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Billet de blog 4 septembre 2016

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Commune de Paris. Séance du 9 mai 1871.

DELESCLUZE. «Vous discutez, quand le drapeau tricolore flotte sur le fort d’Issy.»

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Illustration 1
Commune de Paris, Charles Delescluze. © Eloi Valat.


Président: BILLIORAY.
Assesseur: POTTIER.
La séance est ouverte à 4 h. 1/4.
L’un des secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier.
ARNOULD. Les comptes rendus analytiques publiés jusqu’à présent par l’Officiel, malgré les imperfections inévitables d’un pareil travail, laissaient au moins à chaque orateur la valeur de ses arguments. Le compte rendu inséré dans l’Officiel d’aujourd’hui supprime des discours entiers, tandis que d’autres sont · complètement reproduits. Je demande de deux choses l’une: ou que l’on se contente du procès-verbal, tel qu’il nous est lu au commencement de chaque séance, ou que l’on fasse connaître toutes les opinions, en abrégeant si l’on veut, qui se produisent dans la séance.
DELESCLUZE. Vous discutez, quand le drapeau tricolore flotte sur le fort d’Issy. Citoyens, il faut aviser sans retard! J’ai vu ce matin Rossel; il a donné sa démission, il est bien décidé à ne pas la reprendre. Tous ses actes sont entravés par le Comité central: il est à bout de forces! Il demande avec instance d’être conduit à Mazas, récompense, dit-il, des serviteurs de la Commune. La Garde nationale, par suite d’une panique, abandonne le fort d’Issy. Ce matin, les Versaillais ont pu entrer dans le fort; on n’a rien fait sauter, il n’y a pas eu de torpilles. La trahison nous enveloppe de toutes parts et le drapeau tricolore flotte sur ces débris! (Sensation.) Il y a 80 pièces de canon qui nous menacent de Montretout. Je fais un appel à vous tous. Ce sont ses débats déplorables, qui ont eu lieu la semaine dernière et auxquels je suis heureux de ne pas avoir assisté, qui ont produit le plus grand désordre dans la population. Et c’est dans un pareil moment que vous perdez votre temps dans des questions d’amour-propre! (Mouvement.) J’espérais, citoyens, que la France serait sauvée par Paris et l’Europe par la France. Eh bien! aujourd’hui la Garde nationale ne veut plus se battre! (Mouvement.) Et vous délibérez sur des questions de procès-verbal!
Je suis allé aujourd’hui à la Guerre. J’ai vu le désespoir de Rossel. Un arrêté, signé Melliet, nomme ce citoyen gouverneur de Bicêtre. C’est d’un ridicule achevé! Il y avait là un homme, un soldat, que l’on trouvait trop sévère. Il serait à désirer que tous eussent été aussi sévères que lui. Pour moi, je voudrais que Mégy, l’ancien gouverneur du fort d’Issy pour qui j’ai fait six mois de prison, fût traduit en Conseil de guerre; je voudrais que le citoyen Eudes eût à rendre compte de sa conduite. Il avait l’inspection des forts du Sud, et le Sud a été tout à fait abandonné; et le drapeau tricolore flotte sur les épaves du fort d’Issy! Le Comité central va mettre la Commune à la porte: c’est frapper la Révolution au cœur! Je ne dis pas que de grandes résolutions soient sorties de cette assemblée; mais, malgré l’insuffisance des membres qui la composent, il se dégage de la Commune une puissance de sentiment révolutionnaire capable de sauver la Patrie! Nous la sauverons; mais, peut-être, derrière les barricades. Nous aurions voulu épargner à Paris une entrée de vive force par nos remparts. (Mouvement.)
Déposez aujourd’hui toutes vos haines! Il faut que nous sauvions le pays. Le Comité de salut public n’a pas répondu à ce qu’on attendait de lui; il a été un obstacle, au lieu d’être un stimulant. Je dis qu’il doit disparaître! J’ai vu Rossel, ce matin, à la revue de la place de la Concorde. Il était plus désolé que jamais. Il avait du monde et personne pour se battre! Les chefs de corps le disent: «Nos hommes sont bons pour le service sédentaire, mais ils ne sont pas bons pour se battre.» S’il y avait eu unité dans les efforts, tout cela ne serait pas arrivé. Le Parisien n’est pas lâche; il faut qu’il soit mal commandé ou qu’il se croie trahi pour refuser de se battre.
Il faut prendre des mesures immédiates, décisives, ou nous abîmer dans notre impuissance, comme des hommes indignes d’avoir été chargés de défendre le pays. La France nous tend les bras; nous avons encore des subsistances; faisons encore huit jours d’efforts pour chasser ces bandits de Versailles. La France s’agite; elle nous apporte un concours moral qui se traduira par un concours actif. Il faut que nous trouvions, dans les braves du 18 mars, et dans le Comité central, qui a rendu de si grands services, des forces pour nous sauver. Il faut constituer l’unité de commandement. J’avais proposé de maintenir l’unité de direction politique; cela n’a servi à rien. On en est arrivé au Comité de salut public; que fait-il? des nominations particulières, au lieu d’actes d’ensemble. Il vient de nommer le citoyen Moreau, comme délégué civil à la Guerre. Alors qu’est-ce que font les membres de la Commission de la Guerre? Nous ne sommes donc rien? Je ne puis l’admettre.
Nous avons été nommés sérieusement par la Commune et nous ferons sérieusement notre devoir. Il faut qu’on donne au citoyen Rossel toutes les satisfactions qui lui permettent de reprendre le fil de la direction militaire. L’administration pure et simple de la Guerre a été confiée au Comité central. Qu’en a-t-il fait? Je n’en sais rien. Mais enfin, si le Comité central, acceptant la situation qu’on lui a faite, veut aider le travail, qui doit se faire maintenant, pour réunir les éléments épars de la défense de Paris, que le Comité central soit le bienvenu.
Vous avez vu hier notre collègue Avrial donner sa démission [de directeur de l’artillerie]. Pourquoi ? Parce que ces changements, faits par le Comité central dans l’administration, vont désorganiser tous les services. Il est donc évident que ce Comité de salut public, qui n’est même plus composé de cinq membres puisqu’il y a une démission [Pyat], n’a pas répondu à ce qu’on attendait de lui. Il faut le renvoyer à la retraite. Les mots ne sont rien; on peut faire de très grandes choses, en employant de simples mots. Pour la population parisienne, le Comité de salut public, ce sont les faisceaux c’est la hache en permanence. Votre Comité de salut public est annihilé, écrasé sous le poids des souvenirs dont on le charge et il ne fait même pas ce que pourrait faire une simple commission exécutive. Je ne suis pas partisan du Comité de salut public; ce ne sont que des mots!
(Interruptions. Approbations.)
ARNOULD. Il ne s’agit pas du fort d’Issy; c’est là un détail. Il y a une question très grave, qui doit nous préoccuper, c’est la question politique, la question de direction. Il est évident que nous sommes en danger et qu’il faut que la Commune avise. Que l’on discute donc la question posée par le citoyen Delescluze.
PLUSIEURS MEMBRES. Nous demandons le Comité secret.
L’assemblée se forme en Comité secret et la séance continue.

Les secrétaires, membres de la Commune,
AMOUROUX, VÉSINIER.


ACTES DE LA COMMUNE
1. DÉCISIONS GÉNÉRALES SUR LA SITUATION
«Dans la séance du 9 mai 1871, la Commune de Paris a décidé:
«1. De réclamer la démission des membres actuels du Comité de salut public et de pourvoir immédiatem ent à leur remplacement;
«2. De nommer un délégué civil à la Guerre [Delescluze] qui sera assisté de la Commission militaire actuelle, laquelle se mettra immédiatement en permanence;
«3. De nommer une commission de trois membres, chargés de rédiger immédiatement une proclamation;
«4. De ne plus se réunir que trois fois par semaine en assemblée délibérante, sauf les réunions qui auront lieu dans le cas d'urgence, sur la proposition de cinq membres, ou sur celle du Comité de salut public;
«5. De se mettre en permanence dans les mairies de ses arrondissements respectifs, pour pourvoir souverainement aux besoins de la situation;
«6. De créer une Cour martiale dont les membres seront nommés immédiatement par la Commission militaire;
«7. De mettre le Comité de salut public en permanence à l’Hôtel de Ville.
«Paris, le 9 mai 1871.
«Les secrétaires, membres de la Commune,
« AMOUROUX, VÉSINIER. »
2. RENOUVELLEMENT DU COMITÉ DE SALUT PUBLIC
«Conformément à la décision de la Commune, il a été procédé au renouvellement du Comité de salut public. Ont été nommés les citoyens:
«RANVIER,
«ANTOINE ARNAUD,
«GAMBON,
«EUDES,
«DELESCLUZE.»

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