Gagner sa vie, drôle d'expression qu'on utilise sans savoir ce que l'on dit. Gagner sa vie. Comme si elle se méritait. Pas tout de suite bien sûr. Enfin ça dépend d'où l'on vit, d'où l'on vient. Passé le temps béni où quelqu'un la gagne pour nous (parents ou un quelconque autre protecteur) on est "contraint" "obligé" de gagner sa vie, on doit gagner sa vie.
C'est le monde à l'envers. A notre naissance, nos parents qui nous donnent la vie ne posent pas de conditions à ce don ; donner c'est donner, di(sai)t-on dans les cours d'école. Pourtant, un jour, très tôt, on apprend que cette vie donnée doit un jour se gagner. Alors on s'y attèle, puisqu'il le faut ; certains la gagnent bien, d'autres la gagnent mal. D'autres ne la gagnent pas. Que se passe-t-il pour ceux-là? La perdent-ils? On ne dit pas, "je perds ma vie", on dit que de quelqu'un qu'il a perdu la vie, point barre, il est mort, chapitre clos, il n'aura plus aucune autre chance de la gagner à nouveau.
Plus tard, bien plus tard, quand la plupart d'entre nous auront foncé bille en tête pour (tant bien que mal) gagner cette vie sans voir qu'elle se délite à mesure que le temps avance, on se dira sans doute qu'on aurait mieux fait de se contenter de la vivre plutôt que de courir derrière le mirage d'un gain qu'on pensait éternel une fois (bien ou mal) acquis.