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Billet de blog 2 juin 2016

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Commune de Paris. Séance du 6 mai 1871 (XIII).

J.-B. CLÉMENT. «Je proteste contre l’accusation qui m’a été lancée de vouloir faire passer pour réactionnaires, ceux qui demandent que l’on n’élève pas à 30 francs le chiffre des dégagements.»

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Illustration 1
Commune de Paris, Jean Baptiste Clément. © Eloi Valat.

(Suite de la séance du 6 mai 1871 [la Commune est réunie en Comité secret].)
DEREURE. J’accepte l’amendement parce qu’il est très facile en quinze jours, ou un mois, de délivrer des numéros renvoyant à un jour déterminé.
BILLIORAY. Il y a deux choses à considérer dans cet amendement. La première est de ne pas faire profiter les francs-fileurs de cette mesure. Il y a une autre considération que j’aurais voulu laisser de côté: je suis convaincu que, si vous indiquez un terme aux dégagements, il y aura beaucoup de gens qui ont filé qui rentreront dans Paris pour effectuer des dégagements.
(Interruptions. Aux voix!)
LE PRÉSIDENT. Je mets l’amendement du citoyen Billioray aux voix.
Cet amendement est rejeté.
LE PRÉSIDENT. Je vais lire les autres amendements. L’amendement, signé Urbain, demandant qu’on élève à 30 fr. le maximum des engagements.
URBAIN. Je n’ai qu’un mot à ajouter. J’ai oublié de dire que, quant à la date, j’acceptais la date du 12 mai.
L’amendement est mis aux voix. L’épreuve est déclarée douteuse.
LONGUET. Je crois qu’avant de voter l’amendement, il eût été bon de consulter le citoyen Jourde, votre délégué aux Finances, pour savoir s’il le considérait comme possible.
LE PRÉSIDENT. Il me semble que le vote ayant lieu sur le fond même du projet, nous devons voter avec beaucoup de prudence et de bonne foi.
URBAIN. Faites une nouvelle épreuve.
LE PRÉSIDENT. Il faut que le public et l’assemblée soient bien convaincus qu’ici nous sommes tous de bonne foi. Il faut que le vote se fasse donc d’une manière sérieuse et équitable. Je prie donc l’assemblée de bien vouloir refaire le vote, et je lui demanderai si elle ne veut pas écouter auparavant le citoyen Jourde.
JOURDE. Je répondrai en un mot à tous les amendements passés et futurs. J’ai abaissé le maximum à 20 francs, parce que cela nous faisait une économie de 2.500.000 francs; et, ensuite, c’est à ce chiffre que montent tout au plus les engagements des ouvriers. Je vous ai dit pourquoi. Si vous voulez multiplier les amendements, je retirerai mon projet. Nous vous avons indiqué pourquoi nous l’avons fait simple; si vous le surchargez d’amendements, je préfère le retirer.
URBAIN. Je repousse la réponse de Jourde disant: «Si on présente des amendements, je retire mon projet.» Je ne doute pas de ses intentions, mais il ne doit pas suspecter les nôtres. Je dis que ce serait un mauvais procédé que de dire: «Je présente ce projet…»
(Bruit.)
JOURDE. Mon Dieu [barré], je retire le mot; mais arrivez au fait; concluez.
LE PRÉSIDENT. On demande l’appel nominal sur l’amendement de 30 francs.
OSTYN. Je demande le chiffre de 50 francs. C’est une affaire politique; je vois clair.
CLÉMENT. Moi, je suis pour 30 francs.
LE PRÉSIDENT. Personne n’a le droit de suspecter la loyauté de ses collègues. Je mets l’appel nominal aux voix pour l’amendement de 30 francs.
V. CLÉMENT. Et mon amendement de 50 francs? Je demande qu’il soit mis aux voix.
LEFRANÇAIS. Dans l’esprit de la plupart des membres qui étaient disposés à accepter le projet Avrial, cela voulait dire que tous les individus qui profiteraient du décret ne pourraient en bénéficier que jusqu’à la somme de 50 francs. Ce projet dit qu’il portera sur les quantités de reconnaissances, de telle sorte que, si j’ai cinq ou six reconnaissances de 20 francs, je pourrai dégager pour ces diverses sommes. Je me demande si nous allons en faire une question politique. C’est une question de bonne foi, avant tout, et je demande qu’on reste au chiffre de 20 francs.
LE PRÉSIDENT. Il y a trois propositions d’amendement à mettre aux voix.
J.-B. CLÉMENT. Je proteste contre l’accusation qui m’a été lancée de vouloir faire passer pour réactionnaires, ceux qui demandent que l’on n’élève pas à 30 francs le chiffre des dégagements et je déclare que, si on maintient ce qui vient d’être dit, je déclare que demain je protesterai dans un journal.
UN MEMBRE. C’est une insulte à l’assemblée. Je demande à ce qu’on ne tienne aucun compte de pareilles paroles.
AVRIAL. Il a été démontré qu’il n’était possible de retirer que les objets jusqu’à 20 francs; vous pouvez demander l’appel nominal si vous voulez; mais songez que ce sera peut-être ces 30 francs qui rendront le projet impossible à réaliser.
JOURDE. Et qui me mettront dans l’impossibilité d’être autrement et plus effectivement utile à l’ouvrier.
URBAIN. J’ai présenté un projet de décret; cela a été en toute sincérité. Je déclare que, si les suppositions émises, et que je ne veux pas rappeler, restent dans l’esprit des citoyens qui les ont émises, je retire mon projet. Je me retire moi-même, ne pouvant rester au milieu de citoyens qui suspecteraient ma bonne foi.
LE PRÉSIDENT. L’assemblée demande qu’on passe aux voix sur le chiffre; il y a trois chiffres: 50, 30 et 25 francs.
UN MEMBRE. Et 20 francs.
LE PRÉSIDENT. Oui; mais en ce moment je ne m’occupe que des amendements; or, l’amendement le plus large est celui qui porte 50 francs. Il est certain que si l’assemblée ne se prononce pas pour 25 francs, elle n’acceptera pas 50 francs. Voulez-vous voter par l’appel nominal?
UN MEMBRE. Oui, mais sur le chiffre de 50 francs.
(Oui!)
VICTOR CLÉMENT. Je demande qu’on lise mes considérants des projets que j’ai déposés; je les maintiens énergiquement.


LE PRÉSIDENT. Voici l’amendement:
«Considérant qu’il est urgent de mettre à l’épreuve la science financière des membres de la Commune, je demande qu’on porte le chiffre au maximum de 50 francs.»
SERRAILLIER. Je proteste contre le vote; il est insolent pour l’assemblée.
(Bruit.)
ARNOULD. Il y en a qui ne veulent pas qu’on vote le projet aujourd’hui.
LE PRÉSIDENT. Mettons aux voix l’amendement. Si la susceptibilité de l’assemblée est blessée, elle peut montrer par son vote que l’amendement ne lui est pas sympathique.
SERRAILLIER. On ne peut pas procéder ainsi. J’adopterai peut-être l’amendement des 50 francs, mais je repousserai certainement l’insulte qu’il renferme dans le texte.
(Interruptions diverses.)
PLUSIEURS MEMBRES. Aux voix!
LE PRÉSIDENT. Je mets l’amendement aux voix.
L’amendement est mis aux voix et repoussé.
VICTOR CLÉMENT. Je proteste contre la tyrannie qui m’a empêché de parler.
(Nouvelles interruptions. Bruit.)
LE PRÉSIDENT. J’espère que l’assemblée constatera que je n’ai exercé aucune pression:
(Mais non! Bruit.) Il y a maintenant un amendement sur le chiffre de 30 francs.
BILLIORAY. Je demande l’appel nominal sur cet amendement.
LEFRANÇAIS. Une simple observation, à propos d’une question de bonne foi. Le citoyen Billioray a prétendu qu’il ne devait pas y avoir d’appel nominal pour le chiffre de 50 francs; je m’étonne donc qu’après l’avoir repoussé alors, il réclame maintenant cet appel nominal.
(Interruptions nombreuses. Aux voix!)
BILLIORAY. Je crois que le chiffre de 30 francs est préférable. D’après les renseignements que l’on nous a donnés, cela ne ferait pas une très grande différence pour la dépense.
JOURDE. De 2 à 3 millions.
BILLIORAY. Avec cette somme de 30 francs, on pourrait arriver à dégager un grand nombre d’outils nécessaires; mais puisque l’assemblée paraît impatiente de voter, et sous le bénéfice de ces observations, je retire ma demande d’appel nominal.
L’amendement relatif aux 30 francs est mis aux voix et rejeté.
LE PRÉSIDENT. Voici un autre amendement déposé par le citoyen Pottier, fixant la somme de 25 francs.
POTTIER. L’amendement que j’ai proposé est un amendement de conciliation qui, à mon avis, devra nous mettre tous d’accord, d’autant mieux que cela ne constituera pas une grande charge pour tes finances.
JOURDE. Je veux me dégager de la situation fausse qui m’est faite en ce moment. Je suis disposé à voter pour le chiffre de 50 francs. Je vous ai propose mon chiffre, mais je serais très heureux de vous voir faire davantage.
LE PRÉSIDENT. Je mets aux voix l’amendement Pottier, proposant de substituer le chiffre de 25 francs.
QUELQUES MEMBRES. Mais cet amendement est retiré!
LE PRÉSIDENT. Le citoyen Billioray l’a repris.
UN MEMBRE. C’est de la popularité à bon marché.
(Bruit.)
URBAIN. Je demande que le président rappelle à l’ordre le membre qui a prononcé ces paroles.
L’amendement repris par le citoyen Billioray est rejeté.
LE PRÉSIDENT. Je vais mettre aux voix le chiffre de 20 francs.
Ce chiffre est adopté.

(À suivre.)

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