note aussi divers rappels administratifs : pour renouveler mon congé maladie chaque mois en attendant d’être placée en CLM et le renouveler assez tôt pour que la collègue qui me remplace dans ma classe soit toujours la même et ne soit pas transférée, dans une autre école, dans une autre classe, sur un autre remplacement.
Je note également les démarches effectuées pour les dossiers auprès de la mutuelle : une demande d’aide à domicile est en cours.
Je suis passée au second traitement de chimiothérapie, celui-ci est hebdomadaire. Les effets secondaires sont moins violents mais bien présents. Ils finissent par être très désagréables.
L’immunothérapie débute en parallèle à cette chimiothérapie : 18 injections sont prévues, une toutes les trois semaines. Cette partie du traitement durera jusqu’à début novembre 2020, dans un peu plus d’un an.
Novembre 2019 :
Toujours sans nouvelle de ma demande de Congé pour Longue Maladie, j’alerte par mail le service des affaires médicales de mon administration : le Comité Médical ne m’a pas transmis de nom de médecin expert. En fin de mois, en l’absence d’information, j’écris en recommandé avec accusé de réception, au Comité Médical pour les alerter : j’attends le nom du médecin expert. Sans accord pour un congé dit « de Longue Maladie », je passerai à demi-traitement trois mois après le début de mon congé maladie.
Pour une aide à domicile, ma mutuelle m’informe que les procédures changent fin 2019, je devrais cependant pouvoir bénéficier de cette aide début 2020, pour les suites de mon opération donc.
Dès le 22 novembre, mon congé maladie « ordinaire » ayant duré trois mois, je vais passer à demi-traitement. Je continue d’aller voir mon médecin généraliste chaque mois pour qu’il prolonge mon arrêt maladie. Si je ne le fournissais pas dans les temps à mon administration, l’enseignante qui assure mon remplacement dans la classe serait placée sur un autre poste et une « valse des remplaçants » serait le lot de la classe… Que les élèves puissent le subir continue de m’angoisser et me culpabiliser…
Poursuite de la chimiothérapie hebdomadaire, de l’immunothérapie à raison d’une injection toutes les trois semaines.
Décembre 2019 :
Dernière chimiothérapie en début de mois. J’espère que les effets secondaires liés à ce traitement vont s’atténuer rapidement, c’est très désagréable et inconfortable. En plus de tous mes poils et cheveux, j’ai l’impression d’avoir perdu des neurones : la mémoire immédiate est très altérée. Je passe sur les autres inconforts générés par les traitements...
Une opération (sein et chaîne ganglionnaire) est prévue, elle aura lieu au tout début l’année prochaine. J’ai droit à une trêve thérapeutique de fin d’année.
Pas de nouvelles, ni de mon CLM, ni d’une aide à domicile. Depuis près de quatre mois que j’ai entamé ces démarches, c’est long. Je ne suis pas seule à assurer financièrement dans mon foyer, heureusement.
J’ai pensé à aller voir mon médecin généraliste pour qu’il prolonge mon arrêt maladie.
2020 : Janvier
Bonne année ?
L’opération a lieu le 3 janvier. Cinq jours d’hospitalisation avant un retour à la maison. Je suis épuisée.
Pas de nouvelles pour une aide à domicile côté mutuelle. La procédure a changé. Face aux trop nombreuses démarches à effectuer, encore, pour obtenir cette aide, j’abandonne : trop fatiguée, je n’ai pas assez d’énergie.
Pas de nouvelles de mon administration pour le Congé de Longue Maladie. J’écris à tous les services possibles : au service médical, ma hiérarchie… Je les alerte à nouveau par mail : je m’inquiète de ne pas avoir de nouvelles du Comité Médical Départemental qui ne m’a pas communiqué de nom de médecin expert. Leur réponse est la suivante : L’examen de mon dossier a été annulé compte-tenu de l’absence de réception de mon compte-rendu d’expertise. Je suis invitée : d'une part « à […] confirmer que [j’ai] bien passé une expertise auprès du médecin que [m’] a désigné le secrétariat du Comité Médical », et à, d’autre part : « […] en préciser la date » ! J’écris à nouveau pour rappeler que : je n’ai toujours pas reçu de nom de médecin expert et que c’est précisément ce que je signale depuis des semaines.
Ne sachant vers qui me tourner, j’entame une démarche auprès du défenseur des droits. Par internet, je l’informe du non-traitement de mon dossier de CLM auprès de la DSDEN et du Comité Médical Départemental. Je suis très rapidement orientée vers un interlocuteur en Gironde que je rencontre moins d’une semaine après, avec mon dossier. Surpris de la situation, il va faire des démarches auprès de ma hiérarchie, comme auprès du Comité Médical Départemental. Cependant, le délégué départemental du défenseur des droits m’annonce clairement que toute démarche de sa part, aussi légitime que possible d’un point de vue éthique, n’aurait que peu de poids.
La suite opératoire entraîne un inconfort au niveau de l’aisselle où la chaîne ganglionnaire a été partiellement enlevée. Une poche de lymphe se crée, car le drainage lymphatique ne se fait plus naturellement. Quelques ponctions de lymphe seront nécessaires ainsi qu’un suivi en kinésithérapie.
Les injections de l’immunothérapie se poursuivent.
Je ressens d’importantes douleurs articulaires au niveau des hanches. J’ai toujours de nombreuses pertes de mémoire et aussi des difficultés de concentration.
Mon médecin généraliste prolonge mon arrêt maladie, encore.
Plutôt que de passer par les services postaux, je décide de remettre ce dernier avis d’arrêt de travail au bureau de mon Inspecteur directement, en main propre. Je dépose également une demande de prolongation de mon Congé pour Longue Maladie (CLM) pour six mois supplémentaires ainsi qu’une demande de reprise à temps partiel pour raison thérapeutique pour la prochaine rentrée de septembre… on ne sait jamais, ma demande du mois de septembre précédent n’ayant toujours pas abouti, je préfère anticiper…
J’ai donc fait le déplacement : je me présente dans les différents bureaux, avec ma tête de malade : sans sourcils, l’absence de cheveux est cachée par un bonnet. Je confirme que non, je ne pourrai pas reprendre le travail, que l’énergie à renouveler les arrêts maladie mensuels me coûte, je voudrais juste me concentrer sur ma santé…
Je suis à demi-traitement, cela signifie que je ne perçois plus que la moitié de mon salaire. Je ne suis pas seule à gérer la charge du foyer, j’ai cette chance…
Février 2020 :
Examens médicaux préparatoires à la radiothérapie ; kinésithérapie ; immunothérapie.
Le début de la radiothérapie est envisagé pour la fin de mois : 33 séances programmées.
À la fin de ce mois de février, cinq mois après ma demande et de nombreuses relances, je reçois un courrier du Secrétariat du Comité Médical Départemental m’indiquant le nom d’un médecin expert ! Le rendez-vous est programmé pour le mois suivant.
Je découvre que les prélèvements de sécurité sociale et de mutuelle, qui se font habituellement directement sur mon salaire, ont été suspendus depuis le début de l’année 2020. Mon salaire étant réduit de moitié, les prélèvements ont été automatiquement suspendus. Panique ! J’entame les démarches auprès de la mutuelle pour que les prélèvements se fassent directement sur mon compte en banque. Je n’ai pas vraiment besoin de ce nouveau tracas et ce n’est pas le moment de perdre la couverture santé. C’est une source d’angoisse supplémentaire.
Je continue d’aller voir mon médecin généraliste pour qu’il prolonge mon arrêt maladie.
Les douleurs aux hanches sont aiguës et s’installent. Je les signale à plusieurs reprises. L’oncologue attribue ces douleurs aux hormones et me renvoie vers mon gynécologue.
La fatigue accumulée plus les tracas administratifs me pèsent terriblement. Je me sens très seule et démunie dans ce parcours qui finit par m’apparaître comme insurmontable. Je cherche à obtenir un rendez-vous avec une psychologue pour les jours à venir. C’est prévu pour la fin mars.
Mars 2020
Radiothérapie : traitement quotidien au centre des cancers, sauf les samedi et dimanche. 28 séances sont finalement prévues, ainsi, du lundi au vendredi, je vais prendre ma dose de rayons.
L’immunothérapie se poursuit.
Poursuite des visites auprès de la kinésithérapeute pour le traitement du lymphocèle : une poche de lymphe se crée sous mon aisselle, il faut la drainer.
La visite auprès du médecin expert a enfin lieu. Trois demandes sont effectuées dans le même temps : une première demande de Congé Longue Maladie pour 6 mois (août 2019 à février 2020), une demande de prolongement de ce même CLM pour les 6 mois suivants (février à août 2020) et une demande de reprise du travail à temps partiel pour raison thérapeutique à compter de la rentrée 2020.
Il aura fallu sept mois pour enfin rencontrer la personne qui pourra agir, afin que soit acté mon congé pour longue maladie. J’espère pouvoir profiter d’une petite pause administrative avec mon employeur.
Arrive alors ce que personne n’aurait pu anticiper : Covid-19. Crise sanitaire. Un confinement est annoncé pour les jours qui suivent.
C’est complètement inattendu et inédit.
Je m’écroule. Mon moral plonge.
J’espérais changer d’air, dès la fin de la radiothérapie, entre mes séances de kiné. J’ai l’impression que le tunnel dessiné par les traitements se prolonge sans fin. L’espoir d’une liberté possible s’éloigne vers un délai inaccessible… D’autant plus inaccessible que je fais partie des personnes dites « fragiles », avec un système immunitaire malmené par les différents traitements, mon confinement risque d’être long.
En milieu de mois, un courrier de la direction du centre de sécurité sociale et mutuelle s’étonne que j’aie suspendu mes cotisations. Je frôle la panique et le désespoir ! Je parviens à trouver une interlocutrice qui tente de résoudre les différents problèmes pour remettre mes cotisations, pour ma couverture santé.
Compte-tenu du contexte sanitaire particulier et inédit, j’évite de traîner dans la salle d’attente de mon médecin généraliste qui prolonge néanmoins, encore, mon arrêt maladie.
La radiothérapie suit son cours : je continue d’aller prendre ma dose de rayons du lundi au vendredi et ce, avec masque dès la date du confinement.
Au centre de traitement des cancers, les consultations sont réduites au minimum et à l’essentiel des nécessités thérapeutiques. La visite de bilan hebdomadaire avec le radiothérapeute est ainsi suspendue dès le début du confinement. Le rendez-vous avec la psychologue est annulé et rien ne peut être prévu compte-tenu du contexte. Après huit mois de lutte contre la maladie, à tenir debout, après autant de mois à me débattre face à une situation administrative qui ne devrait pas être compliquée, je suis effondrée.
Après 7 mois en arrêt, je n’ai toujours pas de nouvelle du Congé longue Maladie suite à la visite avec le médecin expert.
Poursuite de la kinésithérapie, j’ai la chance inouïe que ma praticienne accepte de se déplacer à domicile, pendant le confinement.
Douleurs articulaires, plus seulement sur les hanches mais sur tous les points d’appui en fonction de ma posture : épaules, hanches, coudes, dos… ces douleurs me réveillent très souvent, le changement de points d’appuis est nécessaire. J’ai besoin de bouger pour me soulager mais, les cours de gymnastique, auxquels je n’aurais quasiment jamais cessé de participer depuis le début de mon cancer sont suspendus eux aussi...
Avril 2020
Le moral plonge. Confinement oblige, la séance avec une psychologue prévue le mois dernier a été annulée. Je vais mal. Après une demi-journée éprouvante, à ne pouvoir cesser de pleurer, pendant la radiothérapie puis pendant l’injection de l’immunothérapie, je parviens, grâce à l’intervention du médecin interne désemparé par mes larmes incessantes, à rencontrer une psychologue au centre de traitement contre les cancers. Je la verrai désormais au moment des séances d’immunothérapie, toutes les trois semaines.
Infection au niveau de mon lymphocèle, de nouvelles investigations médicales sont nécessaires : échographie et prélèvement de la lymphe. L’infection est due à une forme de staphylocoque, elle nécessite une antibiothérapie et la poursuite de la kiné.
Je suis informée que compte-tenu de la crise sanitaire, les réunions du Comité Médical sont suspendues.
La radiothérapie s’achève.
Poursuite de l’immunothérapie et des séances de kiné.
Le confinement a interrompu les activités qui me faisaient du bien : chorale et Pilates.
Mai 2020
Dans le cadre de la crise sanitaire due à la Covid-19, la dernière rencontre avec l’oncologue se fera en distanciel via l’ordinateur. Cela me semble insupportable et violent. Je le signale et obtiens un rendez-vous en présentiel pour la fin du mois de juillet.
Le lymphocèle par sa structure semble résister au traitement antibiotique pour lutter contre le staphylocoque, il est donc prolongé.
Se poursuivent : l’immunothérapie, les rencontres avec la psychologue et les séances de kiné.
Un courrier m’informe que le comité Médical doit se réunir en fin de mois et que mon dossier de demande de Congé Longue Maladie sera traité. Par mail et par courrier, puisque j’ai la possibilité de compléter cette demande, j’indique que mon état de santé nécessitera une prolongation du CLM et qu’il n’est pas nécessaire de traiter la partie du dossier concernant une reprise à temps partiel pour raison thérapeutique.
Juin 2020
Suite à la réunion du comité Médical, l’attribution d’un congé longue maladie d’un an et la reprise à temps partiel en septembre 2020 sont validés. Les mail et courrier, que j’ai écrits pour que ne soit pas traitée la question de ma reprise au travail, n’auront pas été pris en compte.
Neuf mois sont passés depuis ma demande initiale, neuf mois pendant lesquels je serais allée voir mon médecin généraliste afin qu’il prolonge mon arrêt initial de travail, neuf mois d’échanges de mail pour transmettre ces documents, neuf mois pour que soit actée une année de Congé pour Longue Maladie. Compte-tenu de mon état de santé, je présage que ce parcours va être à refaire, car je réalise maintenant que je ne pourrais pas reprendre le travail à la rentrée prochaine. Je dois renouveler la demande pour prolonger le CLM.
En effet, mes états physique et psychologique sont tels que la prolongation du congé longue maladie pour quatre mois complémentaires est nécessaire.
Par rapport à mes douleurs articulaires persistantes, ma gynécologue les attribue aux traitements subis : d’autres patientes qu’elle suit, atteintes elles aussi de cancer, éprouvent les mêmes gènes.
Poursuite : de l’immunothérapie, des rencontres avec la psychologue et des séances de kiné.
J’envisage d’aller en cure post-cancer à l’automne, je commence à m’informer à ce sujet. Une demande auprès de ma mutuelle est rédigée par mon médecin généraliste.
Juillet 2020
Un an est passé depuis l’annonce de la maladie.
Mon administration ne m’a pas envoyé de courrier accusant réception de la demande de prolongation du congé longue maladie pour quatre mois complémentaires.
Fin juin, j’ai perçu à nouveau la moitié de mon salaire, ma situation administrative, si elle semble régularisée sur le papier, n’est toujours pas réglée pour la partie financière. Ce doit être le temps administratif…
Visite avec l’oncologue. Les douleurs articulaires persistantes pourraient être dues à l’immunothérapie, ou plus précisément son générique. Il semble que de nombreux patients signalent les mêmes gènes et douleurs.
L’immunothérapie par injection se poursuit, ainsi que les rencontres avec la psychologue et les séances de kiné.
La demande de cure thermale post cancer est acceptée par mon organisme de couverture santé. J’effectue les démarches d’inscription auprès du centre, je cherche un logement pour la durée des trois semaines d’une cure que j’organise pour le mois de novembre. Je réserve et paie les arrhes.
Août 2020
Poursuite de l’immunothérapie, des rencontres avec la psychologue et des séances de kiné.
La régularisation de mes rattrapages de salaires a eu lieu à la fin du mois de juillet. 7 mois de demi-traitement rattrapés ! je suis à jour au niveau administratif jusqu’à la fin du mois.
Pause estivale bienvenue.
Septembre 2020
Poursuite de l’immunothérapie, des rencontres avec la psychologue et des séances de kiné.
Mes douleurs articulaires sont toujours présentes, elles ne s’estompent pas et me réveillent souvent les nuits. Je dors très peu. Seuls les mouvements effectués très régulièrement dans la journée : du type étirements ou gymnastique douce, me permettent de supporter la douleur. Je m’étire donc, plusieurs fois, jour et nuit.
Octobre 2020
Pour ma demande de prolongation du CLM : j’ai, dans le contexte sanitaire fluctuant et toujours incertain, un rendez-vous téléphonique avec le médecin expert. Celui-ci, après un questionnaire sur mon état de santé physique et psychologique, et tenant compte de la Covid-19 alors que mon immunité est encore trop fragile, demande la poursuite de mon congé pour 6+6 mois, soit une année complémentaire d’arrêt de travail pour raison médicale.
Même avec mon corps très affaibli et mes muscles qui flageolent quand je les sollicite, l’activité physique m’est indispensable et reste nécessaire. Les mesures prises pour lutter conter la propagation de la Covid ont entraîné une nouvelle fois la fermeture des associations sportives…
… et plane également le risque d’annulation de la cure thermale que je fantasmais depuis des semaines.
Fin de l’immunothérapie : plus d’injection !
Les douleurs articulaires persistent, les difficultés de mémoire et de concentration également, ainsi que les troubles du sommeil.
Rendez-vous de suivi post-cancer : Tous les signaux concernant la lutte contre mon cancer sont très positifs, je semble guérie. Excellente nouvelle ! Mes interrogations demeurent concernant mes douleurs et mes difficultés de sommeil. Le médecin me rassure : les impacts des traitements sont très longs à éliminer par le corps, la fatigue résiduelle va être très longue à évacuer. Il m’invite à ne reprendre, à la rentrée de l’année scolaire suivante, qu’à mi-temps thérapeutique et me prévient que ce sera déjà bien assez fatigant.
Cependant, cet impact physique me questionne quant à la poursuite de ma carrière et ma capacité à faire classe. Je ne suis pas sûre de pouvoir gérer mes douleurs et, surtout, le cumul avec l’absence de sommeil m’inquiète par rapport à la patience et le calme nécessaires à maintenir face aux enfants. Je ne parviens pas me projeter dans une classe face à des élèves. Quelle réorganisation professionnelle puis-je envisager sereinement ?
Novembre 2020
Nouveau rebond sanitaire : un nouveau confinement avec des sorties et un périmètre de promenade limités est décrété…
Je poursuis mes rencontres avec la psychologue. Les séances de kiné resteront toujours nécessaires pour l’assouplissement du tissu cicatriciel, pour l’amplitude des mouvements du bras et pour l’activation du circuit lymphatique là où la chaîne ganglionnaire a été impactée.
Je ne profiterai encore pas de cure thermale post-cancer. Elle est annulée moins de 10 jours avant la date à laquelle elle aurait dû commencer. Ma déception est immense.
Plus d’activité physique non plus, cela me pèse, car le mouvement est indispensable pour supporter mes douleurs articulaires.
Je suis à demi-traitement depuis le début de la deuxième année d’arrêt maladie, je ne perçois que la moitié de mon salaire. Mon organisme de santé, sécurité sociale plus mutuelle, va me verser, chaque mois, un petit complément de revenus pour pallier cette perte financière.
Décembre 2020
Je poursuis les séances de kiné.
Ma demande pour une cure post-cancer ayant été validée pour l’année 2020 uniquement, j’anticipe et mon médecin rédige une nouvelle demande à l’attention de ma sécu-mutuelle.
Je ne travaille plus depuis plus de quinze mois. Je ne culpabilise plus de ne pas être au travail en classe, cependant, je m’inquiète de la suite de mon parcours professionnel compte-tenu de mon état physique, l’absence de sommeil, les douleurs, ma très grande fatigabilité et mon état psychologique. Un message reçu dans ma boite académique a attiré mon attention : une proposition qui semble nouvelle et dont je me saisis. J’effectue donc une demande de rencontre avec un « conseiller RH de proximité ».
2021 : Janvier
Bonne année ?
Douleurs articulaires toujours très fortes.
L’impact sur mon sommeil est important : je dors environ 3 h par nuit. Je me réveille très souvent. À chacune de ces pauses nocturnes, je fais de silencieux étirements et mouvements pour « huiler » mes articulations douloureuses. Je me sens incapable reprendre la classe face élèves avec un tel déficit en sommeil et ces douleurs permanentes. Pour faire un point, j’attends avec impatience le rendez-vous avec un RH de proximité.
Je ne parviens pas à profiter du dispositif « sport sur ordonnance », je me demande si je ne devrais pas être prof de gym douce pour profiter des bienfaits que m’apporte la pratique d’activité physique qui m’est devenue nécessaire et indispensable pour supporter la gêne due aux douleurs permanentes et en faire bénéficier d’autres personnes malades également.
Je rencontre le RH de proximité et cette entrevue me remotive. J’ai, selon lui, un projet cohérent. Il me conseille de faire un bilan de compétence après activation de mon CPF, compte personnel de formation, pour mettre toutes les chances de mon côté.
Oups… et bien non : je fais partie de la fonction publique et comme je suis placée en congé de longue maladie, je n’ai pas le droit de me former. Que faire alors ? Il semblerait que je doive rencontrer le médecin du travail pour lui exposer mes difficultés physiques, les conséquences prévisibles dans la classe afin, éventuellement, qu’il puisse activer mon droit à la formation. Pourrait se poser également la question de mon aptitude à effectuer encore ce métier de professeur des écoles. Covid oblige, ce rendez-vous ne pourra avoir lieu qu’au mois de mars.
Février 2021
La demande de cure est acceptée, mais pas remboursée à 100 %. Je ne comprends pas, je questionne mon centre de mutuelle/sécurité sociale. Encore une démarche dont je me serais passée.
Après 18 mois d’arrêt de travail et de traitements, je réalise que je n’ai pas pu avoir d’aide ménagère après mon opération, un changement de centre de gestion et mon épuisement face à ces démarches auront eu raison de moi. La cure, contexte sanitaire oblige, m’est passée sous le nez. Je vais essayer d’en obtenir une pour cette année civile : il me semble qu’elle me permettrait de ponctuer, au moins symboliquement, ce long chapitre du cancer. Les douleurs articulaires sont cependant toujours très présentes. Chaque position, assise ou couchée, ne peut être tenue longtemps, car j’ai mal à tous les points d’appuis : hanches, épaules, genoux et parfois même le dos. Ce sont ces douleurs qui me réveillent de nombreuses fois chaque nuit et m’obligent à changer de position. Assise, j’ai le sentiment d’être hyperactive, je me lève, fais le tour de ma chaise, et effectue des mouvements de bassin, bras… pour mobiliser mes articulations.
Mes rendez-vous en kinésithérapie ont lieu toutes les semaines.
Mars 2021
Le rendez-vous avec la médecine du travail a lieu et je ne sais qu’en conclure. Je transcris ici ce que j’ai retenu des propos du médecin du travail, c’est assez brutal.
Oui, avec la Covid-19, vous avez été, malade au mauvais moment.
Vous êtes en rémission, comment se fait-il que vous n’ayez pas déjà repris le travail ?
Les douleurs articulaires ne seraient-elles pas dues à votre grande minceur ? Son regard est lourd, je ne sais qu’en penser ? C’est l’angoisse qui vous empêche de reprendre, une fois en classe, tout ira très bien.
Si vous avez mal en posture assise, si vous avez mal debout, faites-vous prescrire un « fauteuil assis debout ».
Vous n’en avez pas fini avec l’Éducation Nationale, madame, non.
Non, vous n’êtes pas inapte, pour ça il faudrait être sourde. Il faudrait que vous n’ayez plus de voix. Ou encore, à la limite, faudrait-il que vous mettiez les élèves en danger en ne les surveillant pas pendant les récréations.
Je fais part au médecin du travail, de mon grand désarroi à l’écoute de ses propos. Je lui fais part aussi de mes craintes quant à mes réactions vis-à-vis des élèves avec un si grand déficit en sommeil.
Ne vous inquiétez pas, il n’y aura aucun problème, votre professionnalisme prendra le dessus, il suffit de se remettre en selle !
À la question d’une formation pour une éventuelle reconversion, les réponses sont lapidaires : très peu de CPF, ou compte personnel de formation, sont débloqués. La médecine du travail m’indique qu’il serait plus réaliste que je me reprenne le travail en mi-temps thérapeutique, pour faire ce que je veux de mon temps libre, c’est-à-dire en me finançant moi-même une formation si je le souhaite. Quand je signale qu’actuellement, je n’ai que du « temps libre », ou plutôt thérapeutique, que je ne parviens pas à faire ce que je veux et que le travail, même à mi-temps, absorbera toute mon énergie, il m’est rétorqué que si je surinvestis [mon] champ professionnel, un travail psychologique devrait être effectué...
Quant à la rupture conventionnelle ? N’y comptez pas !
Pour un éventuel aménagement de poste ? Je n’ai qu’à contacter la DRH de mon administration, parce que celui que j’ai vu en janvier, il ne compte pas. Pour appuyer ces derniers propos, il y a ce geste : un coup de balai de la main.
Secouée par ce rendez-vous, je ne sais plus où j’en suis. Dans ma démarche de questionnement qui fait suite à la maladie et mon actuel état de santé, je recherche des réponses pour une reprise ou une poursuite cohérente et viable de mon activité professionnelle. Je cherche de l’aide, des renseignements pour cela et les réponses apportées par ce dernier rendez-vous nient tout simplement mes difficultés, quand je n’en suis pas tenue pour responsable.
Si je me retourne et regarde mon rapport à l’administration ces derniers mois, le constat n’est pas terrible.
Il y a un an, j’ai été placée à demi-traitement pendant huit mois par mon administration car, les temps de traitements administratifs sont démesurément longs. Pendant ces mois, non seulement, aucune information sur ce temps de carence ne m’a été donné, mais il m’a même été renvoyé des réponses sous-entendant que c’était moi qui n’avais pas fait le nécessaire.
Après la chimiothérapie, à la suite de mon opération, je n’ai pas pu bénéficier, encore, d’une aide à domicile quand j’en aurais eu besoin. Le dossier avait pourtant été transmis à ma mutuelle. Avec des changements de procédures et de nouveaux organismes sous-traitant, il ne s’est rien passé. Après quelques coups de fil de relance, je n’ai plus eu la force.
Depuis la fin 2020, mon état physique me pousse à m’interroger quant à la suite de ma carrière professionnelle. Je me tourne d’abord naturellement vers mon institution et les dispositifs qu’elle propose. Dans le cadre du travail, n’avons-nous pas des droits ? Qui est concerné par le droit à la formation ? Des dispositions ne doivent-elles pas être prises après un arrêt maladie si long ?
Avril 2021
En bonne élève, j’ai sollicité une rencontre avec la Direction des Ressources Humaines. J’obtiens un rendez-vous téléphonique, Covid oblige. Me sont confirmés à cette occasion les propos entendus à la médecine du travail, concernant l’activation du compte personnel de formation et la rupture conventionnelle : trop de demandes pour trop peu d’élus dans les deux cas. Si je veux essayer autre chose, un autre métier, une autre activité ou une autre voie professionnelle, je peux me mettre en disponibilité et même démissionner. J’explique à la DRH toutes les difficultés auxquelles je dois faire face : des difficultés physiologiques, troubles du sommeil, difficultés de concentration, fatigabilité excessive et des douleurs quasi permanentes. Mon interlocuteur admet que cela peut rendre difficile le travail de classe et le suivi de cohorte. M’est suggéré un poste différent : enseignante remplaçante mobile en zone géographique limitée. Je pourrais ainsi effectuer des remplacements courts dans différentes classes de différents niveaux, quand les professeurs des écoles sont malades par exemple. Cela aurait le mérite de me permettre d’alléger ma charge mentale : pas de suivi de classe ou d’élèves. Je pourrais aussi apprécier, au cours des remplacements, comment je peux vivre une journée de classe et ce que je suis capable de supporter. En Gironde, en école primaire, les enseignants ne peuvent travailler à la demi-journée, les aménagements de travail se font par journées complètes.
Si je n’obtenais pas ce poste au mouvement, une demande de délégation serait possible. Mon interlocuteur de la DRH me confirme bien que : compte-tenu de mon état de santé, ce type de poste de remplaçant ne pourrait m’être refusé. Ainsi, je vais participer au mouvement pour changer de poste en suivant ses conseils : demander un poste de remplaçant. Je l’informe également, de ma demande d’activation de mon Compte Personnel de Formation.
J’envisage la rentrée de la façon suivante : en classe en mi-temps thérapeutique. Idéalement, je serais en classe deux jours par semaine, qui ne se suivent pas, pour pouvoir récupérer de la fatigue générée par la classe et l’attention portée aux élèves…
Je me renseigne sur des formations pour pouvoir enseigner de la gymnastique douce ou du Pilates. Je cherche à savoir si, puisque j’enseigne toutes les matières depuis plus de 20 ans, des équivalences sont possibles. Je suis orientée vers un organisme de formation proposant une certification pour enseigner la gymnastique volontaire. C’est pour le financement de cette formation que je demande l’activation de mon CPF.
Mon suivi post cancer se poursuit : rendez-vous avec la radiothérapeute.
Le cancer semble vaincu, tout va bien à ce niveau-là. Je comprends que le terme de guérison ne s’emploie pas : dans un temps si court après la maladie, il semble que le terme de rémission est privilégié. La poursuite des séances de kinésithérapeute est prescrite pour prévenir un éventuel œdème, pour le circuit lymphatique et pour assouplir de la cicatrice.
Je rappelle à la radiothérapeute toutes mes difficultés physiologiques et surtout la persistance de mes douleurs articulaires signalées au corps médical depuis janvier 2020. Ces douleurs cumulées à mes difficultés de sommeil font que je ne sais comment envisager la reprise d’une classe : face à un groupe d’élève, la disponibilité de l’enseignant doit être totale. Je m’en inquiète beaucoup. Une orientation vers un médecin spécialiste des douleurs est engagée.
Ce médecin pose un nouveau diagnostic : Fibromyalgie.
Mes douleurs articulaires, ce sentiment de raideur dans mon corps qui aurait besoin d’être « huilé » en permanence, mes nombreux réveils nocturnes à cause des douleurs, les difficultés pour dormir et mon faible temps de sommeil… Tous ces éléments combinés semblent correspondre au tableau clinique de ce syndrome. Cela implique la poursuite de la psychothérapie, la prise d’un antidépresseur pour mieux dormir, moins souffrir et la pratique de l’activité physique pour éviter que les symptômes, dans mon cas les douleurs, augmentent. Un traitement complémentaire est proposé : des séances de stimulation magnétique qui se feront au Centre d’évaluation et de Traitement de la Douleur (CETD), toutes les deux semaines environ.
Mai 2021
Sur les conseils des différents médecins, je décide de monter un dossier en vue d’une Reconnaissance de Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH). Ce dossier, apparaît comme légitime après un cancer du sein, il semble l’être d’autant plus avec un syndrome complémentaire : dans mon cas, la fibromyalgie.
J’envoie à mon administration le dossier pour une reprise du travail en mi-temps thérapeutique. Il devrait être déposé deux mois avant la date de fin de l’arrêt maladie le 21 août. Vu le temps qu’il aura fallu pour le traitement des arrêts précédents, je préfère anticiper et prévoir large avec un peu plus d’un mois supplémentaire.
La question du remboursement non intégral de la cure thermale n’est pas éclaircie. Je suis fatiguée.
Fatiguée physiquement, suite à la fin des traitements.
Fatiguée moralement de remplir des dossiers. Fatiguée de suivre ces dossiers. Fatiguée de ne pas avoir de répit, fatiguée de ne pas simplement pouvoir récupérer, me reconstruire, sans penser à tout ce qui semble ne jamais pouvoir aboutir…
Juin 2021
Faute de barème suffisant (ancienneté), je n’obtiens pas le poste de remplaçante.
Je contacte donc mon supérieur hiérarchique que je ne connais pas. Si je dois demander une délégation, pour laquelle il est susceptible d’émettre un avis, je dois lui expliquer la situation. Au cours d’un rendez-vous par entretien téléphonique, après avoir écouté mon parcours, il m’annonce qu’il va donner un avis favorable à ma demande de délégation pour un poste de remplaçante mobile en mi-temps thérapeutique. Cette décision ne lui appartenant pas, il me conseille de rencontrer à nouveau la médecine du travail afin que celle-ci appuie également cette demande.
A la médecine du travail, je revois la même personne qu’en mars, mais avec mon nouveau diagnostic, la fibromyalgie. La teneur de notre entretien diffère du précédent : mes inquiétudes, quant à ma capacité à reprendre le travail, semblent, cette fois, audibles.
Juillet 2021
Poursuite des RdV Psy + kiné + CETD
Pas eu de nouvelles du comité médical par rapport à ma reprise. J’ai contacté le médecin expert par anticipation et ai obtenu un rendez-vous avec lui en tout début de mois : il valide ma demande de reprise de travail en mi-temps thérapeutique, d’autant que l’aménagement de travail proposé semble satisfaisant.
Dépôt de mon dossier MDPH à la cité Municipale : c’est une demande de RQTH (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé) qui me permettra peut-être de faire valoir des droits à la formation ou de pouvoir activer mon CPF ? Le traitement de ma demande devrait prendre 6 à 8 mois.
Dossier CPF : ma candidature n’aura pas été retenue, faute de crédits disponibles.
Réponse à ma demande de délégation : refus de l’administration qui m’est envoyé par un mail. Je ne recevrai pas de réponse par courrier. Ainsi, cette demande d’aménagement de poste, qui m’a été proposée par la DRH, qui a été appuyée par un courrier de la médecine du travail et qui a été accompagnée de l’avis favorable de mon supérieur hiérarchique, m’est refusée. Cette demande même, que la DRH m’avait affirmé ne pouvant être refusée.
J’éprouve un sentiment d’injustice immense, je ne comprends pas. Ainsi, toutes les démarches que j’effectue depuis le mois de décembre de l’année dernière, auront été vaines. J’ai l’impression d’être désavouée, mais de ne pas être la seule : les personnes qui m’ont orientée et accompagnée dans mes démarches : médecine du travail, DRH et Inspecteur, ne l’ont-ils pas été également ?
Je rédige un long courrier, pour une révision de cette réponse négative, sur le site du ministère de l’Éducation Nationale, au rectorat, ainsi qu’au Directeur Académique des Services de l’Education Nationale de l’académie. Je transmets ce même courrier au médiateur de l’Éducation Nationale.
Perte de ma carte d’identité : cela semble, a priori, n’avoir rien à voir avec mon parcours médical et administratif. Depuis les traitements, j’ai des difficultés avec les mémoires immédiates et à moyen terme, j’éprouve également des difficultés à penser plusieurs choses en même temps. Je passe mon temps à faire des listes et je perds de plus en plus d’objets.
Août 2021
Pas de nouvelles du Comité Médical Départemental quant à ma reprise qui devrait pourtant théoriquement avoir lieu fin août. Je reste sur le qui vive à partir de la date de fin de mon congé longue maladie, à disposition de mon employeur.
Avec l’été, les traitements fonctionnent au ralenti : séance au Centre de Traitement de la Douleur et séance de kiné.
Les douleurs articulaires et musculaires persistent, les difficultés de mémoire et de concentration également, ainsi que les troubles du sommeil.
Septembre 2021
Mon arrêt de congé longue maladie ayant pris fin le 21 août, j’aurais dû faire la rentrée.
Je n’ai, en début de mois, aucune nouvelle de mon administration. Je n’ai pas non plus de nouvelle du médiateur de l’éducation nationale.
À la mi-septembre, des rumeurs de ma reprise du travail me parviennent par l’intermédiaire de la directrice de mon école avec laquelle je n’aurais jamais cessé d’être en contact.
Mon gestionnaire m’appelle. Il a le document de compte-rendu du Comité Médical, qui indique que je dois reprendre mes fonctions « dès que possible » sur mon poste d’affectation, c’est-à-dire dans une classe de CP. Le poste de remplaçante que j’ai demandé et que l’administration me proposait comme aménagement de travail n’existe pas. L’aménagement de poste, inscrit par la médecine du travail dans le dossier de demande de Reconnaissance de Qualité de Travailleur Handicapé, n’existe pas. Aucun des courriers que j’aurais adressés aux différents services de l’administration n’aura eu de réponse.
Je devrais donc, reprendre le travail « dès que possible », les jeudi et vendredi, car ces jours correspondent aux disponibilités de la personne qui complétera mon mi-temps thérapeutique.
La DRH confirme : je dois effectivement reprendre à mi-temps thérapeutique en classe de CP. Ce niveau d’apprentissage n’est habituellement pas attribué à des enseignants à mi-temps. Dans mon cas ce sera possible. Je rappelle au cours de cet entretien téléphonique mes demandes d’aménagement de poste, demandes qui ont d’ailleurs fait suite à la proposition de mon interlocuteur. Je rappelle, mes douleurs, mes troubles du sommeil, mes problèmes de mémoire… Il m’est dit textuellement qu’il n’y aura « pas de création de poste sur mesure » à mon attention. Je craque, je pleure, je rappelle que mes démarches pour ne pas me mettre en difficulté au travail durent depuis une dizaine de mois.
Un entretien de pré-reprise est prévu au début de la semaine suivante.
Est-ce nerveux ? Mon sein gauche est rouge, chaud et douloureux et j’ai deux ganglions sous l’aisselle droite comme un pâle miroir de ce qui avait provoqué mon arrêt initial. Mon généraliste affolé prescrit les examens nécessaires. Il ne souhaite pas que je reprenne le travail. Pour ma part, je pense qu’il faut affronter de toute façon cette machine infernale et organiser la suite de mon parcours professionnel. Les examens médicaux ne montreront rien d’alarmant, la présence des ganglions indique que mon organisme a lutté contre… quoi ?
Mon supérieur hiérarchique est au regret de m’annoncer qu’en effet, mon dossier n’a pas été très bien géré. À moi de trouver la bonne distance dans mon rapport au travail pour me ménager.
Je rencontre ma collègue de mi-temps le 22 septembre et serai en classe le lendemain. Reprise du travail.
Octobre 2021
La pédagogie, ça revient en effet. Deux jours de classe de suite, c’est difficile. Debout toute la journée, à piétiner beaucoup, les temps de pause sont rares quand il faut enchaîner les temps d’enseignement en classe avec le service de récréation, la surveillance des élèves dans la cour. Vigilance permanente, des yeux et des oreilles partout. Répondre à tous les élèves, au mieux. Rassurer, encourager, enrôler dans l’activité scolaire, convaincre… J’ai mal au ventre, pesanteur sur l’estomac due à la station debout et le fait de piétiner du matin au soir. La didactique et la pédagogie reviennent très facilement, c’est comme le vélo.
Je suis épuisée après ces deux jours. J’enseigne, j’en saigne, littéralement…
Après deux semaines de travail en mi-temps thérapeutique, c’est-à-dire quatre jours de classe face élèves, je n’ai plus de voix, je suis placée en arrêt maladie par mon médecin généraliste. La colère et la tristesse me débordent littéralement : je passe les deux jours où j’aurais dû être en classe à pleurer.
Les douleurs me réveillent toujours la nuit et mon sommeil reste perturbé. Asthénie.
Mes oublis se poursuivent, je ne cesse de réaliser mes manquements. Je perds mes affaires ou je les oublie : foulards, tour de cou, gilet sans manche. Contrariant et difficile à supporter.
Je tombe dans l’escalier et le dévale sur le coccyx : j’ai le sentiment d’assister à ma propre chute, à mon propre effondrement.
Novembre 2021
Je suis toujours traversée par la tristesse et la colère.
Après les vacances de la Toussaint, reprise du travail la semaine du 11 novembre, une seule journée de travail cette semaine-là, avec, dans le contexte sanitaire lié à la Covid, avec 6 élèves en moins, mais j’en sors sans voix, épuisée et aphone.
Je poursuis les soins en Centre d’Évaluation et de Traitement de la Douleur, en kiné et psy.
Décembre 2021
Mon administration me demande de justifier mon absence de début septembre : la période où j’attendais des nouvelles administratives de ma reprise. Ça n’est pas une plaisanterie. J’ai l’impression qu’un couteau rouillé est remué dans la plaie. Je réponds par messagerie électronique en rappelant que : la demande de reprise à temps partiel pour raison thérapeutique a été effectuée dès mai 2021 et que « l’agent ne peut pas reprendre son emploi sans avis favorable du comité médical et décision de reprise de son administration de gestion ». Cette décision de reprise date du 16/09/2021, et l'entretien de pré-reprise avec M l'IEN n'a eu lieu que le 20/09/2021. Je conclus que la justification de mon absence semble être une lenteur de traitement administrative.
Aucune nouvelle quant à l’avancement du traitement de mon dossier de reconnaissance de handicap, ni du dossier de renouvellement de ma CNI.
Ce long parcours administratif commence à peser sérieusement…
2022 : Janvier
Bonne année ?
Reconnaissance de Qualité de Travailleur Handicapé : le dossier est toujours en cours de traitement.
Ne m’imaginant pas faire une nouvelle rentrée des classes en septembre prochain et suite aux conseils de la psychologue qui me suit, je rencontre une assistante sociale au centre de traitement contre le cancer. J’ai l’impression que mon histoire est de plus en plus longue à raconter et qu’il faut une demi-heure pour exposer les faits et les difficultés administratives. J’apprends que j’aurais pu être accompagnée dans la constitution de mon dossier MDPH. J’entends également qu’il y a des assistantes sociales à l’Éducation Nationale (EN), qu’il serait plus pertinent que je m’adresse à l’une d’entre elles, car des réponses spécifiques aux corps enseignant pourront m’être apportées.
Je repars donc avec, de potentiels interlocuteurs au sein de mon administration dont j’ignorais l’existence et vers lesquels je n’ai jamais été orientée
Un nouvel entretien téléphonique a lieu avec une assistante sociale de l’EN. Je recommence mon histoire, je repose mes questions concernant un repositionnement professionnel. J’apprends qu’il aurait été possible de me former en étant malade si le médecin du travail avait activé ce droit. À l’exposé de ma situation et de mes demandes, elle m’invite à prendre contact avec un conseiller gestion carrière et réorientation. Il aura fallu plus d’un an pour découvrir l’existence de cette personne ressource. Je prends contact par courrier électronique avec ce nouvel interlocuteur dans la foulée… Je ne pourrais le rencontrer qu’après entretien avec… un membre de la DRH de l’EN !
C’est le serpent qui se mord la queue, ça ressemble à un mauvais rêve, j’ai l’impression que je vais revivre le parcours de l’année passée…
Février 2022
Poursuite des soins contre la douleur et avec la kinésithérapeute.
Mon administration me relance à nouveau pour justifier de mon absence au travail sur cette période où mon congé pour longue maladie avait pris fin, pendant laquelle je n’avais pas l’autorisation de travailler, car j’attendais l’autorisation de mon administration, la réponse du comité médical et un entretien avec ma hiérarchie. Période d’attente due au retard pris par les différents bureaux : comité médical et les différents bureaux de la DSDEN. L’administration m’imposera de faire faire un arrêt médical.
Il y a sept mois que j’ai déposé un dossier à la MDPH. Je pense à toutes les familles qui, au cours d’une équipe éducative dans le cadre scolaire, ont été invitées à poursuivre ce parcours. Il n’est pas simple d’admettre la différence, pour soi, et/ou pour un proche qui peut être son enfant. C’est déjà difficile à entendre. Quand cette difficulté est étiquetée « handicap », une autre étape doit être franchie moralement. Quand enfin, on est prêt à entendre ces mots et les « digérer » : le parcours administratif prend encore des mois. Des mois au cours desquels la scolarité n’est pas interrompue, les difficultés non plus, mais les droits à leur traitement ne peuvent être activés faute de reconnaissance…
Rendez-Vous téléphonique avec le DRH auquel je narre à nouveau, mon parcours, les difficultés au travail, mon état de santé, mes douleurs et l’absence de sommeil. Impression de radoter. L’entretien est cordial. J’entends les différentes possibilités pour quitter mon poste : la demande de disponibilité (une année, sans traitement, sans droit au chômage, à « s’essayer à autre chose »), l’inaptitude et l’obligation de reclassement de l’employeur qui m’emmènerait vers un poste administratif dans la région, le détachement pour un poste dans une autre administration de la fonction publique ou enfin la rupture conventionnelle, que mon interlocuteur associe à une démission, sauf qu’elle me permettrait de partir avec un peu d’argent et le droit au chômage…
La question du deuil de mon métier est posée. Oui, je pense être prête à quitter ce métier merveilleux que je n’ai plus la force de faire correctement, oui. Je voudrais avoir accès à mes droits à la formation tout au long de ma vie, je voudrais prendre le temps de me repositionner. Mon interlocuteur s’étonne du peu de journées d’absences cumulées depuis la rentrée, depuis que j’ai repris le travail. Je l’informe de mon professionnalisme, de plus, il n’y a pas de remplaçant et j’ai une classe de CP, c’est-à-dire qu’il y a face à moi une cohorte d’élèves et leurs parents potentiellement angoissés. Il me semble que je me dois de tenir droit face à ces familles. C’est ce qui me fait tant souffrir, c’est ce qui me pèse et je le pressentais avant même de reprendre le travail. C’est la raison qui m’a incitée à demander un aménagement de poste.
Mon interlocuteur m’informe qu’une réunion, au cours de laquelle devrait être abordée ma situation, avec, entre autre membre : l’assistante sociale avec laquelle je me suis entretenue, se tiendra en début de semaine suivante. Je devrais ainsi pouvoir rencontrer dans la foulée le conseiller d’orientation professionnelle… J’ai de nombreuses questions concernant, par exemple, un bilan de compétences, les dispositifs de formations, et ce qui pourrait s’offrir à moi dans le champ que je souhaite aborder. Quelle faisabilité de mes projets ? J’ai cinquante ans, je suis à l’Éducation Nationale depuis 27 ans.
Il se passera dix jours, sans nouvelles de ces personnes bienveillantes, avant les vacances scolaires, au cours desquelles, plus rien ne se passe administrativement. Quelques jours après la rentrée, sera atteint le délai limite d’envoi d’une demande de rupture conventionnelle.
Mars 2022
Depuis près de 16 mois je cherche auprès de mon institution des réponses pour organiser la suite de mon parcours professionnel, je refais un parcours déjà effectué et je reste sans nouvelle de l’entretien avec la DRH.
J’ai envoyé, dans les délais, une demande de rupture conventionnelle.
Je me sens fatiguée. Qu’attendent les institutions : des renoncements aux droits, des suicides ?
La BIENVEILLANCE prônée partout, où est-elle ?
Poursuite des soins : Kiné, Psychologue et en CETD
Je rencontre enfin le conseiller carrière et mobilité au rectorat auquel je relate à nouveau mes parcours médical et administratif. La pratique quotidienne d’une activité physique permet à mon corps de supporter les douleurs, j’envisage d’en faire mon activité professionnelle. Ce conseiller propose de m’accompagner quant à la faisabilité de ce projet. Les compétences en enseignement semblent transférables.
Suite à ma demande de rupture conventionnelle, un entretien a lieu pour que les informations concernant les principes de ce dispositif, me soient communiquées. Je n’aurai aucun recours si cette demande était refusée. Le montant approximatif de l’indemnité qui me serait versée en cas d’accord de l’employeur, m’est indiqué. Je recevrais environ 21 000 €, après plus de 28 ans de service. Le calcul de cette indemnité est fait à partir de ce que l’agent a touché à l’année N-1 au cours de laquelle j’étais à demi-traitement.
Avril 2022
Une visite, presque réflexe, sur le site dédié, me permet de voir que mon dossier a été traité : Reconnaissance de Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH) + carte priorité. Je transmets aussitôt ces informations à mon administration. J’espère ainsi que se poseront certaines questions concernant : ma capacité à poursuivre comme que professeure des écoles, une nouvelle orientation professionnelle…
Je participe au mouvement pour changer de poste à la rentrée prochaine. Si la rupture conventionnelle était refusée, je ne souhaite pas mettre une fois encore, ni les collègues de l’école, ni les familles en difficulté. Je demande à nouveau un poste de remplaçante. Ça n’est pas satisfaisant, mais ça me semble préférable…
Je demande à consulter mon dossier administratif.
Ma RQTH transmise à l’administration n’ayant aucune conséquence sur mon dossier, je demande un rdv téléphonique avec le référent handicap du rectorat pour la fin du mois suivant.
Poursuite des soins avec la kinésithérapeute, la psychologue et en CETD. Ma tension chute dangereusement. Je refuse l’arrêt de travail : je souhaite finir le trimestre ou la période. À quelques jours des vacances scolaires, je voudrais avoir rendu le travail corrigé de mes élèves, avoir bouclé les projets en cours.
Mai 2022
Après deux semaines de vacances, ma tension est toujours très basse. Mon médecin m’arrête cette fois pour trois semaines.
La rupture conventionnelle est refusée par mon administration. Pourtant, cette année, je ne leur aurais pas coûté très cher...
Nouveau rencontre avec le conseiller mobilité carrière. Nous poursuivons les investigations pour une éventuelle conversion vers le sport santé.
La consultation de mon dossier administratif fait apparaître ceci : AUCUNE des démarches que j’effectue depuis un an et demi n’apparaît. Il n’est pas fait état ni de ma rencontre avec un RH de proximité, ni de mes échanges avec la DRH, ni de mes rencontres avec la médecine de prévention ou avec mon supérieur hiérarchique, ni de mes demandes d’activation du Compte Personnel de Formation… Rien de tout cela n’est dans mon dossier administratif, aucun des échanges de courriels, pas même sous forme de liste. Dossier vide !
Le rendez-vous attendu avec le Référent Handicap du rectorat, après avoir été reporté n’a finalement pas lieu. J’aurais attendu vainement près de mon téléphone. Je ne saurais pas pourquoi.
Juin 2022
Référent handicap : j’obtiens un nouveau rendez-vous pour le mois de juillet 2022.
Nouvelle rencontre avec la médecine du travail, à mon initiative. Ma demande concerne ma capacité à poursuivre le métier de professeure des écoles. Selon la médecine du travail, c’est à moi de faire une demande d’inaptitude auprès d’un médecin agréé. S’il ne me considère pas inapte, je poursuis mon métier de PE. Si je suis inapte, l’EN me fera des propositions de reclassement sur un poste administratif. Si cela ne fonctionne pas, ne me convient pas : retraite pour invalidité. Il ne faudrait pas que je jette l’eau du bain comme ça parce qu’à ce qu’elle entend, vraiment, je ne suis pas prête à faire le deuil de mon emploi… Ma douleur est inexistante à ses yeux et mon manque de sommeil n’est pas un problème pour ce médecin. Tout comme la RQTH, tout est balayé d’un geste de la main.
Cette question de l’aptitude ou inaptitude, c’est moi qui la pose, car elle ne souhaitait pas y répondre. Après 2 années d’arrêt maladie plus une année en mi-temps thérapeutique, l’évaluation de ma capacité à faire le métier de professeur des écoles n’est pas envisagée.
Juillet 2022
Le rendez-vous obtenu avec la référente Handicap est à nouveau différé d’une semaine. Cette personne a pour mission de maintenir dans leur emploi, dans la mesure du possible, le personnel éducation nationale. Elle peut intervenir pour l’aménagement du poste, pour du matériel d’adaptation par exemple. Elle me donne quelques informations concernant mon statut de RQTH.
J’aurais effectivement droit à un temps partiel, mais sans compensation financière. Sur la question du détachement, il existe des ponts théoriques sur le papier vers d’autres administrations, mais non fonctionnels. A l‘Éducation Nationale, reclassement rime avec emploi administratif.
Je ne peux même plus répondre aux questions : « où en es-tu de tes projets ? Que feras-tu à la rentrée ? ». L’idée même de raconter encore ce parcours sans fin m’épuise. Je réalise que je n’en peux plus et que la déprime m’écrase.
Août 2022
L’été me traverse ou je le traverse sans n’en rien retenir. Je ne sais pas vers quel avenir je me dirige. Sommeil insuffisant, douleurs. Mon avenir professionnel dans une classe me semble un fardeau. J’ai peur de perdre patience, j’ai peur de m’agacer trop souvent ou trop fort. J’ai peur de celle que je pourrais devenir : une enseignante aigrie, abîmée, usée, par la douleur et le manque de sommeil. J’ai peur de ne pas reconnaître mon identité professionnelle distordue par la maladie, de devenir celle qui ne me ressemble pas.
Mon mi-temps pour raison thérapeutique doit courir jusqu’à la fin du mois d’octobre, je ne travaillerais donc que deux jours et demi maximum face élèves. Quels jours de la semaine ? Je l’ignore, je questionne l’administration en vain. Je fais la pré-rentrée dans l’école à laquelle je suis administrativement rattachée, tout en informant la secrétaire de circonscription et le bureau qui gère les remplacements, que je suis bien en poste. J’aide les collègues, qui préparent leur rentrée, à réaménager leur classe, à pointer leur commande de manuels et fournitures scolaires...
Septembre 2022
Le jour de la rentrée des classes, un jeudi, je suis toujours dans mon école de rattachement, sans nouvelle des jours où je suis censée travailler. J’informe, ma hiérarchie ainsi que le bureau auquel je suis rattachée, de ma présence sur mon lieu de travail. J’accueille, informe ou oriente les parents à l’entrée de l’école, j’assure le service au portail pendant que les collègues accueillent dans la cour les élèves inquiets de CP, comme leurs parents. Pour les classes des collègues qui en ont fait la demande, je prépare la mise en page des cahiers des élèves. Tout ce travail « invisible » d’aide à l’enseignement me convient, je sais qu’il ne durera pas. Je fuis le bruit dans la cour de récréation, qui me vrille les oreilles, je fuis les enfants qui parlent sans arrêt ou crient.
Suis-je ici à ma place ?
Le vendredi, lendemain de la rentrée des classes, toujours dans mon école de rattachement, je n’ai aucune nouvelle des jours où je suis censée travailler. J’informe, à nouveau par mail, et ma hiérarchie et le bureau qui gère les remplacements, de ma présence sur mon lieu de travail. Je poursuis l’aide aux collègues qui en ont fait la demande : mise en page de cahiers, photocopies... Je fuis le bruit de la cour de récréation et les cris. Peu de patience, pas de tolérance, pas assez dormi et trop mal partout. J’angoisse à l’idée d’une réaction inappropriée de ma part face à un groupe classe.
Qu’est-ce que je fais là ? Je dois travailler pour un monstre qui me piétine et m’ignore depuis des mois. Les démarches que j’ai effectuées n’existent même pas dans mon propre dossier. Je ne suis plus celle que j’étais, je ne me sens plus capable, je suis inaudible.
Je ne suis pas à ma place à l’école si je dois fuir les élèves. Je n’ai rien à y faire si je ne peux que jouer à l’assistante pédagogique et fuir des élèves potentiellement bruyants, potentiellement actifs, tout à fait vivants et eux-mêmes.
Le lundi, je ne retournerai pas travailler. Dépression ?
Que faire avec mon dossier administratif qui ne contient rien, une RQTH pas reconnue et la médecine du travail qui me trouve apte malgré tout ? Que faire avec mes douleurs et l’absence de sommeil ?
Je cherche, je questionne, je me promène d’article en article sur education.gouv, rupture conventionnelle, indemnité de départ volontaire, démission… Quand je lis que pour cette dernière, elle ne prend effet qu’après un délai de quatre (4!) mois, je réalise que l’année prochaine je serais encore liée à l’Éducation Nationale. C’est trop, je rédige et poste en recommandé avec accusé de réception une lettre de démission dans l’après-midi. On est le 16 septembre.
Octobre 2022
Aucune réaction de mon institution suite à l’envoi de mon courrier.
Novembre 2022
Suite à mes nombreuses demande, ma démission sera effective en janvier 2023.
Décembre 2022
J’apprends que la démission n’est pas une solution : l’administration a l’obligation de repositionner ses agents. Trop tard...
Janvier 2023
Le 16 janvier, je ne suis plus à l’Éducation Nationale.
Je m’inscris sur le site de l’URSSAF autoentrepreneur dès le 17 janvier et à Pôle Emploi même si je sais que je n’aurais droit à aucune indemnité pendant 4 mois.
En cette année 2023
Je découvre le Pôle Emploi, les déclarations mensuelles, les contrats aidés…
Je deviens autoentrepreneur et découvre l’URSSAF, les déclarations mensuelles…
Je cours après mes bulletins de salaires, ou contrats, ou paiements...
Je découvre l’éjection automatique de Pôle Emploi à la fin d’un contrat aidé...
Les mêmes douleurs m’accompagnent, à tous les points d’appuis : hanches, épaules, genoux et parfois même le dos. Douleurs qui me réveillent toujours de nombreuses fois chaque nuit.
J’ai toujours le sentiments d’une mémoire défaillante.
Je poursuis la kiné Toutes les deux semaines et poursuis le traitement en centre anti douleurs.
Août 2023
Je reçois un premier courrier de la Direction Régionale des Finances Publiques (DRFiP) : je dois 86,.. € à l’administration. Il semblerait que j’ai injustement perçu une prime de suivi des élèves en décembre 22 et janvier 23. Il est vrai que je n’étais pas face à la classe, je paie. Le lendemain, nouveau courrier qui me réclame cette fois plus de 1300€ , ce qui correspondrait à mon traitement du mois de février… que je suis sûre de ne pas avoir perçu… Je vérifie : en effet, j’ai travaillé 0 (zéro) heure en février. Il y a eu un réajustement en février, où d’ailleurs, la prime de suivie des élèves de mois de décembre 22 et janvier 23 a déjà été récupérée par l’administration. Je l’ai donc injustement versée la veille.
J’envoie donc une réclamation à la direction régionale des finances publiques mais aussi au rectorat de Bordeaux, le donneur d’ordre, pour contester le remboursement de ces prétendus indus de rémunération, bien que j’aie déjà réglé la première.
Octobre 2023
En l’absence de réponse aux courriers du mois d’août concernant les factures émanant de la DRFiP, je réécris au Rectorat de Bordeaux pour réitérer mes demandes d’explications. Je ne souhaite pas rembourser des sommes non perçues.
2024
Pôle Emploi devient France Travail, je continue les déclarations mensuelles, les contrats aidés, l’éjection automatique de Pôle Emploi à la fin d’un contrat aidé ;
où autoentrepreneuse je poursuis avec l’URSSAF et les déclarations mensuelles ;
où je cours après mes bulletins de salaires, ou contrats, ou paiements...
Janvier 2024
Une réponse par mail de mon courrier de mois d’octobre me parvient en toute fin de mois et m’apporte les réponses attendues. Enfin une réponse et des explications. Le trop perçu est dû au fait que j’ai reçu un traitement complet et non un demi-traitement quand j’étais en arrêt. C’est obscur et confus néanmoins, cette réponse a le mérite d’exister… Je dois bien cet argent. L’administration avait bien reçu ma demande de démission en septembre 2022 et avait été avertie de mon absence, il me semble que ces trop perçus auraient pu être évités. Ces titres de perceptions arrivent après trop de difficultés avec l’administration EN depuis 2019. Je rédige une demande de recours administratif gracieux.
Février 2024
J’envoie en courriers suivis une demande de remise gracieuse des deux titres précités à madame la Direction Départementale des Services de l’Éducation Nationale, au Rectorat de Bx, à Finances Publiques.
Été 2024
Sans nouvelles suite à mes courriers et ne sachant pas si la règle du silence vaut Accord ou si le silence de l’administration vaut rejet ou refus, je me rends sur le site des impôts, dans l’onglet amendes pour tenter de régler le titre de perception que je n’ai pas honoré. Le numéro du titre ne semble pas reconnu. Je ne sais qu’en conclure, mais je ne m’inquiète pas.
Septembre 2024
Après des mois de remplacement comme éducatrice sportive, je finis par me "stabiliser" professionnellement avec plusieurs employeurs et plusieurs statuts : salariée de plusieurs associations, autoentrepreneuse et chomeuse. Contrats multiples, déclarations mensuelles et tous les mois je réclame mon bulletin de salaire auprès d'un de mes employeurs pour m'actualiser...
2025
Je suis toujours suivie en kinésithérapie, je continue de me rendre au centre d’évaluation et de traitement des douleurs.
Auprès de France Travail je continue les déclarations mensuelles, les contrats aidés, Ah ! Non ! Plus de renouvellement de contrat aidé, l’éjection automatique de France Travail à la fin d’un contrat aidé...
Autoentrepreneuse je poursuis avec l’URSSAF et les déclarations mensuelles...
où je cours après mes bulletins de salaires, ou contrats, ou paiements...
Pour finir
En mars, cette année, j’ai reçu un mail de ma banque m’informant d’une « procédure saisie attribution ». La saisie d’un montant d’environ 1 530 € a finalement été signifiée par la Direction des Finances Publiques Aquitaine Gironde. La banque récupère elle aussi 100 € en lien avec cette saisie… Mon compte était pourtant approvisionné, la banque est dans son droit. Double peine ?
Pendant des mois, j’ai eu l’honnêteté vis-à-vis de mon employeur d’annoncer mes difficultés, j’ai cherché à me repositionner professionnellement et pour cela, à faire valoir mes droits à la formation… Il semble que ce parcours était impossible.
Les mêmes douleurs m’accompagnent et me réveillent toujours. Si le cancer est en rémission, des soins restent indispensables et se poursuivent. J’ai toujours le sentiment d’une mémoire peu fiable.
J’ai entamé des démarches en justice pour faire reconnaître ce parcours administratif douloureux et violent, en vain.
J’ai un nouveau métier, avec plusieurs statuts : salariée, autoentrepreneuse et toujours partiellement chômeuse. Pas simple mais je me sens à ma place dans cette nouvelle activité.
J’ai pensé que ces obstacles rencontrés dans mes interactions avec l’administration, étaient en lien avec le format l’Éducation Nationale : comme une énorme machine déshumanisée. Depuis, salariée aussi en association gérée par des bénévoles, j’ai retrouvé des blocages similaires. Je réalise que la maltraitance administrative est partout et qu’il ne faut cesser de se battre pour simplement obtenir ce qui relève du droit.
… Ou ne rien obtenir et se questionner beaucoup sur la justice administrative, la justice morale, la justice ressentie et la question du droit.