(Suite de la séance du 12 mai 1871.)
LEFRANÇAIS. Je demande que ces sortes de questions soient renvoyées à une commission d’enquête spéciale.
La motion du citoyen Lefrançais est mise aux voix et adoptée.
LE PRÉSIDENT. Je donne lecture d’une lettre du citoyen Fontaine, délégué aux Domaines, relative à la démolition de l’hôtel Thiers :
«Aux citoyens membres de la Commune.
«Le citoyen Fontaine, directeur des Domaines, prévient la Commune que, conformément au décret du Comité de salut public, il fait procéder aujourd’hui à la démolition de la maison du sieur Thiers, située place Georges.
«Il demande à la Commune d’envoyer une délégation pour assister à cette opération; qui aura lieu à 4 heures de l’après-midi.
«Salut et solidarité.
Le questeur de la Commune,
«LÉO MELLIET.»

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COURBET. Le sieur Thiers a une collection de bronzes antiques; je demande ce que je dois en faire.
(Mouvements divers.)
LE PRÉSIDENT. Que le citoyen Courbet nous fasse l’exposé de son sentiment sur cette question.
COURBET. Les objets de la collection de Thiers sont dignes d’un musée. Voulez-vous qu’on les transporte au Louvre, ou à l’Hôtel de Ville, ou voulez-vous les faire vendre publiquement?
PROTOT, délégué à la Justice. J’ai chargé le commissaire de police du quartier de faire conduire les objets d’art au garde-meuble et d’envoyer les papiers à la Sûreté générale. J’ai fait commencer de suite la démolition. Les papiers sont en nos mains. Quant aux petits bronzes, dont je me soucie peu du reste, je pense qu’ils arriveront en bon état.
COURBET. Je vous ferai remarquer que ces petits bronzes, que vous paraissez mépriser, citoyen Protot, représentent une valeur de peut-être un million cinq cent mille francs.
(Interruptions.)
DEMAY. Relativement à la collection des objets d’art de Thiers, la Commission exécutive, dont faisait partie le citoyen Félix Pyat, avait désigné – dans un article non publié – deux hommes spéciaux: c’étaient le citoyen Courbet et moi. Je demande que vous complétiez cette délégation. N’oubliez pas que ces petits bronzes d’art sont l’histoire de l’humanité et nous voulons conserver le passé de l’intelligence pour l’édification de l’avenir. Nous ne sommes pas des barbares.
PROTOT. Je suis ami de l’art, mais je suis d’avis d’envoyer à la Monnaie toutes les pièces qui représentent l’image des d’Orléans. Quant aux autres objets d’art, il est évident qu’on ne les détruira pas.
LE PRÉSIDENT. Le citoyen Demay demande que des spécialistes soient chargés de surveiller la destination de ces objets précieux et de sauvegarder les intérêts de l’art.
PROTOT. Le citoyen Courbet me paraît porter trop loin le sentiment de l’art. Il a manifesté le désir de conserver certains bas-reliefs de la… [manque]
CLÉMENCE. La collection Thiers se compose aussi de richesses bibliographiques, pour la conservation desquelles je demande qu’on nomme une commission; je désirerais en faire partie.
GROUSSET. Il y a aussi chez Thiers des pièces appartenant aux Archives, des pièces on ne peut plus curieuses; il serait bon que, dans la commission que l’on va nommer, il y eût des historiens, des hommes de lettres…
(La clôture!)
LE PRÉSIDENT. Nous allons procéder à la nomination des cinq membres, qui composeront la commission mixte proposée par Protot.
L’assemblée nomme successivement les citoyens dont les noms suivent : COURBET, DEMAY, PASCHAL GROUSSET, CLÉMENCE et FÉLIX PYAT.
(À suivre.)
Arrêté du Comité de salut public en date du 21 floréal et publié au Journal Officiel du 11 mai:
«Le Comité de salut public, vu l’affiche du sieur Thiers, se disant chef du pouvoir de la République française, considérant que cette affiche, imprimée à Versailles, a été apposée sur les murs de Paris par les ordres dudit sieur Thiers; que, dans ce document, il déclare que son armée ne bombarde pas Paris, tandis que chaque jour des femmes et des enfants sont victimes des projectiles fratricides de Versailles; qu’il y est fait un appel à la trahison pour pénétrer dans la place, sentant l’impossibilité absolue de vaincre par les armes l’héroïque population de Paris,
«Arrête :
«Art. 1er. Les biens meubles et immeubles des propriétés de Thiers seront saisis par l’administration des Domaines,
«Art. 2. La maison de Thiers, située place Georges, sera rasée.
«Art. 3. Les citoyens Fontaine, délégué aux Domaines, et J. Andrieu, délégué aux Services publics, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution IMMÉDIATE du présent arrêté.
«Les membres du Comité de salut public,
«ANT. ARNAUD, EUDES, F. GAMBON, G. RANVIER.»

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