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Billet de blog 6 janvier 2017

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Commune de Paris. Séance du 17 mai 1871 (II).

Poursuite de la discussion sur le sort des otages détenus par la Commune, en représailles aux assassinats commis par les Versaillais.

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(Suite de la séance du 17 mai 1871.)

La séance publique est reprise.

Illustration 1
Commune de Paris, Raoul Rigault © Eloi Valat.

RIGAULT, procureur de la Commune. Je présente le projet de décret que voici:
«La Commune de Paris, vu l’urgence, décrète:
«Art. 1er. Le jury d’accusation pourra provisoirement; pour les accusés de crimes ou délits politiques, prononcer des peines, aussitôt après avoir prononcé sur la culpabilité de l’accusé.
«Art. 2. Les peines seront prononcées à la majorité des voix.
«Art. 3. Ces peines seront exécutoires dans les vingt-quatre heures.
«R. URBAIN, RAOUL RIGAULT, L. CHALAIN.»
Je suis d’avis de répondre aux assassinats des Versaillais de la manière la plus énergique, en frappant les vrais coupables et non les premiers venus. Et cependant, je dois le dire, j’aimerais mieux laisser échapper des coupables que de frapper un seul innocent. Parmi les gens que nous détenons, il y a de véritables criminels, qui méritent d’être considérés comme plus que des otages. Eh bien, le sort peut désigner les moins coupables et ceux qui le sont le plus peuvent être épargnés. Pour des individus, contre lesquels il y a des faits bien déterminés, qu’avons-nous à faire? Ainsi, par exemple, un tel est gendarme, ou sergent de ville; il est appelé devant le jury d’accusation. S’il nie, on appelle des témoins et l’individu peut être condamné en moins de vingt-quatre heures. Mais il y a des hommes qui sont plus coupables, par exemple les hommes qui ont été chargés de forger des complots sous l’Empire. En attendant que la justice soit instituée complètement, j’ai cru utile d’établir un tribunal, chargé de l’examen des crimes dont il s’agit. Remarquez que je n’appelle pas délit politique les cris de «Vive Versailles. Vive l’Empereur». Ce que j’appelle délit politique, c’est un crime commis intentionnellement. Je déclare, en outre, que je demanderai qu’il ne soit pas tenu compte de la prescription pour les crimes de cette espèce. Et je place sur la même ligne les hommes qui sont d’accord avec Versailles et les complices de Bonaparte.
LE PRÉSIDENT. Il y a une proposition formulée par le citoyen Urbain.
URBAIN. Si l’assemblée décide que les représailles auront lieu dans un très court délai…
RIGAULT, procureur de la Commune. Le jury d’accusation fonctionnera après-demain.
URBAIN. Si l’on nous donne les moyens d’exercer légalement, d’une façon convenable, et promptement, les représailles, je serai satisfait. Ce que je demande, c’est que le jury d’accusation nous donne, dans les vingt-quatre heures, les otages dont nous avons besoin.
LE PRÉSIDENT. Voici la proposition du citoyen Urbain:
«La Commune décrète:
«Dix individus, désignés par le jury d’accusation, seront fusillés en punition des assassinats commis par les Versaillais, et notamment de l’assassinat d’une infirmière, fusillée par eux au mépris de toutes lois humaines.
«Cinq de ces otages seront fusillés dans l’intérieur de Paris, en présence de la Garde nationale.
« Les cinq autres seront fusillés aux avant-postes, et aussi près que possible du lieu où a été commis le crime.
«R. URBAIN.»

Illustration 2
Commune de Paris, Eugène Protot © Eloi Valat.

PROTOT. Je déclare que le projet présenté par le citoyen Rigault est d’une très grande inconséquence. Le jury d’accusation ne peut se prononcer que sur les questions de fait. Il doit avoir des connaissances spéciales spécifiées par la loi pénale. Il faut des magistrats; où sont-ils? Il n’y a pas de peines contre les délits déterminés par le citoyen Rigault. Il faut donc déterminer la peine dont ils sont susceptibles. Vous avez, en ce moment, de 40 à 50 instructions à faire. Vous ne les faites pas. Il n’y a que les juges de droit commun qui fonctionnent et les délits les plus graves échappent à la répression. Il aurait fallu que la Commune étudiât et statuât; je me propose de présenter sous peu un projet. Je conclus en disant: «Considérant que le procureur de la Commune a assez d’occupation…»
RIGAULT. Non, en deux audiences ce sera fait.
AMOUROUX, l’un des secrétaires de la Commune. Je suis d’avis qu’on doit user de représailles. Il y a un mois, nous avons annoncé la mise à exécution d’un projet qui a mis fin, pendant quelque temps, aux crimes que commettaient les Versaillais; mais, comme, en définitive, l’on n’a rien fait, les Versaillais ont de nouveau recommencé à assassiner les nôtres. En présence de ce qui se passe, je demande quel usage on fait de la loi sur les otages? Devons-nous condamner les gens retenus à ce titre? Mais est-ce que les Versaillais jugent nos gardes nationaux? Ils les prennent et ils les tuent sur les grands chemins. Qu’avons-nous à faire, nous? Il faut, chaque fois qu’ils tuent nos gardes nationaux, procéder de notre côté à une exécution semblable sur les prisonniers versaillais que nous avons entre les mains, surtout sur ceux qui appartenaient aux corps des municipaux et des sergents de ville. Je crois que cela ne suffira point; car peu leur importe qu’on leur tue quelques sergflnts de ville; il leur sera toujours facile de les remplacer. Il y a mieux à faire pour les frapper davantage; il faudrait que chaque fois que Versailles, qui a, comme vous savez, certaines idées religieuses, tuera l’un des nôtres, nous fissions immédiatement fusiller, non seulement des sergents de ville ou des municipaux, mais aussi un curé.
(Assentiment. La clôture!)
VAILLANT. Je suis, je l’avoue, dans un grand embarras, quand je vois, moi incompétent, dans la grave question qui nous occupe, les deux seuls personnages compétents de cette assemblée sur la matière, en complet désaccord. Ne serait-il pas bon que les citoyens Protot et Rigault s’entendissent pour nous apporter une résolution quelconque?
PROTOT, délégué à la Justice. Il n’y a pas de résolution à prendre. Le procureur de la Commune peut traduire, devant les deux premières sections du jury d’accusation, les personnes qu’il y a à faire juger.
RIGAULT, procureur de la Commune. En présence des événements, ces moyens ne me suffisent point.

(À suivre.)


 Autour de Vallès
numéro 46
Vallès et les anarchistes
sous la direction de Sarah Al-Matary

Illustration 3

https://amisdevalles.wordpress.com/


Au sommaire du site de Michèle Audin
La Commune de ParisPaul Lafargue en visite à Paris (7-8 avril 1871)
https://macommunedeparis.com/


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