Jamais on ne devrait imposer à quiconque de « s'intégrer ».
D’abord parce que- pour « s’intégrer », il faut être accueilli.
Celles et ceux qui demandent toujours aux autres de « s’intégrer » devraient d’abord travailler sur leur capacité à « accueillir » (si on a supprimé le bizutage dans les grandes écoles, c’est aussi pour cela. Parce que ce type de « sélection », par la résistance à la brutalité et au mépris), ne laisse souvent perdurer que ceux qui ont le moins d’empathie ou qui sont déjà les plus dissociés, et que l’empathie est nécessaire à l’intelligence et à la construction d’une société où il fait bon vivre.
Ensuite, parce-que demander à un individu de « s'intégrer », c'est souvent une manière masquée de lui demander surtout de se désintégrer et de s'effacer.
Pourquoi faudrait-il abandonner sa langue maternelle, une partie de ses racines, sa culture, sa religion, pourquoi faudrait-il tout oublier de ses coutumes ou de celles de ses parents, pour témoigner qu'on est « un bon français/une bonne française », et qu'on « doit » en témoigner parce-que notre grand-mère est née à Blida ou que notre père est né à Yaoundé, ou qu'on est soi-même née en Hongrie ou au Maroc, parce-que nos cheveux sont très frisés, parce-que nos yeux, nos peaux sont bruns ? Qui demande aux « français de souche » (comme l’extrême-droite a pris l’habitude de le dire) de « montrer patte blanche » ? Pourquoi ce raisonnement où un viol commis par un français sur sa sœur serait moins grave que celui d’un syrien sur une inconnue? (Pourquoi un français pourrait-il mentir, tricher, tromper et pas un portugais ? Pourquoi un étranger devrait-il être particulièrement puni plutôt qu’un français s’il bat sa femme ?).
Cette incapacité à penser une nation et une démocratie dans la diversité de son peuple, cette incapacité à appréhender un réel complexe, est un vrai problème d’intelligence. C'est nier aussi ce qui constitue historiquement et profondément la France.
Au cours de ces dernières années, au fur et à mesure que remontaient les remugles du racisme structurel de la France, j'ai vu certains de mes proches réaliser ou plutôt, se souvenir (ils l'ont toujours su et avaient juste voulu vivre leurs vies sans y penser H24), que c'est bien le raciste qui fait « l'étranger », comme l'antisémite fait « le juif ». Mais on ne peut pas vivre si on a trop conscience de la haine à son encontre qui habite une partie des gens qu'on croise, donc on essaie de fermer les yeux et c’est humain. On ne veut pas être « essentialisé », on ne veut pas être défini par « des origines » et c’est juste, je le comprends, je le partage.
Et puis d'autres proches bien-sûr, qui n'ont jamais eu de doute, parce-que leur parcours de vie ne leur a pas permis de s'échapper dans une sorte d'illusion. Iels n'ont jamais pu oublier que, français ou pas, « intégré-e » (sic) ou pas, "francisé" à outrance, il y aura toujours un (malheureusement voire plusieurs) raciste quelque-part pour te renvoyer à ce qui n’est qu’une partie de toi, t’y assigner, te demander si tu « rentres chez toi pour les vacances », te demander si « ton prénom est musulman » (sic) ou si « tu es d’origine africaine » (re-sic). Tout le monde en France n’a pas le luxe de ne pas porter « ses origines » sur son visage. Certain-es aussi ont décidé d’en faire un étendard et je les comprends totalement, car la fierté et la conscience, ça tient une personne debout face à l’adversité.
Aujourd'hui nous vivons un moment particulièrement crucial. Ce n'est pas la peine de faire de grands discours, de chercher « midi à quatorze heures ». Le RN est un parti très dangereux et il est notamment dangereux parce-qu ‘il est totalement xénophobe, et raciste (et oui ce sont deux choses différentes). C'est une idéologie qui veut nous gouverner par la paranoïa, la peur et la violence à l'égard de tout ce qui est désigné comme Autre, comme différent.
Aujourd'hui nous payons aussi des années de « racisme BCBG », de « racisme bienveillant », de propos inadmissibles, de xénophobie structurelle, de discriminations jamais sérieusement prises en compte par nos gouvernements, pire, des décennies de politique du bouc-émissaire, de propos totalement stigmatisants et déshumanisants.
Nous payons des années de politique étrangère qui a replacé la France au milieu d'un chaos indescriptible, de pays saccagés par des gestes néocoloniaux, des années de propos totalement débridés qui ont constitué un véritable racisme antimusulman, comme si nous étions retournés en 1956. Tout ça, on le paie, on va continuer à le payer.
Avant, seul.es les "directement concernés" avaient l'impression d'être les seul.es à payer. Aujourd'hui beaucoup d'autres "catégories" de notre population se rendent compte qu'on aurait dû se réveiller plus tôt. Faire des manifs devant le Ministère de l’Intérieur quand on s’est servis des étrangers comme variable d’ajustement, devant France Inter quand cette radio publique a donné une chronique à un journal raciste. Quand au nom de Charlie Hebdo on a commencé à accepter des horreurs qui s'abattent non sur les commanditaires du terrorisme, mais sur de pauvres individus ainsi stigmatisés. Toutes ces choses qui ont promu "la guerre des mondes" que NTM chantait depuis 35 ans.
Évidemment, les politiques "d'identité nationale", les "lois immigration", les politiques sécuritaires...ont enfoncé jour après jour les clous sur notre cercueil, grâce à quelques médias totalement stipendiés, détenus par des milliardaires qui se font une guerre à travers nous toutes et tous. Que l'on n'ait pu ou voulu ou su empêcher leur développement au nom du libéralisme économique est un échec retentissant de la démocratie dans notre pays. Que l’on ait perdu à ce point le sens du concept de « liberté de la presse et des médias » est une catastrophe. Qu’on ait, année après année, démantelé les lois qui permettaient de contrôler les concentrations dans la presse, les liens avec les industries, qu’on ait arrosé d’argent public toujours plus ceux qui n’en avaient pas besoin…Nous en sommes là.
Que le vote actuel soit aussi un vote de rejet total de M. Macron et de sa sauvagerie en costume trois-pièces est une évidence, je n’ai aucun doute. Mais que le RN reste un parti autoritaire, xénophobe et raciste, fondé sur le gouvernement par la peur et la paranoïa en est une autre, et je n’ai aucun doute non plus.
Aujourd'hui l'incendie est dans la maison. Beaucoup découvrent avec horreur une réalité concrète du racisme qui s'abat sur nos concitoyen-nes. Cherchent des excuses à ce racisme. Ça n'est pas l'heure. On est raciste parce-qu’on l'est, point. On est raciste parce-que on adhère à la peur et à la paranoïa, parce-que on adhère à une logique de hiérarchie entre celleux qui valent plus, celleux qui valent moins. Celleux à qui on doit et à qui on ne doit rien. Parce-que l'on est ignorant, de l'histoire, de la vie de ce pays. Pas parce-que l’on est mal logé, mal nourri ou que sais-je, même si la misère et l’absence d’éducation, le manque d’accès à d’autres mondes, l’absence de considération sociale rendent effectivement vulnérable à ce type de discours, de propagande, au complotisme, à la pensée confuse. Mais il n'y a pas que les pauvres qui votent RN. Au contraire.
Il y a aussi un fort ressentiment contre ce qu'une partie des médias ont construit (et qui n'existe pas) "les wokistes", supposés défendre le terrorisme islamiste (!!) et je ne sais quoi. C'est un énorme mensonge d'avoir réussi à transformer la gauche en épouvantail, alors que c'est la seule force politique qui se préoccupe justement, des salaires, de la répartition des richesses, du logement, des services publics, de l’environnement...
C’est incroyable que quelques années de propagande et de mensonges venus directement de l’extrême-droite américaine, aient réussi à faire oublier que nous étions les héritiers d’Ambroise Croizat, de Léon Blum, de Jean Jaurès, d’Emile Zola, de Rosa Luxemburg, de Louise Michel... des luttes ouvrières pour les congés payés, contre le travail des enfants, pour la Sécurité sociale … Je crois que c’est le tour de passe-passe qui me sidère encore aujourd’hui le plus. Ne parlons pas de la récente manipulation qui a réussi à faire dire à d’éminents antinazis que le Front Populaire était le nouveau nazisme (!!), nous qui sommes les héritiers des défenseurs de Dreyfus et qui, même si nous ne sommes pas parfaits et que notre lutte contre l’antisémitisme est insuffisante, n’avons pas de candidats dans nos rangs qui porte des casquettes de Waffen SS ou vende des ouvrages négationnistes !
Ce mensonge du « danger wokiste » a été propagé, répété, entretenu par des ministres des gouvernements de M. Macron, comme M. Blanquer par exemple. La responsabilité de M. Macron, de ses affidés dans la débâcle et l'horreur que nous connaissons, dans la diabolisation de la gauche, est énorme, et elle est particulièrement grave car eux n’ont pas l’excuse d’être ignorants, mal-logés ou mal-nourris.
Aussi, Dimanche nous allons voter, à nouveau.
Il ne s'agit pas de convaincre des fanatiques xénophobes de voter pour la gauche. C'est du temps perdu, ces gens convaincus que leur seul problème c’est « l’arabe » ne changeront pas avec des invocations et des démonstrations. La haine ne réfléchit pas. Elle est imperméable à la raison. Il faudra bien plus pour apaiser et démanteler cette haine que quelques jours de campagne où par essence, les propos se radicalisent.
Le libéralisme économique n'est pas la solution pour nous tirer de cette ornière.
Nous allons voter, et j'aimerais vous inviter vous qui doutez, vous qui hésitez, vous qui peut-être hésitez à aller voter, et encore plus à voter « contre » en votant « pour ».
Il ne suffira pas de mettre dans l'urne un bulletin qui ne soit pas celui du RN. Il faudra faire un choix qui ait du sens.
Le macronisme a largement contribué à nous amener où nous sommes. Cette dissolution a été un choix politique impardonnable mais dans la suite logique du macronisme qui est une vraie pathologie du libéralisme.
Il est fort probable que personne n'aura de majorité absolue, en tout cas, j'espère que le RN ne l'aura pas (et ce n’est pas gagné). Il faut jusqu'au bout barrer la route au RN dans les urnes. Mais ça ne sera pas la fin de nos ennuis pour autant. La boîte de Pandore a été ouverte et nous sommes entrés dans une période sombre qui va demander un combat de chaque jour et des choix clairs quant aux principes qui nous gouvernent.
L'autre point extrêmement problématique du macronisme est sa constance dans le désarmement populaire et la répression des militant-es, des syndicats, des « corps intermédiaires » bref sa conception très droitière, très restrictive, de la liberté de réunion, de rassemblement et d'expression, une conception héritée en droite ligne du sarkozisme, qui, avec son approche du maintien de l'ordre est aux fondements de l’État policier dans lequel nous vivons actuellement. Or, nous aurons besoin de nous rassembler, de manifester, et de "troubler l'ordre public" (sic) dans les mois à venir. Nous ne donnerons de "blanc-seing" à personne.
Par ailleurs, il n'est pas question pour moi Avocate d'accréditer cet état des choses. Membre du Syndicat des Avocats de France depuis des années, je me suis toujours battue contre cela aussi. Je fais partie des gens qui pensent qu'un abribus cassé ne vaut pas l'œil ou la mâchoire d'une personne, qu'une insulte en manifestation ne vaut pas la prison, que nos libertés politiques sont réduites à peau de chagrin, au point que je me demande si nous savons encore bien ce dont il s'agit. Non, nous ne devons pas, jamais, confier toute la défense de l'ordre public à l’État seul, oui, les travailleurs doivent pouvoir contester efficacement les lois qui les spolient, oui, nous devons pouvoir contester le gouvernement qui, sur le moment, dirige l'Etat, et même le contester jusqu'à sa destitution populaire s’il faut, oui. L’Etat n’est pas « la chose » des gouvernements, quels qu’ils soient. C'est fondamental de pouvoir s'organiser et manifester et informer et s’opposer librement sur les mégabassines, les autoroutes idiotes etc. Oui.
Alors bien sûr, quand on voit un « bazar » totalement théâtralisé par certains médias, on se dit qu'on est différents, pas comme « ces jeunes en noir » (en rouge en vert peu importe), que « c'est pas bien » et donc que la réaction des pouvoir publics est normale… Et puis un jour, on se retrouve directement concerné (par une fermeture d'usine, par une politique locale de logement inepte, par une déforestation, par un enfouissement de déchets nucléaires...ou que sais-je) et là, on veut agir, faire quelque chose, on le fait pacifiquement (par exemple, on occupe quelques ronds-points, on fait signer des pétitions, on fait un rassemblement « pique-nique »…) et on a la surprise de manger du tonfa du gaz à la première occasion, et de se retrouver à son tour à la TV présentés comme "casseurs " ou que sais-je.
S’il y a quelque-chose que l'exemple grec nous a montré il y a quelques années, c'est que face à une Europe ultra-libérale, dans une économie de marché financiarisée, à un moment, toutes les catégories de la population qui se situent au milieu et en bas de l'échelle des richesses ont quelque chose à perdre. Quant à l'eau, à l'air, au vivant naturel, cela nous concerne toutes et tous, même celleux qui nient le réchauffement. Ce qui est certain c'est qu'en cela, dans cet amour de la répression, de cet encadrement des libertés à la portion congrue, dans ces flatteries au pouvoir de police, le macronisme et le RN se ressemblent comme deux gouttes d'eau. C’est bonnet blanc et blanc bonnet.
Et puis enfin (en tout cas je vais m'arrêter là), il y a la guerre. La guerre qui est déjà partout dans de nombreux endroits sur le globe 🌎 hélas et depuis longtemps. La guerre qui gratte aux portes de l'Europe depuis plusieurs années maintenant (on pourrait passer des heures à essayer d’expliquer comment on en arrive là, tant il y a de facteurs en jeu). La réalité est là. Au cœur de cette campagne, il y a (au moins) deux guerres (et elles sont en lien) dont on n'a pas vraiment parlé faute de temps et d’espace, c’est l'agression russe sur l'Ukraine, et le génocide en cours contre les Palestiniens. Voter une chose ou l'autre n'aura pas les mêmes conséquences sur ces points. Le RN a reçu le soutien officiel du gouvernement de M. Poutine et de celui de M. Netanyahu. Ce qui signifie dans les deux cas, plus (+) de guerre. De guerre contre leurs "ennemis" et de guerre contre leurs propres oppositions aussi. Si vous voulez sauver les démocrates russes et israéliens, si comme moi vous souhaitez le retour des otages, si comme moi vous souhaitez éviter un embrasement, de la Méditerranée à l'Iran, parce-que vous êtes pour le camp de la paix de l’Ukraine au Jourdain, vous savez désormais ce que vous ne devez pas faire. Je vous rappelle que la guerre est d'abord un business, le business de quelques-uns qui se connaissent et ne s'entretuent pas mais envoient d'autres pauvres diables qui eux ne se connaissent pas, s'entretuer copieusement.
Il n'y a donc qu'une seule manière de bien voter contre le RN, c'est à dire de voter contre lui tout en excluant la force politique qui l'a tellement nourri ces quinze dernières années, allant jusqu'à reprendre le vocabulaire de l'extrême droite (« ensauvagement », « immigrationnisme »...). Le seul bulletin efficace à glisser dans l'urne dimanche pour faire obstacle efficacement, c'est celui du Nouveau Front Populaire.
- D'abord parce-que nous sommes annoncés largement devant les macronistes, c'est donc un vote utile.
- Ensuite parce-que sur le fond, nous, nous n'avons jamais plié devant le RN, jamais voté avec eux à l'Assemblée, parce-que nos programmes sont aux antipodes des leurs et que nous ne gouvernerons jamais avec eux.
- Parce que le personnel politique dont nous disposons est instruit, compétent, qualifié et expérimenté.
- Enfin parce-que, malgré tout ce que vous ont répété certains médias ces derniers temps, nous avons le respect des institutions et de la démocratie (même si nous aimerions la fin de cette 5ème République). On a beaucoup agité M. Mélenchon comme « épouvantail » ces dernières années. Ça n’aurait pas été lui, c’aurait été quelqu’un d’autre. Car c’est avec un épouvantail qu’on effraie les moineaux. Je ne suis pas membre de LFI mais j’ai connu M. Mélenchon et certains de ses anciens collaborateurs quand nous étions encore toutes et tous au PS il y a 25 ou 30 ans. Il peut agacer, il peut cliver, il peut être insupportable oui, mais c’est un démocrate (même s’il l’oublie parfois en son sein ces derniers temps). Par ailleurs, et surtout, la structure du Nouveau Front Populaire devrait vous rassurer sur les forces à même de s’imposer, s’il le fallait, à sa volonté.
Je me permets donc de vous le dire, en tant qu'avocate engagée depuis si longtemps dans la défense des plus vulnérables des plus précaires, des salariés, de toutes celles et ceux qui s'engagent pour un monde de solidarité, pour protéger l'environnement, et des femmes et des enfants.
Ne cédez pas au renoncement, Osez rêver un autre monde. Faites usage de votre raison, de votre cœur et de votre liberté politique tant que nous l’avons encore un peu. Nous aurons besoin d'espoir, de dignité et de solidarité pour affronter les mois à venir.
Votez pour le Nouveau Front Populaire.