Eloi Valat (avatar)

Eloi Valat

Dessinateur

Abonné·e de Mediapart

205 Billets

0 Édition

Billet de blog 5 décembre 2016

Eloi Valat (avatar)

Eloi Valat

Dessinateur

Abonné·e de Mediapart

Commune de Paris. Séance du 12 mai 1871 (VII).

DEREURE. «Nous ne pouvons pas être en même temps à la Commune et aux enterrements.»

Eloi Valat (avatar)

Eloi Valat

Dessinateur

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

(Suite de la séance du 12 mai 1871.)
LE PRÉSIDENT. Nous allons passer maintenant à l’ordre du jour, proposé d’urgence par le Comité de salut public. J’en donne lecture.
LE PRÉSIDENT. Vous savez que le citoyen Delescluze a cru que ses nouvelles fonctions de délégué civil à la Guerre étaient incompatibles avec celles de membre du Comité de salut public; nous avons donc à pourvoir à son remplacement.
FERRÉ. Ne serait-il point convenable de prévenir le Comité de salut public que l’assemblée s’occupe de ses propositions?
(Oui! Non!)
LE PRÉSIDENT. Laissez-moi vous lire une lettre relative à un enterrement.

«ÉTAT-MAJOR GÉNÉRAL (1re armée).
«Paris, le 12 mai 1871.
«Le Major commandant la place Vendôme aux citoyens membres de la Commune.
«L’enterrement civil des citoyens Émile Boudié et Ernest Billot aura lieu demain matin 13 mai à midi précises. On se réunira place Vendôme.
«Prière.aux citoyens membres d’y assister.
«Salut fraternel.
«Le Major, commandant la place Vendôme,
«MAYER.»

MIOT. Les citoyens, dont il s’agit, sont morts en combattant.
CHARDON. Cette lettre est pour nous un rappel à la politesse.
(Bruit.)
LE PRÉSIDENT. Si j’avais su que ces citoyens étaient morts en combattant, j’aurais, avant de vous donner lecture de la lettre, appelé votre intérêt sur son contenu; maintenant que vous savez, par l’organe du citoyen Miot, que ces braves citoyens sont morts pour défendre la Commune, je vous prie de nommer des délégués pour assister à l’enterrement.
LEFRANÇAIS. Je trouve que le rappel à la politesse, dont a parlé le citoyen Chardon, est mal placé, les municipalités envoient leurs délégués aux enterrements des gardes nationaux morts dans leur arrondissement.
CHARDON. J’ai vu l’enterrement du colonel Wetzel, il n’y avait pas un seul membre de la Commune!

Illustration 1
Commune de Paris, Simon Dereure © Eloi Valat.

DEREURE. Nous ne pouvons pas être en même temps à la Commune et aux enterrements.
UN MEMBRE. Je demande que la Commune décide qu’on laisse les municipalités faire ce qu’elles croient convenable.
L’assemblée adopte cette proposition et décide que l’invitation, dont il vient d’être donné lecture, sera renvoyée aux municipalités.
LE PRÉSIDENT. Je donne lecture de l’ordre du jour suivant, émané du Comité de salut public. On passe immédiatement au vote de la proposition relative à la nomination d’un membre du Comité de salut public, voici les résultats du vote:
Nombre des 7 votants: 43.
Majorité absolue: 23.
Le citoyen BILLIORAY a obtenu 27 voix.
Le citoyen VARLIN a obtenu 16 voix.
LE PRÉSIDENT. Le citoyen Billioray, ayant obtenu la majorité absolue des voix, est nommé membre du Comité de salut public.
CHARDON. Comme il est déjà 7 heures, je crois qu’il serait bon de renvoyer la discussion des autres propositions à demain.
SERRAILLIER. J’appuie cette proposition, d’autant plus que le Comité de salut public, venant de se compléter, il peut se faire qu’il modifie ses propositions.
ARNOLD. Il serait bon que l’on autographiât ces propositions, afin que nous puissions les étudier à loisir. Il serait même à désirer que cette mesure fût prise chaque fois qu’il se présente une question grave, afin d’éviter toute possibilité d’un vote de surprise.
(Approbation.)
LONGUET. Le Comité de salut public peut bien nous proposer de délibérer, mais il ne peut pas changer notre résolution.
URBAIN. Je voudrais que l’on prît le sentiment du Comité de salut public.
EUDES, membre du Comité de salut public. L’article 3 du décret, qui a institué le Comité de salut public, donnant à celui-ci pleins pouvoirs pour changer les délégations et commissions, il est inutile de discuter les autres parties de l’ordre du jour proposé par le Comité.
(Réclamations et interruptions diverses.)
LE PRÉSIDENT. Le nouveau Comité de salut public, comme l’ancien, a pleins pouvoirs sur les délégations et commissions. J’ajoute que c’est la logique. Il faut qu’il puisse compter sur les agents qu’il emploie.
URBAIN. L’article 3 a donné lieu à une discussion sérieuse. Il donne au Comité le droit de changer les délégations et commissions. Ce dernier est responsable de tout et, si j’avais un blâme à lui infliger, ce serait de ne pas avoir assez usé de cet article.
(Très bien!)
LE PRÉSIDENT. Voici une nouvelle proposition, remise par le citoyen Ferré:
«La Commune, considérant que le décret, instituant le Comité de salut public, donne à ses membres par l’article 3 les pouvoirs les plus étendus sur les délégations et commissions,
«En conséquence, le Comité de salut public n’a pas à la consulter sur les révocations et remplacements qu’il est nécessaire de faire et passe à l’ordre du jour.
«Th. FERRÉ.»
PLUSIEURS MEMBRES. Aux voix!
LE PRÉSIDENT. Le citoyen Serraillier se rallie à la proposition Ferré.
EUDES. Le Comité de salut public est disposé à faire usage de l’article 3. (Bruit.) La situation est grave; il y a des arrestations à opérer, et, si nous ne pouvons compter sur le délégué à la Sûreté, nous nommerons un homme dont nous serons sûrs.
SERRAILLIER. Devant la déclaration du citoyen Eudes, parlant au nom du Comité de salut public, je retire ma proposition.
CHARDON. Je suis de l’avis du citoyen Serraillier et je retire aussi ma motion.
LE PRÉSIDENT. Le citoyen Ferré retire également la sienne.
LEFRANÇAIS. Je combats la théorie du citoyen Eudes. J’avais dit, il y a quelque temps, que la Commune devait avoir le droit de nommer et de révoquer les délégations. L’assemblée a montré, par un vote concernant Delescluze, qu’elle ne partageait pas ma théorie. Il s’agit de savoir si aujourd’hui la Commune veut revenir sur cette doctrine, ou la maintenir.
RÉGÈRE. Je m’étonne que celui qui proteste contre l’article 3, soit celui que nous avons applaudi, quand il l’a provoqué. (Interruptions.) Je serais partisan plutôt d’un vote nouveau pour le sanctionner. Il faut un pouvoir absolu à celui qui a une responsabilité absolue.
(La clôture!)
URBAIN. Ceux qui ont combattu le Comité de salut public reviennent sans cesse sur son organisation. (Interruptions.) Je crois qu’il est utile d’en finir et de décider que l’article doit être purement et simplement appliqué.
(La clôture!)
LONGUET. Je demande la parole contre la clôture. Le seul contradicteur de Lefrançais, le citoyen Régère, ne lui a pas répondu. Je crois que la Commune agirait à la légère en votant la clôture.
FERRÉ. Je partage les idées exprimées par le citoyen Eudes.
(Bruit. La clôture!)
La clôture est mise aux voix et adoptée.
LE PRÉSIDENT. Le Comité de salut public maintient l’ordre du jour qui propose la nomination du citoyen Cournet aux Services publics. D’un autre côté, le citoyen Eudes déclare qu’il n’a pas été compris par l’assemblée et que, au lieu de maintenir l’ordre du jour, il le retire. Je prie le citoyen Eudes de s’expliquer.
EUDES. Il y a une proposition, dont je n’avais pas connaissance, celle relative à la démission d’un délégué et à son remplacement. Le Comité de salut public avait aussi demandé la démission de la Commission de la Guerre.
DEREURE. En admettant que nous discutions sur ces deux propositions, nous voterons sur des noms inconnus. Ce Comité aura-t-il le droit de les mettre à la porte?
BILLIORAY. Je propose un ordre du jour ainsi motivé:
«La Commune, considérant que l’article 3 du décret confère tout pouvoir sur les délégations et commissions, passe à l’ordre du jour.
«BILLIORAY.»

Illustration 2
Commune de Paris, Théophile Ferré © Eloi Valat.

FERRÉ. Dans différents arrondissements, on se plaint tous les jours que les décrets de la Commune ne soient pas exécutés. Je propose un ordre du jour, plus complet, selon moi, que celui du citoyen Billioray, en voici le texte :
«Considérant que les membres du Comité de salut public n’ont pas seulement le droit de révoquer les délégués, mais de procéder eux-mêmes à leur remplacement, l’assemblée passe à l’ordre du jour.»
ARNOLD. Si l’un des ordres du jour, qui vous sont proposés, est adopté, la Commune ne servira plus qu’à incriminer les membres du Comité de salut public, lorsqu’elle le jugera convenable, et elle pourrait fort bien ne plus tenir de séances.
PLUSIEURS VOIX. Et les questions de travail?
Le citoyen LONCLAS demande à faire une communication ql!li, en raison de sa nature, est renvoyée à la Commission de Sûreté générale.
BILLIORAY. On a dit que, si la Commune adoptait l’ordre du jour que je vous propose, elle n’aurait plus qu’à se retirer; ce n’est pas mon avis. Ne pouvant par vous-mêmes être une commission active, vous avez délégué vos pouvoirs à un comité, qui vous remplace pour l’action et vous donne ainsi le temps de vous occuper des questions très importantes de législation et d’économie sociale.
(Aux voix! Aux voix!)
LE PRÉSIDENT donne lecture des deux propositions déjà citées.
VERMOREL. Je désirerais cependant savoir si le Comité de salut public peut nommer et défaire nos commissions, comme bon lui semble; s’il en était ainsi, nous perdrions du coup tous nos moyens de contrôle sur lui.
LE PRÉSIDENT. La clôture ayant été prononcée, je ne puis permettre que l’on reprenne la discussion et je mets aux voix l’ordre du jour motivé du citoyen Billioray.
L’assemblée consultée adopte cet ordre du jour.
LONGUET. Je demande à motiver mon abstention.
(Interruptions diverses.)
LE PRÉSIDENT. Vous l’enverrez à l’Officiel. Je donne lecture de deux propositions de décret du citoyen Protot, qui demande l’urgence; l’une, relative à l’organisation d’une chambre du tribunal civil de la Commune; l’autre, à une pension alimentaire, allouée à la femme demandant la séparation. Je mets aux voix l’urgence.
L’urgence est déclarée.
LE PRÉSIDENT. Je mets maintenant aux voix les deux projets présentés par le citoyen Protot.
Les deux projets sont successivement mis aux voix et adoptés.
La séance est levée à 8 heures moins 20 minutes.


À lire, sur le site des Ami(e)s de Henri Guillemin, le compte rendu par Edouard Mangin du livre de Gérard Hamon, La Traversée, retour du bagne de Nouvelle-Calédonie d’un communard déporté, éditions Pontcerq, 2016.
http://www.henriguillemin.org/livres/la-traversee/

Sur le site de Michèle Audin, au sommaire du 2 décembre 2016, à la découverte d'une personnalité de la Commune,
Jeanne Matthey, ou Jenny Arnould
https://macommunedeparis.com/2016/12/02/jeanne-matthey-ou-jenny-arnould/

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.