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Président: VALLÈS.
Assesseur: COURBET.
La séance est ouverte à 3 h. 1/2. Il est donné lecture du procès-verbal de la dernière séance.
LE PRÉSIDENT. Le citoyen Ostyn a la parole sur le procès-verbal.
OSTYN. En comparant le compte rendu de l’Officiel avec le procès-verbal que nous venons d’entendre, je suis péniblement surpris de voir combien le compte rendu est tronqué. Je n’accuse personne, je constate et je prie que l’on veuille bien remédier à cet état de choses.
BABICK. Dans la dernière séance, la Commune avait décidé qu’il n’y aurait pas de traitement au-dessus de 6.000 francs, et cependant tout le monde peut lire dans l’Officiel que certaines fonctions étaient rétribuées à raison de 33 francs par jour.
(Interruptions.)
AMOUROUX, membre-secrétaire de la Commune. Vous ne parlez pas sur le procès-verbal.
BABICK. Alors je demanderai la parole après l’adoption du procès-verbal.
RÉGÈRE. J’appuie l’observation du citoyen Ostyn. Il est fâcheux de voir retrancher de l’Officiel une portion importante de nos séances. Ainsi, à propos de la proposition Vaillant sur les théâtres, j’aurais aimé voir reproduits les développements qui ont été donnés à cette question; cela aurait prouvé à nos ennemis que nous ne sommes pas tellement effrayés de leurs menaces que nous n’ayons pas le temps de nous occuper de questions de ce genre et de conserver notre indépendance de langage. Il y a notamment des considérations très élevées du citoyen Félix Pyat qui n’ont pas été publiées; je demande la reproduction de ces retranchements à l’Officiel.
CLÉMENCE. On avait tronqué mes paroles dans le dernier procès-verbal et une partie de la rectification que j’ai faite n’a pas été insérée dans celui d’aujourd’hui; je le regrette.
RASTOUL. Je proteste contre la dictature que se sont arrogé les secrétaires. Pour mon compte, si cela continue, je serai obligé d’avoir recours aux réunions publiques pour mettre mes électeurs au courant de ce que j’ai pu dire dans nos séances.
DESCAMPS. Je ne vois pas reproduite au compte rendu l’interpellation que j’ai faite dans la dernière séance sur les groupes des boulevards; le procès-verbal seul a mentionné mes paroles.
DURAND. Dans l’Officiel de ce matin, le compte rendu me prête, à l’égard du citoyen Longuet, une insinuation contre laquelle je proteste: «Que le citoyen Longuet n’avait peut-être pas le goût nécessaire pour faire partie de la Commission de Travail et d’Échange. C’est là une insinuation dont je suis incapable. Je lui ai en effet proposé de permuter avec moi en passant de la Commission du Travail à la Commission de Justice, dont je suis membre; mais je n’ai certainement voulu dire rien de blessant.
LONGUET. Je remercie le citoyen Durand de son observation; mais je puis lui affirmer que je n’avais pas considéré ce qu’il a dit comme une insinuation blessante. La plupart d’entre nous savent que, depuis longtemps, je m’occupe de l’étude des questions sociales; dans ces dernières années, je ne travaillais pas seulement à renverser l’Empire, je faisais partie de diverses délégations qui avaient pour objet l’étude des problèmes sociaux. Je ne crois donc pas que le citoyen Durand ait eu un seul instant l’intention de faire une insinuation blessante à mon égard.
AMOUROUX. Il est tenu compte de toutes les paroles qui se prononcent ici; elles sont contresignées sur un registre ad hoc; mais, quand le citoyen Vésinier m’a été adjoint, vous avez décidé de lui laisser le soin de retrancher ou de ne pas retrancher. Je me suis depuis complètement déchargé du soin de faire insérer le compte rendu au Journal Officiel sur le citoyen Vésinier. Quant à la question des théâtres, le citoyen Vésinier n’est pas en cause; c’est le Comité de salut public qui a demandé que cette discussion ne fût pas insérée dans l’Officiel. J’ignore si c’est d’accord avec le citoyen Vaillant que cette insertion n’a pas eu lieu.
VAILLANT. Le citoyen Vésinier m’a demandé si je tenais à voir mes arguments dans cette question figurer à l’Officiel; je lui ai répondu que je n’y tenais nullement.
SICARD. On distribue dans les rues un opuscule où on exagère le nombre des victimes de l’explosion de la cartoucherie Rapp. On a exagéré les chiffres. Il y avait quatorze femmes et seize hommes employés à la cartoucherie; il n’a donc pu y avoir cent victimes. Demain, je vous donnerai des renseignements exacts à ce sujet. Avant de donner des autorisations de faire des brochures, l’ex-préfecture de police devrait au moins consulter les personnes compétentes.
PLUSIEURS MEMBRES. Parlez sur le procès-verbal.
RÉGÈRE. Je demande l’insertion à l’Officiel de la discussion très élevée qui a eu lieu à propos des théâtres.
LE PRÉSIDENT. Je vais d’abord mettre aux voix le procès-verbal.
Le procès-verbal, mis aux voix, est adopté.
LANGEVIN. Citoyens, pour la question que je veux soumettre à l’assemblée, je crois qu’il serait bon qu’un membre du Comité de salut public fût présent, mais néanmoins j’en saisis immédiatement l’assemblée. J’ai été très étonné, ce matin, quand j’ai lu dans l’Officiel un décret, signé d’un membre du Comité central, qui se permet de légiférer. Je voudrais bien savoir si le Comité de salut public a donné le droit au Comité central de venir se substituer à la Commune. Non seulement le Comité central a outrepassé ses pouvoirs, mais le décret, auquel je fais allusion, est insensé et nous ne pouvons nous attirer ainsi l’odieux d’une mesure sans même en avoir le bénéfice; je crois qu’il faut y mettre un terme. Je demanderai également au citoyen qui est délégué à l’Officiel s’il a eu connaissance de l’insertion de ce décret insensé.
LE PRÉSIDENT. Je crois aussi que nous devons rejeter loin de nous toutes les conséquences ridicules d’un pareil décret et qu’il faut vider immédiatement cet incident.
PLUSIEURS MEMBRES. Attendons que le citoyen Vésinier soit présent.
LE PRÉSIDENT. La parole est au citoyen Babick.
BABICK. La Commune tout entière doit se rappeler que ceux de ses membres, qui devaient être incarcérés, devaient être détenus à l’Hôtel de Ville. Le colonel Brunel, de la 10e légion est à Mazas et n’a pas encore été jugé. La 10e légion est en désarroi depuis l’absence de Brunel, qui est très estimé comme commandant militaire et qui a toujours fait son devoir. Je demande que l’on réclame à qui de droit la translation du colonel Brunel à l’Hôtel de Ville et que sa femme puisse le visiter.
(Oui! Appuyé!)
LE PRÉSIDENT. La proposition Babick, étant appuyée, sera renvoyée au Comité de salut public.
ARNOULD. J’ai à faire une déclaration au nom de trois membres du IVe arrondissement, Clémence, Gérardin et moi; comme vous le savez, nous avons réuni nos électeurs hier pour leur rendre compte de notre gestion administrative et de la ligne de conduite que nous avons suivie dans cette assemblée. Le citoyen Lefrançais a exposé les raisons qui nous avaient guidés. Après discussion, l’assemblée a décidé qu’un vote serait émis invitant les membres de la minorité à rentrer aux séances de la Commune. Avant d’émettre ce vote, on nous a demandés si nous étions disposés à nous y soumettre. Le citoyen Clémence a déclaré qu’il acceptait le vote, sous cette réserve qu’il entendait ne rétracter aucun de ses votes et ne point retirer sa signature du manifeste de la minorité; qu’il retournerait siéger à l’assemblée cependant, pour obéir à la volonté de ses électeurs, mais qu’il y soutiendrait la politique qu’il avait soutenue. Le citoyen Gérardin a prononcé des paroles analogues. Quant à moi, j’ai déclaré que, partisan du mandat impératif et du gouvernement direct, j’accepterais la décision de l’assemblée sous les mêmes réserves que Clémence, avec une condition en plus; c’est que la publicité la plus sérieuse serait donnée aux séances de la Commune et que toutes les discussions, sauf les discussions militaires, seraient publiées sténographiquement dans l’Officiel. L’assemblée a été de mon avis. Elle nous a donc invités à reprendre nos places à l’assemblée, tout en spécifiant que nous restions libres de défendre la politique que nous avons toujours soutenue et que nous continuerons de soutenir. Elle a de plus exprimé le vœu que la plus grande publicité fût accordée aux discussions de la Commune, et je me suis engagé à porter ici, en son nom comme au mien, l’expression de ce vœu nettement formulé et qui pour moi constitue la condition expresse de ma présence aux séances de la Commune.
AMOUROUX. On a laissé le citoyen Arthur Arnould donner son opinion entière et dire que l’assemblée ne l’avait ni combattu, ni désapprouvé; que, au contraire, elle l’avait approuvé. Je proteste de la manière la plus formelle, car si on l’avait approuvé on m’aurait désapprouvé, moi qui ai parlé dans un sens contraire à ce qu’il a dit.
AVRIAL. Je demande la parole pour une motion d’ordre. On doit discuter l’affaire Cluseret, puisqu’elle est à l’ordre du jour.
LE PRÉSIDENT. En effet, je demande à l’assemblée s’il n’est pas convenable de discuter de suite l’affaire Cluseret.
JOURDE. Je demande la parole pour une observation importante.
PLUSIEURS VOIX. Parlez! parlez!
JOURDE. Je demande que l’assemblée prenne une décision qui touche vos finances. Hier, il y a eu une dépense de 1 million 800.000 francs; depuis dix jours, il y a une augmentation de 45.000.000 de francs, et je lis ce matin dans l’Officiel quatre lignes du citoyen Grêlier déclarant que des titres de rente et le grand livre seront brûlés dans les quarante-huit heures. C’est là une note des plus dangereuses et dont l’opinion publique s’émeut. Je vous demande, avant de passer à l’ordre du jour, de faire le nécessaire pour donner un démenti à cette note dans l’Officiel, en disant que son insertion n’a eu lieu que par erreur ou par surprise.
LEFRANÇAIS. Je demande l’arrestation du signataire de cette note.
RÉGÈRE. Dès huit heures du matin, avant que les membres du Comité de salut public eussent pu voir cette note dans l’Officiel, ceux de nous qui l’avaient lue ont télégraphié au Comité pour l’engager à prendre des mesures urgentes et, à l’heure qu’il est, elles doivent être prises.
LANGEVIN. Quelles sont ces mesures?
JOURDE. Il ne s’agit pas de dire que des mesures sont prises, il faut les indiquer. Je prie l’assemblée de vouloir bien décider de suite que le citoyen Grêlier mérite plus qu’un blâme. Je lui demande en outre d’exprimer le regret que ces quatre lignes aient paru dans l’Officiel et de déclarer que la population de Paris n’a pas à s’en préoccuper.
(Approbation générale.)
(À suivre.)
«Quel est le Fou ? Le monde ou moi»
Le spectacle musical de la compagnie Une chanson dans ma mémoire, autour des poèmes d’Eugène Pottier, a été joué au musée d’Art et d’Histoire de Saint-Denis à l’occasion de la réouverture, après rénovation, des salles consacrées à la Commune.
Écouter l'émission «Des cailloux dans l’engrenage» sur Radio Libertaire consacrée à ce spectacle:
http://media.radio-libertaire.org/backup/20/mercredi/mercredi_1400/mercredi_1400.mp3
Avec, notamment, une interprétation de l’Internationale sur l’air de la Marseillaise.
Le désormais indispensable site de Michèle Audin consacré à la Commune de Paris
https://macommunedeparis.com/
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Le Peuple de Jules Vallès