Alors que ma découverte de l'univers musical de la Réunion avait commencé par quelque chose de certes dansant, mais peu convaincant sur le long terme (http://www.youtube.com/watch?v=x-OCTq-wRcU), je suis tombée littéralement amoureuse de Danyel Waro et du maloya.
J'ai plongé dedans dès les premiers sons du kayamb, instrument traditionnel du maloya : un son régulier à 3 temps de graines entrechoquées ou de pluie battant les toits de tôles à intervalles réguliers. Et puis surtout il y a la voix de Danyel Waro, à la fois complainte et transe qui convoque les ancêtres depuis un au-delà inconnu des Hommes et chante la liberté et la joie de vivre.
L’origine du maloya (à la fois, chant, danse et musique) est à l’image de la population de l’île : un métissage de cultures et d’histoires mêlées les unes aux autres pour former une unité hétéroclite et bigarrée ; c’est la « batarsité » que revendique Danyel Waro. Le maloya est un chant de résistance et d’hommage aux ancêtres que jouaient le soir, après la journée dans les champs de canne, les esclaves Malgaches et d’Afrique de l’Est ; le pouvoir de résistance et d’existence qu’il conférait aux Hommes qui le chantaient, tel un affront aux grands propriétaires blancs (« les Gros Blancs »), l’apparente, dans son rôle, au blues des esclaves afro-américains du XIXe siècle. Il fut ensuite repris par les « Malbars » (travailleurs Indiens de la côte Malabar en Inde) et par les « ti-blan » (ou « Petits Blancs des Hauts » ou « Yab »), habitants à la peau claire, issus des premiers colons européens, pauvres et modestes propriétaires de canne des Hauts de l’île, parfois sans terre, dont est issue la famille de Danyel Waro.
Son pouvoir subversif a longtemps terrifié l’administration au point de bâilloner sa diffusion dans les médias à la fin des années 50, par crainte de voir le peuple réunionnais porter à travers lui, un désir d’indépendance.
Interdit mais pas enterré, les Réunionnais ont continué à le jouer dans le secret des cases à la tombée de la nuit jusqu’à sa renaissance officielle il y a plus de 30 ans grâce à des artistes tels que la troupe Firmin Viry, Ziskakan et bien sûr, Danyel Waro.
Désormais, le maloya est l’un des piliers de l’identité réunionnaise et est inscrit depuis 2009 par l’UNESCO au patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
Il est aujourd’hui joué de manière traditionnelle dans les « servis kabarés » (par exemple, à l’occasion de la commémoration de l’abolition de l’esclavage à la Réunion le 20 décembre) et de manière moderne avec l’ajout d’instruments occidentaux (guitare, synthétiseur, etc) aux instruments originels (roulèr, bobre, pikèr et kayamb).
La Réunion pour moi c’est ça : la voix de Danyel Waro et la musique, cette transe qui prend aux tripes, qui conduit jusqu’aux origines de cette terre multi-ethnique et qui est devenue la bande-son de notre voyage au long cours.
Si vous voulez le découvrir par petites touches avant de plonger dans le grand bain du maloya créole, vous pouvez écouter ce magnifique duo franco-créole Emily Loizeau et Danyel Waro.