(Séance du 19 mai 1871.)
É. GÉRARDIN. Je ferai observer que le décret parle bien de citoyens, mais ne dit pas: les citoyennes. Si bien qu’il pourrait arriver qu’une citoyenne blessée à la cartoucherie ne pût pas profiter des dispositions du décret.
AMOUROUX. Le mot citoyens, employé dans le décret, doit être compris dans un sens général et s’applique par conséquent aux citoyennes tout aussi bien qu’aux citoyens.
J.-B. CLÉMENT. Je me rallie à la proposition Amouroux.
Le président donne de nouveau lecture de la proposition Amouroux et il la met aux voix.
La proposition Amouroux est mise aux voix et adoptée.
LE PRÉSIDENT. Il y a plusieurs propositions importantes du citoyen Vésinier qu’il me paraît bon d’ajourner pour qu’elles puissent être étudiées avec soin.
Sur la demande du citoyen Vésinier, ces propositions sont renvoyées aux commissions compétentes, entre autres, celles de la Justice et des Finances pour être discutées dans le plus bref délai.
OSTYN. J’ai rencontré, en venant à la séance, une troupe de musiciens faisant une quête pour les blessés. Sur ma demande, ils m’ont exhibé une commission, signée : Gournet. Certainement cette commission n’a été donnée qu’avec de bonnes intentions; mais, ce que je trouve blâmable, c’est que cette troupe se composait de 30 musiciens et de 15 ou 20 quêteurs, qui prélevaient d’abord chacun 4 francs pour leur journée. C’est là un fait immoral et qu’il me paraît urgent de faire cesser au plus vite.
COURNET. Cette question a été déjà traitée ici. L’autorisation, émanant de la Sûreté générale, a été accordée sur la demande d’une municipalité. Mais il y a environ quinze jours que ces quêtes ont été interdites par un avis publié au Journal Officiel et elles auraient dû cesser.
É. GÉRARDIN. Il ne faut pas de mendicité. L’Empire n’a su faire que des mendiants; la République doit faire des hommes.
J.-B. CLÉMENT. Il est important que cette question soit liquidée. Dans le XVIIIe arrondissement, nous avons interdit les quêtes, aussitôt l’avis paru à l’Officiel. Elles devraient être interdites également dans tous les autres arrondissements.
COURNET. Il n’y a eu qu’une seule autorisation délivrée à la Sûreté générale, avant le décret, c’était pour votre arrondissement.
J.-B. CLÉMENT. Je demande que les quêtes cessent partout.
LEDROIT. Je crois que l’assemblée est bien éclairée sur cette question. Mais, si on laisse aux municipalités le droit d’autoriser des quêtes, nous verrons encore ces mascarades dans les rues. Il faut arrêter cela définitivement. S’il y a des musiciens assez zélés pour mettre leur talent au service des blessés, qu’ils organisent des concerts; et que ce soit gratuit de leur part.
LE PRÉSIDENT. Je crois que l’on doit renvoyer la question au Comité de salut public.
(Oui! Oui!)
MIOT. Je demande la parole pour une question relative aux quêtes.
LE PRÉSIDENT. La question est renvoyée au Comité de salut public.

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POTTIER fait la proposition de remplacer les galons par une marque distinctive. Je crois que, pour cette question, la Guerre seule est compétente.
(Oui! Appuyé!)
J.-B. CLÉMENT. Prenez-y garde, citoyens; il y a des gens qui meurent avec leurs galons et, si vous les leur enlevez, vous ferez peut-être une chose très mauvaise.
LE PRÉSIDENT. Voici une proposition du citoyen Gournet, à laquelle je m’associe entièrement:
«Considérant que, dans les jours de révolution, le peuple, inspiré par son instinct de justice et de moralité, a toujours proclamé cette maxime: «Mort aux voleurs!»
«La Commune décrète:
«Art. 1er. Jusqu’à la fin de la guerre, tous les fonctionnaires ou fournisseurs accusés de concussions, déprédations, vols, seront traduits devant la Cour martiale; la seule peine appliquée à ceux qui seront reconnus coupables sera la peine de mort.
«Art. 2. Aussitôt que les bandes versaillaises auront été vaincues, une enquête sera faite sur tous ceux qui, de près ou de loin, auront eu le maniement des fonds publics.»
VAILLANT. Je demanderai que l’on supprime les mots: «Vu l’urgence».
FRÄNKEL. J’ai lu précisément dans le Journal Officiel un article du délégué aux Finances : «La solde de la Garde nationale a donné lieu à de scandaleux abus. Le délégué aux Finances a constitué un service spécial de contrôle pour arrêter les détournements qui se commettent tous les jours. Quant aux misérables qui ont osé profiter des difficultés de la situation actuelle pour tromper indignement la Commune, le service de contrôle est appelé à faire une enquête sévère sur ces délits qui, à l’heure présente, sont des crimes. Leur culpabilité établie, ils seront déférés à la Cour martiale et jugés avec toute la rigueur des lois militaires. La direction du contrôle, siégeant à la délégation des Finances, recevra avec reconnaissance tous les documents de nature à l’éclairer.»
COURNET. Vous perdez de vue le but que j’avais en présentant ce projet. Le directeur du service de l’intendance est venu me déclarer qu’il se chargeait de faire une économie de deux à trois cent mille francs par jour si on lui donnait ce moyen d’arrêter le vol organisé.
VÉSINIER. Mais il faudrait un pouvoir spécial, chargé de donner une sanction rapide à ce décret. Il faudrait un fonctionnaire spécial.
COURNET. Mais ce fonctionnaire, c’est le directeur de l’Intendance, lui-même, qui me disait: «Chaque jour, on m’apporte des pièces à viser. Je sais qu’en les signant, je signe un vol. J’y perds mon honneur, mais vous mettriez le plus honnête homme du monde au milieu de ce brigandage organisé, il ne pourrait faire mieux que moi. Voulez-vous que je désorganise tous mes services? mais alors la Garde nationale ne pourrait plus marcher. Si, demain, je puis dire à l’employé qui viendra m’apporter telle pièce à signer: “Voici le vol. Demain, tu seras condamné et fusillé!” il aurait là une arme avec laquelle il pourrait frapper ...» Ce fonctionnaire spécial, c’est le directeur de l’intendance, je le répète.
Un citoyen demande que l’on mette «tous les fonctionnaires ou fournisseurs».
La proposition du citoyen Cournet, avec l’amendement ou fournisseurs est adoptée.
(À suivre.)